12 novembre 2024
Le 29 octobre 2024, des pluies diluviennes se sont abattues sur le sud-est de l’Espagne touchant particulièrement la ville de Valence et sa région. Éric Daniel-Lacombe(1) est architecte DPLG, Professeur titulaire de la chaire « Nouvelles Urbanités face aux risques Naturels : Des abris ouverts » à l’École Nationale Supérieure d’architecture de Paris-la Villette. Entretien.
...
En France par exemple, les régions Hauts-de-France, Nouvelle-Aquitaine, Pays de la Loire et Normandie sont les plus exposées vis-à-vis de l’aléa inondation par submersion marine.
Que dit l’Architecte ?
Qu’il faut arrêter de lui demander de faire plus solide et plus étanche, ce qui nous rend aveugle aux mouvements de la nature.(artificialisation des sols).
Qu’il faut arrêter de bâtir des infrastructures illusoires (digues, barrages).
Qu’il faut cesser de reconstruire à l’identique.
Qu’il faut abandonner les projets immobiliers qui vulnérabilisent le site et en inventer qui ménagent les lieux.
Qu’il faut aménager les quartiers inondables de façon à faciliter les régulations naturelles des cours d’eau : savoir mettre la rivière à l’écart quand nécessaire, mais renaturer les berges.
Qu’il faut dessiner la métamorphose de la ville en prenant la température du passage de l’eau.
Quelles sont vos préconisations ?
Qu’il n’y a pas de solution homogène mais des catégories de pensées. J’en relève quatre.
1- Recherche de la sécurité dans les périodes d’exposition au naturel (jamais de voitures garées dans les creux ni dans les rues qui deviendront des torrents, ni dans les sous-sols. Les anciens rez-de-chaussée deviennent les garages ou des préaux frais pour les prochaines canicules).
2- Régulation naturelle (éviter l’addition de protections artificielles et laisser plus de place à la rivière).
3- Intégrer et mettre en scène les forces de la nature pour créer des espaces inspirants (A Malmö, Santiago Calatrava dessine Turning Torso, une tour composée de neuf cubes en spirales évoquant les mouvements organiques et la force du vent. A Malmö encore, Stig L.Andersson invente Anchor Parken, un jardin de formes évoquant la dernière glaciation).
4- Convoquer les habitants, transformer d’anciennes friches industrielles en parcs naturels, conserver la mémoire de l’inondation. Passer de la logique du risque à une culture de la prudence, développée avec et par les habitants.
Votre profession de foi ?
Maintenir une convivialité entre l’humain, les non-humains vivants, et la nature. Apprendre à vivre avec l’eau, observer le mouvement de la nature depuis des passerelles, montrer aux enfants le phénomène de l’inondation, regarder la crue depuis l’abri comme un spectacle pédagogique, intéressant. Le Monde est celui de l’habité, il ne faut pas regarder la nature en ennemi. L’eau est une cinétique.
...
Propos recueillis par Tina Bloch
(1)Retrouver toutes les chroniques de la catastrophe annoncée d’Éric Daniel-Lacombe
Dans notre article Livres – Entrelacements d’antinomies ?, découvrir Vers une architecture pour la santé du vivant, par Éric Daniel-Lacombe