12 mars 2025
Un éditorial de Philippe Vion-Dury à retrouver dans le troisième numéro de Fracas.
Comment réprime-t-on un mouvement de contestation politique ? En gagnant l’indifférence de la majorité de la population. Et comment encourage-t-on l’indifférence ? En marginalisant l’opposition. Il y a deux espèces de marginaux : le folklorique et le dangereux. L’écolo, en quelques années, est passé du premier au second, de doux rêveur à « écoterroriste » en puissance. Comment opère-t-on pareille marginalisation ? Grâce à la complicité des médias dominants, grands ordonnateurs du débat
public et receleurs d’antagonismes sociaux. Nous n’avons pas affaire à un backlash, un retour de flamme ordinaire, mais à une action coordonnée des classes dominantes pour préserver leurs privilèges.
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Ce n’est pas la faute d’une politique agricole néolibérale ... des mensonges de l’industrie, de leurs stratégies de dumping social
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les écolos sont l’anti-peuple, l’anti-France, les annonciateurs de la civilisation des graines et du soja, du vélo-cargo et des pulls qui grattent. Si nous en sommes là, c’est que la première stratégie qu’avaient déployé nos adversaires a échoué ... les mouvements de contestation gagnent en puissance lorsque les militants radicaux s’entendent avec les franges modérées
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puisque la carotte n’a pas fonctionné, voici venu le temps de la matraque médiatique et étatique. Comment échapper à ce piège ? L’un des impératifs est de déjouer ces récits, mettre à bas ces faux antagonismes. C’est là que l’« ouvrier », le « paysan », le « rural » entrent en jeu. Et « le » chasseur aussi. Certains chasseurs, du moins, parmi le petit million de licenciés et une pluralité de chasses allant des plus détestables à des chasses vivrières et paysannes, autour desquelles le tissu social se maintient dans des territoires ruraux. Les alliances que nous devons nouer sont peut-être là.
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L’alliance est un accord sur fond de différences ; le dialogue nécessite deux points de vue distincts. La réponse à notre isolement croissant n’est pas d’universaliser notre point de vue ni de s’enfermer dans nos certitudes, mais de s’ouvrir à une pluralité de réalités sociales et de rapports à la nature, des altérités avec lesquelles il faut bien composer même lorsqu’elles nous dérangent ou que nous y trouvons à redire. Il ne s’agit ni de s’allier à n’importe qui, ni à n’importe quel prix, mais d’examiner nos tabous et de se demander s’ils sont vraiment justifiés. S’il n’y a pas, là, la possibilité d’une alliance.