La ministre de la Culture Rachida Dati, le 30 juin 2025 à l'Assemblée nationale ©AFP - Ludovic Marin
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Surtout ne pas l’enterrer trop vite. Ni la ministre, ni la loi audiovisuelle qu’elle porte et qu’elle rêve de brandir en trophée.
Disons-le crûment : le rejet de ce texte hier par les députés, n’est qu’un trompe-l'œil, une opération d’évitement qui permet à la ministre de la Culture de sauter la case Assemblée nationale, en s’épargnant de longs et incertains débats, et de rebondir directement au Sénat, où la loi devrait revenir dès lundi prochain, en commission de la Culture. Les opposants à la réforme de l’audiovisuel public auraient grand tort de crier victoire. La gauche n’a rien compris, elle n’a pas vu le coup venir : c’était un coup monté.
Rachida Dati souhaitait l’adoption de cette motion de rejet. Elle a tout fait pour, c’était son plan !
Faire une "Duplomb"
L’inflation des amendements déposés par les groupes de gauche, 1150, n’aurait pas permis d’achever l’examen du texte dans les délais prévus, c’est-à-dire avant demain soir. Et pas plus en rajoutant deux jours de débats, ce qu’elle avait obtenu, jeudi et vendredi, c’était trop court. La loi serait restée en plan.
D’où l’idée de se servir de la motion de rejet défendue par la gauche, pour faire une « Duplomb », expression désormais en vogue au Palais-Bourbon. Du nom de la loi Duplomb, qui avait été rejetée par ses propres défenseurs. Rejetée par le bloc central, dans le but de faire échec à l’obstruction de la gauche et de propulser cette loi directement en Commission mixte paritaire.
Ici, j'ouvre une parenthèse : la clarté et la sincérité des débats parlementaires étant considérées comme un principe constitutionnel, on est curieux de savoir ce qu’en dira le Conseil du même nom. Manœuvre astucieuse ou dévoiement irrégulier ? Je referme la parenthèse. Et je reviens à cette nouvelle « Duplomb », exécutée hier de façon moins voyante, plus subtile, mais tout aussi efficace. Simplement cette fois en laissant gagner la gauche.
Comment ? En désertant l’hémicycle. La gauche a eu la surprise hier de découvrir une Assemblée dont le centre était fort dégarni. C’était prévu ! 31 députés présents sur 163.
Deals avec l’extrême-droite
Et puis deuxième surprise : le RN jusque-là bienveillant pour cette loi, qui vote avec la gauche, pour le rejet du texte. Là aussi, théâtre d’ombres. Les marinistes se sont laissé convaincre que leur programme de privatisation de l’audiovisuel serait plus facile avec une seule entité – la holding – plutôt que deux ou trois. Et que l’accélération du changement de loi valait bien ce coup de billard à trois bandes.
Note pour plus tard : penser à interroger Rachida Dati sur ses deals avec l’extrême-droite.
Et maintenant ? Examen au Sénat la semaine prochaine. L’agenda y est plein comme un œuf. Mais Rachida Dati est prête, dit-on, à se rouler par terre pour obtenir un créneau. Là-bas, le débat ne sera qu’une formalité.
Et retour à l’Assemblée nationale le 23 septembre, avant le Budget. Si les débats ne s’enlisent pas, si le RN inverse son vote, la loi Dati aura toutes ses chances.
Ici me revient le titre d’une de ses premières biographies il y a une dizaine d’années : Rachida ne meurt jamais.
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