(Vidéo) Abécédaire Frustration – « E comme ÉCOLOGIE » (avec Clément Sénéchal) / Rédaction | 04/07/2025
Chroniques de l'écologie bourgeoise
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Dans cet épisode de notre abécédaire politique, on reçoit Clément Sénéchal (Ex-Greenpeace, auteur et militant) pour démonter l’écologie bourgeoise : celle qui culpabilise les individus pendant que les gros pollueurs trinquent tranquillement. On parle écologie populaire, conflits de classes et stratégies politiques pour éviter de foncer droit dans le mur en trottinette électrique.
Le livre de Clément Sénéchal : https://www.placedeslibraires.fr/livre/9782021508208-pourquoi-l-ecologie-perd-toujours-clement-senechal/?affil_mid=2723
Créé et animé par Rob Grams
Réalisé et monté par Farton Bink
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Par Alexia Soyeux
2 min ⋅ 15/06/2024
Chose promise, chose due. Voici le nouvel épisode, qui tombe à pic dans le contexte politique cataclysmique.
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Félicien Faury est chercheur en sociologie politique. Son ouvrage « Des électeurs ordinaires - Enquête sur la normalisation de l’extrême-droite » est le résultat d’une longue enquête sociologique dans le Sud-Est de la France. Il éclaire les ressorts du vote pour l’extrême-droite, en donnant à voir les visions du monde qui le sous-tendent : qu’est-ce qui, dans la vie ordinaire des électeur·ices, les rendent sensibles et favorables aux discours du RN ?
Bien sûr, pour comprendre l’ascension de ce parti, l’analyse du contexte économique, politique et médiatique est indispensable, mais pas suffisante. Contrairement aux analyses qui ne se concentrent que sur le ressentiment économique, ou qui tendent à isoler les causes les unes des autres, quitte à balayer la dimension raciale, Félicien Faury montre que le racisme reste un enjeu central dans le vote d’extrême-droite.
Parce que le racisme est multiple et transversal à toute la société, qu’il est un enjeu identitaire, mais aussi un rapport de pouvoir socio-économique.
Ainsi, en évitant la condescendance et le misérabilisme, on peut comprendre le vote RN comme la volonté de maintenir une place et des privilèges fragilisés, dans un ordre social et racial au sein duquel la concurrence pour les ressources communes augmente.
Il est fondamental d’être lucide sur la situation politique, et de penser ensemble les logiques de classe et de race pour comprendre la normalisation du discours d’extrême-droite dans toute la société, et agir en conséquence.
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Approfondir
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Des électeurs ordinaires, Enquête sur la normalisation de l'extrême droite, Félicien Faury - Editions du Seuil
Mediapart - Dans l’électorat du RN, « le racisme s’articule à des expériences de classes »
Podcast Minuit dans le Siècle - Aux sources du vote FN/RN : prendre le racisme au sérieux
François Ruffin © Pablo Porlan / Hans Lucas pour Le Vent Se Lève
[Le samedi 25 juin, à 17 heures, François Ruffin sera présent à la Maison des Métallos pour une conférence avec Chantal Mouffe sur le thème « La gauche peut-elle de nouveau être populaire ? ». Plus de détails sur la page Facebook de l’événement]
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la politique ne se construit que sur du conflit. La démocratie, c’est du conflit, mais du conflit organisé, organisé pacifiquement. Et le pire, ce sont les moments où l’on tait le conflit, au nom du consensus, dans une fausse démocratie. C’est comme une cocotte-minute : le conflit, étouffé, revient plus tard de manière violente.
Et le conflit qui prévaut, pour moi, c’est le conflit de classe ... Un… deux… trois… » Jeff Bezos, le PDG d’Amazon, vient de gagner 10 000 € ! Autant que ma suppléante, Hayat, en un an : elle est accompagnante d’enfants en situation de handicap. ... faire ressentir cette injustice sociale, que les gens ne voient pas, ou rarement. Comme ils éprouvent tout de même un sentiment d’injustice, celui-ci est canalisé dans d’autres directions : les étrangers, les réfugiés, les assistés. Autrement dit : les plus pauvres qu’eux. C’était déjà ma bagarre il y a cinq ans, mais c’est encore davantage conscient aujourd’hui : il y a deux catégories d’invisibles que je cherche à mettre en lumière. Ceux du bas, bien sûr : les auxiliaires de vie sociale, les agents d’entretien, les ouvriers, etc., qui figurent dans mes films. Mais il y a d’autres invisibles à mettre en lumière : ceux du haut.
