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La restructuration de STMicroelectronics se précise. Jeudi 10 avril, le fabricant franco-italien de semi-conducteurs a annoncé prévoir jusqu’à 2800 départs volontaires dans les trois ans, auxquels viendront s’ajouter d'éventuels départs en retraite non remplacés. Le plan dévoilé confirme la stratégie d’accélérer sur la production en 300 mm et le carbure de silicium.
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Mis à jour 10 Avril 2025 - 5 min. de lecture
© STMicroelectronics
Vue extérieure du site de Crolles de STMicroelectronics.
On savait le groupe en pleine restructuration et négociations avec les syndicats. Jeudi 10 avril, STMicroelectronics a révélé que son plan de transformation, décidé à l’automne dans un contexte de mauvais résultats financiers, pourrait signifier jusqu’à 2800 départs volontaires dans les trois ans, à travers le monde, sur un total de 50000 salariés. Viendront s’ajouter d’éventuels départs en retraite non remplacés.
«Il n’y aura aucun départ contraint», a insisté, auprès de L’Usine Nouvelle, la direction du fabricant franco-italien de semi-conducteurs, qui indique que le gros des départs se fera en 2026 et 2027. Si la direction ne chiffre pas officiellement les départs en retraite non remplacés, les syndicats sont catégoriques. «On nous a annoncé un remplacement pour trois départs», rapporte Henri Errico, secrétaire CGT du comité de groupe européen de STMicroelectronics.
Le projet confirme que les investissements se concentreront désormais sur «les infrastructures de fabrication de pointe en silicium 300 mm, en carbure de silicium 200 mm, ainsi que sur la R&D technologique». Les trois projets de mégafabs – en France avec l’extension du site de fabrication en 300 mm de Crolles (Isère), et en Italie à Agrate Brianza (toujours pour du 300 mm) et à Catane (sur le carbure de silicium) – sont confirmés. STMicroelectronics tient pour l’instant son engagement de ne fermer aucun site. Mais le plan, dit «de remodelage de [l’]empreinte industrielle» du groupe afin, selon la direction, de «préserver la compétitivité de ST», contient bien d’importantes restructurations, en particulier pour les sites français de Crolles (Isère), Rousset (Bouches-du-Rhône) et Tours (Indre-et-Loire).
A Crolles, un changement de métier pour 1000 salariés
A Crolles, la montée en puissance de la production en 300 mm est confirmée. «Le plan est d’augmenter la capacité à 14000 plaquettes par semaine d’ici 2027» et peut-être «jusqu’à 20000 plaquettes par semaine, en fonction des conditions de marché», peut-on lire dans le communiqué. La production en 200 mm est, elle, arrêtée. Cette partie du site est réorientée vers deux nouvelles activité : le tri des plaquettes – une étape de test où l’on vérifie que chaque puce sur chaque plaquette fonctionne correctement avant de découper, selon ST – et l’encapsulation selon des technologies avancées. «Deux activités qui n’existent pas aujourd’hui en Europe», fait valoir la direction du groupe.
Mais les syndicats restent interrogatifs. «On ne sait pas aujourd’hui quels investissements sont prévus pour accompagner cette transformation», s’inquiète Henri Errico, qui précise que cette inconnue vaut pour toutes les annonces, aucun montant d’investissement n’étant indiqué par site. «Sachant que pour les 1000 personnes travaillant aujourd’hui sur la production en 200 mm à Crolles, c’est un changement complet de métier : ils vont passer d’une usine de production à une usine de tri. C’est comme passer de boulanger à garagiste. Ca ne se fait pas en deux semaines. Et cela suppose d’enlever tous les équipements et d’en installer d’autres, donc d’investir.»
