Un chercheur du centre d'analyse Mercator Océans examine des images de surveillance océanique à Toulouse en 2017. ©AFP - REMY GABALDA / AFP
... Hervé Poirier le co-rédacteur en chef au magazine "Epsiloon" revient sur les mystères de l’océan ...
Dans deux semaines, à Nice, va se tenir la conférence des Nations unies sur l’océan, un rendez-vous politique majeur pour tenter de régler les problèmes de surpêche, de pollution plastique, de protection de la haute mer et des grands fonds. Mais juste avant, dans une semaine, toujours à Nice, 2 000 chercheurs vont se réunir pour la conférence One Ocean Science, tout aussi cruciale. Car derrière l’urgence politique se cache une autre, scientifique : réussir à mesurer et à modéliser l’impact sur l’océan du réchauffement climatique.
Prenez l’Atlantique : que va devenir l’AMOC, cet énorme courant venu des tropiques qui régule le climat de l’Europe, de l’Amérique du Nord, ainsi que la mousson africaine ? « Il y a encore beaucoup de suspense, reconnait Didier Swingedouw, spécialiste de la dynamique océanique à l’université de Bordeaux. Les résultats des modèles actuels sur son devenir d’ici à la fin du siècle varient entre un ralentissement de 3 % et une diminution de 72 %. »
Énorme incertitude, énorme enjeu
Idem pour le Pacifique : que va devenir El Niño, ce phénomène cyclique qui nait des oscillations de température entre l’est et l’ouest du Pacifique, et qui a une influence décisive sur les précipitations en Asie, en Australie, en Amazonie ? Comme le reconnait Éric Guilyardi, au Laboratoire d’océanographie et du climat, à la Sorbonne, « Il n’y a aucun consensus scientifique sur la manière dont cette zone de l’océan va évoluer sous l’effet du réchauffement ».
Et l’océan Austral, autour de l’Antarctique, censé représenter 40 % de l’absorption océanique du carbone ?
Une équipe allemande vient d’annoncer qu’il absorberait en fait 25% de plus que prévu, et une chinoise 30% de moins. Sachant qu’on ne sait pas si le réchauffement va enrayer ou intensifier cette pompe. Quant à l’océan Arctique, où la banquise est en train de disparaitre, « Les incertitudes sont monstrueuses, les projections divergent énormément », déplore Camille Lique, au Laboratoire d’océanographie physique et spatiale, à Brest. Bref, en cette Année de la Mer, les scientifiques le reconnaissent : ils sont face à des océans d’incertitudes.
Que faire face à tant d’inconnues ?
Déjà, justement, les regarder en face : Jean-Pierre Gattuso, qui va coprésider la semaine prochaine One Ocean Science, le reconnait : « Jusqu’à maintenant, l’océan a été traité de manière séparée et fragmentaire, entre le climat, la biodiversité, le plastique, la pêche, le transport… Il n’y a pas eu d’approche transversale ». Cela est en train de changer. L’organisation Mercator Ocean, basée à Toulouse, espère par exemple que sera entérinée à Nice son statut d’organisation intergouvernementale, l’équivalent de l’Organisation météorologique mondiale. Les programmes de mesures se multiplient, les modélisations s’affinent. Mais la communauté scientifique tremble à l’idée que les États-Unis se désengagent.
N’est-ce pas dangereux de mettre ainsi en avant toutes ces incertitudes ?
« On en sait assez pour agir », nous ont répété les chercheurs, inquiets, eux aussi, que cet aveu d’ignorance justifie l’inaction ou alimente le climatoscepticisme. Mais, une fois cet avertissement posé, ils racontent des débats passionnés, ils sont pleins d’espoir sur leurs travaux en cours, car ils savent de mieux en mieux ce qu’ils ne savent pas. Et ça, c’est le début de la connaissance.
par Karine Durand, Spécialiste météo extrême et environnement
Rubriques Réchauffement climatique - Nasa - Changement climatique - Climatologie - actualité - • 3 Min
La Planète est confrontée à une accélération fulgurante du réchauffement climatique depuis début 2023 : l’année dernière est la plus chaude enregistrée depuis le commencement des relevés, avec un écart sans précédent par rapport à la moyenne. L’année 2024 continue sur la même lancée et il est désormais quasiment certain qu’elle sera la nouvelle année la plus chaude enregistrée. Interrogé par une revue scientifique américaine, le directeur du Nasa Goddard Institute, Gavin Schmidt, explique
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l'année 2023 nous a forcés à être plus humbles, mais nous a aussi rendus encore plus inquiets ... Nos prévisions pour 2023 se sont écartées de 0,2 °C, ce qui ne paraît pas beaucoup, mais c'est en fait énorme » ... le rôle primordial des émissions de gaz à effet de serre issues des activités humaines, le phénomène climatique El Niño (juin 2023 - mai 2024) qui a un effet réchauffant, la modification des lois concernant la pollution émise par les grands navires (qui a permis au ciel d'être plus dégagé, et à la mer de subir encore plus le réchauffement), la vapeur d'eau émise par l'éruption du volcan Hunga Tonga dans l'océan Pacifique, une phase du cycle solaire qui n'aide pas...