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la famille Saint-Frères, un empire textile, né au XIXe siècle. Les habitants vivaient aux alentours, dans les corons, dans des taudis, dans de la terre battue. Quand ils sortaient de chez eux, ils voyaient où partait leur travail : dans ces superbes châteaux. Aujourd’hui, quand ils sortent de chez Amazon, ils ne voient pas les immenses villas, yachts et jets privés de Jeff Bezos. Alors, il faut donner à voir, à ressentir cette injustice majeure. Si on y parvient, on réactive le conflit de classe, et du vote de classe. Si on n’y parvient pas, ils vont se tourner vers des bouc-émissaires
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Un politiste que j’apprécie, Patrick Lehingue, explique que dans les années 70, la gauche ne faisait pas dans la dentelle : c’étaient des clivages relativement simples, binaires, rustiques, les petits contre les gros, le travail contre le capital, les salariés contre les patrons, etc. Puis, dans les années 80, la gauche arrivée au pouvoir a changé de lexique : les choses devenaient plus « complexes », le marxisme était « dépassé ». Les gens, pourtant, continuaient à ressentir une injustice, le chômage s’amplifiait, les Restos du cœur ouvraient… Mais puisqu’on ne l’exprimait plus en termes de classes, ils se sont tournés vers d’autres oppositions : les vieux contre les jeunes, les hommes contre les femmes, et surtout, surtout, les Français contre les immigrés. Il faut réactiver ce conflit central du capital contre le travail – avec une nuance, tout de même : il y a davantage de petits patrons, d’indépendants, d’auto-entrepreneurs aujourd’hui qu’hier. C’est une transformation, pas seulement économique, psychologique, majeure.
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ce qu’Emmanuel Todd appelle un passivisme des éduqués. Ainsi, la gauche a accompagné la mondialisation. Je parle bien sûr de la gauche sociale-libérale ... accepter une perspective anti-mondialiste, ou démondialisatrice ... le choix de délocaliser vers la Slovaquie répondait à une rationalité imparable ... rapport de 2011 produit par Terra Nova ... Les ouvriers doivent être abandonnés, car les reconquérir impliquerait de défendre le protectionnisme et d’abandonner un agenda libre-échangiste.
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Le vote RN dans ma région ... rejet de la mondialisation
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2005 ... aujourd’hui ... pas 55 % de « non» mais 60 ou 65 % ! ... Le projet de Macron est un projet minoritaire : la base électorale du « oui» de 2005 ne cesse de se rétrécir. Il se passe de l’avis du peuple pour multiplier les traités de libre-échange : avec le Canada, le Vietnam et le Mexique – en plus des négociations en cours avec la Chine et l’Inde.
C’est ainsi le même projet de mondialisation, de concurrence et de croissance qui se perpétue. Il faut une triple rupture : moins de mondialisation et davantage de protection, moins de concurrence et davantage d’entraide, moins de croissance et plus de répartition. Leur projet est démocratiquement mort et ils le savent. ... Désobéir. L’Union européenne est libérale dans ses fondements. Comparons le mythe fondateur de la nation française à celui de l’Union européenne. Nous avons la révolution française, moment de surgissement du peuple sur la scène de l’histoire. L’Union européenne a des traités économiques, incompréhensibles pour la grande masse des gens. D’où son absence d’ancrage populaire. Une politique de gauche sera amenée à se heurter à l’Union européenne.
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Le paradoxe, c’est que nous avons perdu une élection alors que les thématiques qui étaient à l’ordre du jour étaient en partie les nôtres : l’hôpital, le pouvoir d’achat, les services publics, etc. Pendant le temps de la campagne, on est parvenu à marginaliser la question identitaire
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divorce entre les classes populaires et les classes intermédiaires ... un autre, au sein des classes populaires elles-mêmes : les quartiers populaires d’une part, les campagnes populaires de l’autre. Mettre sur la table des questions d’ordre sociétal, culturel ou cultuel fait exploser la possibilité d’un bloc. Mettre l’accent sur les questions économiques et sociales rend possible un rapprochement. Notre objectif doit être de mettre fin à ces deux divorces qui durent depuis des décennies.
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construire une écologie populaire ... l’empreinte carbone en fonction des classes sociales. Les 50 % les plus pauvres du pays polluent assez peu, les 40 % du dessus légèrement plus, mais pas de manière considérable, tandis que les 10 % du dessus du panier sont les plus gros émetteurs de CO2. ... ne cherche pas à nier le conflit de classe ... que les 1000 premiers kilomètres en train soient gratuits. L’Allemagne vient de lancer le « train illimité à 9 € par mois », avec un immense succès ... mettre fin aux passoires thermiques. Il y a cinq millions de passoires thermiques dans le pays. L’année dernière, 2500 passoires ont été rénovées. Cela signifie qu’à ce rythme, il faudra deux millénaires pour en venir à bout ! ... Gagnant pour l’emploi, afin de combattre le chômage par des métiers manuels qualifiés non délocalisables. Gagnant pour la planète, l’évidence. Gagnant pour l’indépendance nationale ... comme Hervé Kempf, qu’il faut consommer moins et répartir mieux. Et consommer moins, cela doit commencer par ceux d’en-haut.
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le libre-échange est incompatible avec la lutte contre le réchauffement climatique
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Les conditions matérielles pour une mise en cause commune de la mondialisation sont donc bien là. Mais encore faut-il que notre discours en fasse une priorité, sans nous bercer, et sans bercer les gens d’illusions. D’ailleurs, eux ne s’en laissent pas compter : l’autre monde possible, en l’état, ils n’y croient pas.
Connu / tg 24/06/22 à 12:14