Les syndicats italiens inquiets pour l’usine d’Agrate
STMicroelectronics va donc concentrer sa production en silicium 200 mm sur le site français de Rousset – en plus des sites asiatiques. Il accueillera «des volumes additionnels réalloués depuis d’autres sites, permettant d’assurer la pleine saturation de la capacité de fabrication existante pour une efficacité optimisée», selon le communiqué publié par le groupe. Le site de Tours continuera aussi son activité destinée à des marchés de niche, qui fonctionne bien d’après les syndicats. Elle sera complétée par une nouvelle activité dite de «panel-level-packaging», une technique d’encapsulation des puces sur de grandes plaquettes, qui permet de produire davantage de puces en une seule fois selon le fabricant de semi-conducteurs.
Du côté de l’Italie, c’est l’avenir du site d’Agrate qui continue d’inquiéter. Le plan dévoilé prévoit pourtant une montée en puissance de la ligne de production en 300 mm, avec pour objectif «de doubler sa capacité actuelle à 4000 plaquettes par semaine d’ici 2027 », et en se donnant la possibilité de monter «la capacité jusqu’à 14000 plaquettes par semaine, en fonction des conditions de marché». La ligne de production en 200 mm d’Agrate se recentrera sur les Mems, ces dispositifs électromécaniques miniaturisés. «On n’a plus de technologie compétitive sur les Mems, un segment sur lequel on a perdu beaucoup de parts de marché», objecte Henri Errico, rapportant que les syndicalistes italiens ne voient là que des déclarations d’intention.
Le représentant CGT questionne plus globalement la stratégie dessinée par la direction : «Ils veulent recentrer toute la production sur les trois mégafabs, quitte à y faire produire des vieilles technologies pour les saturer et réduire les coûts de fabrication. Sauf que c’est une vision de court terme, qui réduit la bande passante pour le R&D».
Rome retire sa confiance au PDG
Ces annonces interviennent dans un contexte de forte tension avec Rome : la veille, selon Bloomberg, le gouvernement italien aurait retiré son soutien au PDG Jean-Marc Chéry. Une réaction à la décision du conseil de surveillance de rejeter la nomination de l’un de ses deux candidats, proposés pour occuper les deux postes vacants au sein de cet organe de contrôle. Un épisode très politique. La candidature rejetée – en vue d’un vote à la prochaine Assemblée générale des actionnaires le 25 mai – est celle de Marcello Sala, le directeur général du département économique du ministère des Finances italien, présenté comme un proche de la Première ministre Giorgia Meloni.
Le président du conseil de surveillance, Nicolas Dufourcq – également à la tête de la banque française d'investissement Bpifrance – a tenté d’apaiser le gouvernement italien. Dans une note citée par Reuters, il renvoie la responsabilité de ce rejet aux administrateurs indépendants de l'entreprise, qui partagent les huit postes du conseil de surveillance avec les représentants français et italiens. Car la holding que détiennent, chacun pour moitié, la France et l’Italie, ne possède que 27,5% du capital de STMicroeletronics.
300 à 360 millions de dollars d'économies en 3 ans
Mais la colère du gouvernement italien ne date pas que de cet épisode politique. Mi-mars déjà, la presse italienne révélait la décision prise par Rome d’utiliser, le moment venu, son droit de véto au conseil d’administration, empêchant ainsi la direction de ST de prendre des décisions stratégiques. De quoi manifester son désaccord avec la politique menée, le gouvernement italien reprochant à Jean-Marc Chéry de favoriser la France dans ses décisions et investissements.
Il faudra donc voir dans le détail comment les usines françaises et italiennes seront affectées par la réduction des effectifs à venir. A l’automne, ST avait déjà dit sa volonté d’économiser entre 300 et 360 millions de dollars d’ici à la fin 2027. Une anticipation des mauvais résultats financiers dévoilés en janvier, avec un chiffre d’affaires 2024, en baisse de 23% par rapport à l’année précédente. L’ambition d’atteindre les 20 milliards de dollars de chiffre d’affaires entre 2025 et 2027 a, elle, été repoussée à 2030.
Alors qu’une partie du secteur des semi-conducteurs se porte bien, tirée par la demande pour les datacenters et l’intelligence artificielle, STMicroelectronics est lui plongé dans un bas de cycle qui se prolonge douloureusement. En raison d’une demande qui ne repart pas sur ses marchés séculaires, l’automobile et l’industrie.
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