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« Soit nous sommes passés à côté d'un élément qui a un impact [qui s'additionne à celui des émissions de gaz à effet de serre, NDLR], soit nous avons juste sous-estimé la vitesse du réchauffement » ... l'effet réchauffant du dernier El Niño a été beaucoup plus fort que ce que les scientifiques envisageaient. Un bond spectaculaire dans les températures s'est aussi produit en 1977 (moins fort que 2023 tout de même) dans la même configuration : après plusieurs années marquées par La Niña (avec un effet légèrement refroidissant), un fort El Niño s'est déclenché et la Planète a alors subi une nette hausse du réchauffement.
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Voir aussi
Le climat change trop vite, laissant place à des phénomènes extrêmes : « l’impensable est désormais possible » !
https://www.futura-sciences.com/planete/actualites/rechauffement-climatique-climat-change-trop-vite-laissant-place-phenomenes-extremes-impensable-desormais-possible-115750/
Le retour du phénomène météorologique El Niño a été confirmé en juillet 2023. Au même moment, la planète subit des conséquences du réchauffement climatique depuis plusieurs mois : incendies, canicules et sécheresse. Face à cette double menace, faut-il s’attendre au pire ?
Vidéo : 8min30
Connu / TG le 07/08/23 à 11:14
La Terre a connu, entre le lundi 3 et le jeudi 6 juillet 2023, ses journées les plus chaudes jamais enregistrées par les météorologues. Si la température moyenne du globe inquiétait déjà en début de semaine lorsqu’elle avait atteint 17,01 °C, elle a battu tous les records quatre jours après avec 17,23 °C. Mais à quoi sont dues ces hausses qui n’en finissent plus ? Serge Zaka, agroclimatologue, nous aide à y voir plus clair.
Photo Un garçon s'arrose pendant une vague de chaleur à Chennai, au mois de mai 2023 en Inde. | EPA/MAXPPP
Quatre fois. En une semaine, du lundi 3 au jeudi 6 juillet 2023, le record de température moyenne sur notre planète a été battu à quatre reprises. La barre des 17,01 °C atteinte lundi n’était qu’un avant-goût puisque depuis un nouveau record a été battu : 17,18 °C mardi, et mercredi et 17,23 °C le jeudi 6 juillet. Une augmentation impressionnante qui interpelle fortement la communauté scientifique, d’autant que les conséquences sont pour le moment imprévisibles. Les causes sont en revanche, elles, très bien connues comme nous l’explique l’agroclimatologue Serge Zaka.
Comment s’expliquent ces tristes records ?
Tout d’abord, on a un contexte de fond celui du réchauffement de la planète, qui même sans autres facteurs, fait qu’on a tendance à battre des records régulièrement.
Vient ensuite s’ajouter le phénomène météorologique El Niño. C’est inquiétant car il vient juste de commencer. Autrement dit, on a de très fortes probabilités de battre des records de températures planétaires au moins jusqu’au printemps prochain.
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possible début d’emballement
... Il y a une dizaine de points de non-retour qu’il ne faut pas dépasser car il pourrait emballer le changement climatique. Il est possible qu’on en atteigne certains cette année, mais on ne peut rien valider sans des études rétrospectives.
Nous sommes de plus en plus à alerter sur ces hausses de températures mais de moins en moins à se prononcer sur les conséquences. On est tellement loin qu’on est dans l’inconnu. La science n’ayant pas encore observé ce type de phénomène sur la planète, c’est très difficile de prédire ce qu’il va se passer. On est dans l’inconnu et le questionnement le plus total.
france-5 Magazines 1 h 4 min Français tous publics Vidéo sous-titré
Disponible jusqu'au 09/07/23 - Présenté par : Caroline Roux, Axel de Tarlé
Les méga-feux font rage au Canada. Le Centre interservices des feux de forêt du Canada (CIFFC) recense plus de 400 incendies en cours, dont la moitié sont hors de contrôle, dans ce pays où les immenses étendues boisées sont rarement accessibles par la route. Les fumées qui s’en dégagent couvrent un tiers des États-Unis à l’est du Mississippi et descendent jusqu’en Caroline du Sud, sur la côte. Ces fumées chargées de particules fines sont dangereuses pour la santé. Près de 100 millions d’Américains, concernés par une alerte sur la qualité de l'air, sont appelés à se protéger : port du masque, événements en extérieur annulés, école à distance...Une pollution qui a pris la forme, depuis mercredi, d'un épais brouillard orangé qui s'est répandu sur la ville de New York et sur une large partie de la côte est du pays. Des grandes villes canadiennes comme Montréal et Ottawa sont aussi touchées et des vols ont dû être annulés faute de visibilité. Cet épisode de pollution atmosphérique rare constitue "un rappel brutal des conséquences du changement climatique", a déclaré le président américain Joe Biden.
