Transition énergétique - Alternatives Temps de lecture : 12 minutes 4 commentaires #interviews #climat #energies renouvelables
Expert de l’énergie, le chercheur Cédric Philibert s’interroge dans un livre sur l’hostilité française aux éoliennes. Pour lui, notre retard sur les renouvelables est dangereux, alors que l’arrivée de nouveaux réacteurs nucléaires reste hypothétique.
Cédric Philibert est un analyste de l’énergie et du climat. Chercheur associé à l’Institut français des relations internationales, il enseigne à Sciences Po-Paris. Il a travaillé de 2000 à 2019 à l’Agence internationale de l’énergie. Il a publié en mars aux éditions les Petites Matins Éoliennes, pourquoi tant de haine ?.
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Fédération environnement durable, de l’association Vent de colère, etc ... Beaucoup des arguments que ces groupes utilisent sont nés aux États-Unis et en Australie dans les cercles d’extrême droite financés par les lobbys des énergies fossiles
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L’Allemagne a doublé sa production d’énergies renouvelables entre 2010 et 2021 et réduit dans le même temps de 35 % sa consommation de charbon.
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l’opposition du RN peut en fait sembler surprenante. Même si la France n’a plus de grands fabricants de turbines pour éoliennes, comme les Danois, les Allemands ou les Espagnols, l’industrie française demeure présente sur l’ensemble du secteur éolien. On produit des pales, des mâts, des nacelles, et nous disposons de développeurs compétents qui réalisent des projets éoliens en France et à l’étranger.
Et l’énergie éolienne, le vent, n’a pas à être importée. Comparé aux fossiles, c’est un bénéfice considérable en termes d’indépendance. On importe certes un peu de terres rares pour les éoliennes maritimes, les développeurs peuvent avoir une estampille étrangère, et les turbines ne sont pas forcément fabriquées en France. Mais une fois que les éoliennes sont en place, c’est 100% local dans la source d’énergie. Un « patriote » devrait en toute logique s’en réjouir.
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j’en veux beaucoup aux parlementaires écologistes et LFI à l’Assemblée nationale, qui n’ont pas su faire la part des choses et hiérarchiser les problèmes.
Non pas que la biodiversité soit un moindre problème que le changement climatique. Mais les atteintes locales à la biodiversité entraînées par certains projets d’énergies renouvelables comme les éoliennes ou le solaire ne représentent rien par rapport au fait que c’est un outil majeur pour lutter contre le changement climatique. Or, le changement climatique est lui-même devenu une des grandes causes d’érosion de la biodiversité.
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Les écologistes se sont finalement abstenus sur le projet de loi sur les énergies renouvelables voté en janvier [1]. Et ont contribué avec toute la gauche à interdire pratiquement toute grande centrale solaire au sol. https://www.liberation.fr/politique/energies-renouvelables-grace-au-soutien-annonce-du-ps-le-projet-de-loi-bien-parti-pour-etre-adopte-20230110_J4TNEUFSG5F6JCSD6LB7WGOIVI/
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le coût descend à 0,5 euro par watt, contre 3 euros pour la centrale sur un toit. ... il nous faut passer de 20 gigawatts (GW) solaires installés actuellement en France à 125 GW. On ne peut le faire rapidement et sans dépenser trop que si on accepte d’en mettre la moitié au sol. Ce qui prendra 100 000 hectares ; ce sera le dixième de la surface qu’on utilise aujourd’hui pour produire des agrocarburants.
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Il en faut de la sobriété. Il faut moins de SUV, moins d’avions, manger moins de viande de bœuf. Mais ce n’est pas la sobriété qui va nous permettre de diviser par six les émissions mondiales annuelles de CO2, et au moins par dix les émissions des pays riches. On ne va pas diviser par dix la taille de l’économie française, même si on accepte d’avoir des secteurs en décroissance comme le transport aérien.
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Parmi les anti-éoliens d’extrême droite, une des inspirations est leur combat contre l’Europe
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Qu’on réussisse enfin à construire des réacteurs post-Fukushima avec des sécurités nouvelles dans des délais contrôlés et dans des coûts contrôlés, c’est hypothétique mais pas impossible. La prolongation des centrales à plus de 60 ans me semble en revanche moins probable. Et qui aujourd’hui dans le monde exporte du nucléaire ? La Russie et la Chine, et cela reste un petit marché.
L’essentiel est ailleurs. L’essentiel de la bataille mondiale contre les énergies fossiles se joue sur le plan des énergies renouvelables. Le marché des énergies renouvelables sera dix fois plus important que celui du nucléaire.
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il nous faut beaucoup d’électricité bas carbone bon marché. Et en fin de compte, les énergies renouvelables électriques ont battu les autres à plate couture, par leur flexibilité, par leur polyvalence. ... La première réponse à la variabilité des renouvelables, c’est de toujours associer l’éolien et le solaire dans des proportions qui respectent le mieux les variations saisonnières de la zone de la demande. C’est la première chose à faire avant de parler de stockage ou d’hydrogène.
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il faut aller vers l’objectif de 100 % en 2050. Et si en 2040 on a du nucléaire nouveau qui arrive et que le nucléaire ancien se porte encore très bien - ce que l’on ne peut pas prédire - on ralentira éventuellement le développement des énergies renouvelables. Mais c’est de la folie de ralentir maintenant, cela nous met dans une situation très difficile.
