Tribune Par Pierrick Berthou Publié le 25/06/2025 à 17:35
Agriculteur à la ferme de Poulfang, dans le Finistère, Pierrick Berthou alerte dans une tribune sur le manque de revenus que perçoivent les paysans et propose une solution concernant les prix payés.
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nos représentants agricoles ont orienté et focalisé le débat sur les normes Franco-Européennes qui seraient l'origine des déboires des paysans. Or, c'est absolument faux ! Certes, un bon coup de balai est nécessaire dans ce fatras de normes inutiles et superfétatoires. Cependant, refuser les normes, c'est mettre le pied sur la route de l'incertitude. Les normes servent la qualité et la sécurité, voilà, leurs rôles. Il ne doit y avoir que la qualité, un point c'est tout, il ne faut pas transiger. Déplacer les problèmes de paysans uniquement sur les normes, c'est mentir aux paysans. Ceux-là qui sont l'essence même de la fameuse souveraineté alimentaire tellement dévoyée. Et, c'est mentir aux consommateurs.
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Dans une étude datant de 2020, M. Philippe Boyer, économiste, détaillait le partage de la valeur pour 100 euros de produits alimentaires déposés dans un caddie. Il en résultait que le paysan recevait 6,5 euros sur 100 euros !
Quand Didier Gadéa, secrétaire général du M.O.D.E.F, maraîcher et viticulteur déclare : « Lorsque je vends une bouteille de vin 0,66 euro, je la retrouve à quelques kilomètres de chez moi à...10 euros ! » En définitive, il ne dit pas autre chose que M. Boyer. Faut-il considérer cette redistribution comme normale ? Juste ? Équitable ? Trop peut-être ? Le budget consommation de la France est d'environ de 1 600 milliards d'euros par an soit 50%-55% du PIB (INSEE).
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il n'est pas étonnant que 80% des paysans gagnent moins que le S.M.I.C brut (1801,80€ / mois-INSEE) dont 30% moins que le R.S.A (642,52€/mois-MSA)
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Le problème de l'Agriculture, ce n'est ni les normes, ni les écolos, ni le loup, ni la météo, c'est l'absence de revenu !
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notre alimentation est actuellement importée à plus de 50%
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Pour relancer notre agriculture, il conviendrait de doubler les prix payés aux paysans, sans augmenter le prix payé par le consommateur ... mieux répartir, entre les producteurs, les agro-industriels et les distributeurs, la chaîne de valeur.
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L'agriculture productiviste est un échec total, elle est très administrative, très normative et tellement dévoreuse de subventions publiques. 7 milliards de primes P.A.C. Entre 54 milliards et 94 milliards d'euros pour la dépollution des eaux due aux pesticides et nitrates (ministère de l'écologie...). La « malbouffe » coûterait entre 19 et 40 milliards d'euros à la Sécurité sociale. En dépit de ce déluge d'argent public, le revenu des paysans est toujours minable et pousse ceux-ci inévitablement dans la misère, sans parler des drames... Tout cet argent public pourrait participer aux financements d'un nouveau projet agricole et dès maintenant améliorer le revenu des paysans. Un projet agricole basé sur la polyculture- élevage avec des systèmes herbagers, de l'agroforesterie, beaucoup plus de bio. Tout cela accompagné d'une nouvelle économie. Ce changement induit la fin des monocultures, de la spécialisation et du libre-échange. En ces temps ou règne l'incertitude, ce n'est pas d'un kit de survie dont nous avons besoin. Mais, d'un projet agricole qui préserve, l'eau, l'air, le sol, les consommateurs et... les paysans afin d'assurer notre souveraineté alimentaire.
Connu / mel BNM16