Les secours canadiens estiment que 50 % des départs de feux sont causés par l’homme – mégots de cigarette, appareils électriques…. - mais ils prospèrent davantage avec le réchauffement climatique, qui fournit le combustible et les conditions : des végétaux secs, des chaleurs extrêmes et un vent omniprésent depuis des semaines. Selon les climatologues, le Canada se réchauffe plus vite que le reste de la planète. "La moyenne mondiale est de 1,1 °C supplémentaire depuis l’ère préindustrielle. Ici, c’est globalement 1,7 °C, et 3 °C dans de nombreux endroits", explique le directeur de l’adaptation à l’Institut climatique du Canada. "La quantité de forêts brûlées devrait doubler d’ici à 2050 en raison de notre changement climatique", a affirmé le ministre canadien des Ressources naturelles.
Un réchauffement climatique qui s’accroît désormais à un rythme de plus en plus rapide, avec des émissions de gaz à effet de serre à un niveau inédit, selon une vaste étude internationale publiée ce jeudi dans la revue Earth System Science Data. "Sur la période 2013-2022, le réchauffement causé par l’humanité a augmenté à un niveau sans précédent de plus de 0,2 °C par décennie", écrivent une cinquantaine de chercheurs de renom, s’appuyant sur les méthodes du Giec, les experts climat mandatés par l’ONU. Les scientifiques préviennent que l’humanité se retrouve face à une décennie "critique" alors que le seuil de 1,5 °C pourrait être atteint ou dépassé au cours des dix prochaines années.
Et pour l’Arctique c’est un scénario noir qui est déjà annoncé. Même si nous réduisons nos émissions de gaz à effet de serre, la glace de mer d’été va disparaître dans les prochaines décennies, selon une autre étude publiée par la revue Nature Communications. Peut-être même 10 ans plus tôt que prévu par le Giec. "Les résultats indiquent que le premier mois de septembre sans glace de mer interviendra dès les années 2030-2050, quels que soient les scénarios d’émissions", écrivent les scientifiques. La disparition de la glace "accélérera le réchauffement arctique, ce qui peut augmenter les événements météorologiques extrêmes aux latitudes moyennes, comme les canicules et les feux de forêts". "Cela peut aussi accélérer le réchauffement mondial, en faisant fondre le permafrost, ainsi que la montée du niveau des océans en faisant fondre la calotte glaciaire du Groenland", ajoute les chercheurs.
Parallèlement, l’Agence américaine d’observation océanique et atmosphérique (NOAA) vient d’indiquer que le phénomène météorologique El Nino a officiellement commencé et devrait « se renforcer graduellement » dans les mois qui viennent. C’est un phénomène qui se produit environ tous les deux à sept ans, caractérisé par des températures de surface plus chaudes que la normale dans l’océan Pacifique équatorial, mais qui a des conséquences pour toute la planète. En fonction de sa force, El Nino peut notamment accroître le risque de fortes précipitations ou de sécheresse dans certaines régions du monde.
Une sècheresse qui touche déjà un quart de l’Europe, notamment l’Espagne où la guerre de l’eau s’intensifie. Dans ce pays considéré comme le "potager de l'Europe", les effets de l’urgence climatique ont brutalement fait irruption dans la vie des espagnols avec la crise de l’eau et le pays s’interroge sur son modèle agricole, à savoir une agriculture intensive de plantations gourmandes en eau comme notamment les fraises et les avocats, qui absorbe près de 80 % des ressources hydriques du pays. Les autorités s'inquiètent également du détournement clandestin de l'eau. De nombreux agriculteurs sont en effet reliés illégalement au réseau et contribuent à appauvrir les réserves déjà faibles.
En France où plusieurs régions sont également déjà touchées par la sécheresse, on se prépare à connaître de fortes chaleurs durant l'été. Le gouvernement vient ainsi de dévoiler un plan canicule en "15 actions". Des SMS seront notamment envoyés à la population en cas de grandes chaleurs. "Il s’agit encore de mesurettes" a dénoncé Jérôme Frignet, directeur des programmes de Greenpeace France. "Ce n’est pas du tout ce qu’on attend du gouvernement. On attend de lui de se préparer au pire de manière beaucoup plus sérieuse que les mesures ne le laissent penser. Ils sont en réaction à l’actualité. Il n’y a aucune prévention, aucune anticipation là-dedans".
Lors de l’été 2022, deuxième été le plus chaud depuis 1900, avec trois vagues de forte chaleur et 33 jours de canicule au total, la France a enregistré une surmortalité de 10 420 morts par rapport à 2019 selon l’agence Santé publique France. En 2003, la canicule qui avait frappé la France du 1er au 20 août avait fait environ 14 800 morts.
Alors quelle est la situation au Canada et aux Etats-Unis ? Le phénomène climatique El Niño est de retour en 2023, quelles conséquences sur la météo ? Jusqu'où ira la guerre de l’eau en Espagne ? Enfin comment la France se prépare-t-elle aux fortes chaleurs attendues cet été ?
Nos experts :
- Nicolas Chateauneuf, journaliste sciences et environnement - “France Télévisions”
- Audrey Garric , journaliste au service Planète - “Le Monde”
- Emma Haziza, hydrologue
- Eric Brocardi, porte-parole de la Fédération nationale des Sapeur-pompiers de France