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ce qu’on fait actuellement – installer 1 GW d’éolien et 1 ou 2 GW de solaire par an – est loin d’être suffisant. Il faut d’urgence doubler ou tripler ce rythme. Sinon, on va être structurellement déficitaire et importateur. Ce sera peut-être de l’énergie qui sera de moins en moins carbonée parce que nos voisins seront passés aux renouvelables. Mais si on veut retrouver une forme de souveraineté énergétique, ce n’est pas ce qu’il faut faire.
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Le Giec [Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat] vient de reconnaître dans son rapport de mars que c’est l’éolien et le solaire qui offrent les plus grands potentiels de réduction des émissions de CO2 d’ici 2030. Et à échéance de 2050 encore bien davantage. Je suis pro-éolien car je combats le changement climatique. Je ne peux pas attendre 15 ans pour avoir de nouveaux réacteurs nucléaires qui seront peut-être, voire pas, délivrés.
Propos recueillis par Rachel Knaebel
Photo de une : Un champ d’éoliennes en Allemagne/©MB.
Notes
[1] Les élu·es LFI ont décidé de voter contre.
Climat - Écologie Temps de lecture : 9 minutes 3 commentaires #climat #energies renouvelables
Emmanuel Macron s’était engagé à développer les énergies renouvelables. Cinq ans plus tard, la France est le seul pays européen qui n’a pas atteint ses objectifs. Le président-candidat préfère désormais faire la promotion du nucléaire.
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Les engagements climatiques pris en 2008 par l’Union européenne avait fixé à la France l’objectif de 23 % d’énergies renouvelables dans sa consommation globale brute d’énergie (ce qui comprend l’électricité, la chaleur et les transports) d’ici à 2020 [2]. Ce premier objectif n’a pas été atteint : seulement 19,1 % de la consommation énergétique globale française viennent des énergies renouvelables, soit 4 % de moins que le but fixé. C’est le seul pays de l’UE à ne pas avoir tenu son engagement. Au même moment, fin 2019, plus de la moitié de l’énergie consommée en Suède est produite à partir de sources renouvelables, 43 % en Finlande ; 37 % au Danemark ; 33 % en Autriche.
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« la France a un potentiel énorme et le plus diversifié d’Europe pour développer toutes les filières d’énergies renouvelables, note Alexis Monteil-Gutel, chargé des énergies renouvelables à l’association Cler-Réseau pour la transition énergétique
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« Il y a un monde entre les incantations des objectifs de développement d’énergies renouvelables et la réalité de ce que c’est de monter des projets. C’est un parcours du combattant, tout est horriblement long », témoigne Patrick Gèze, de la société citoyenne parisienne Enercit’if. Depuis sa création en 2016, celle-ci a monté 15 mini-centrales photovoltaïque sur des toits de Paris. Huit sont en service, les autres commenceront à produire de l’électricité dans le courant de l’année.
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dans l’ensemble, ces projets-là ne reçoivent pas assez de soutien de l’État, critique le Réseau action climat
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François Girard, agriculteur dans le Maine-et-Loire et actif au sein de la société d’énergie citoyenne Atout vent, créée il y a dix ans
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si les collectifs d’habitants et les collectivités locales ne se structurent pas et ne vont pas à la négociation avec les industriels, les projets citoyens ne se feront pas
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L’association Énergie partagée, qui fédère ces collectifs de production d’énergies renouvelables, recensait seulement 15 nouvelles centrales photovoltaïque citoyennes en 2017. Elle en comptabilise désormais plus du triple, avec 50 mises en servide en 2021 [5]. Trois nouveaux parcs éoliens citoyens ont également été mis en service l’année dernière. Plus de 12 millions d’euros investis par des collectifs citoyens entre 2017 et 2020. Mais ces sommes n’ont rien à voir, en termes de force de frappe, avec les capacités d’investissement de la puissance publique.
« Quand on voit le haro sur l’éolien d’une partie des politiques qui ne jurent que par le nucléaire…, souffle Patrick Gèze, à Paris. J’ai l’impression qu’on ne se rend pas bien compte de la déconnexion entre la voie suivie partout ailleurs, qui est d’aller vers une majorité d’énergies renouvelables d’ici à 2050, et la réalité en France, qui fait qu’on est de moins en moins en capacité de développer des projets, analyse-t-il.
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[1] Source : Pour la France, « Panorama de l’électricité renouvelable en 2017 » ; pour les chiffres des autres pays d’Europe, "Chiffres clés des énergies renouvelables", édition 2019, ministère de la Transition énergétique.
[2] Des objectifs avaient été fixés à chaque pays par l’Union européenne en fonction des situations de départ, les capacités de production renouvelables déjà présentes, et du potentiel de chaque pays. Voir la directive en question.
[3] Voir les statistiques du gouvernement.
[4] Voir le projet de loi de finance pour 2021.
[5] Voir les chiffres d’Énergie partagée. https://energie-partagee.org/decouvrir/energie-citoyenne/chiffres-cles/
Solidarités
Les personnes aux minimas sociaux témoignent de dysfonctionnements multiples dans les Caf, qui ont des conséquences dramatiques. Dans le même temps, les allocataires sont de plus en plus contrôlés. Un groupe d’associations veut que ça change.
Société Temps de lecture : 9 minutes #classes populaires #protections sociales #services publics
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Les travailleurs pauvres sont sur-contrôlés
Alerté par ses membres sur les pratiques des Caf, Changer de Cap a lancé depuis le début de l’année un vaste travail d’enquête. Le collectif a fait le constat d’un « accroissement exponentiel des contrôles » sur les allocataires, avec 32 millions de contrôles automatisés en 2020, « rendus possibles par la puissance du numérique ». ...
voir aussi https://my.framasoft.org/u/ind1ju/?mLlLjg