Matthieu Juncker a passé près de huit mois sur l'archipel des Tuamotu [photo d'illustration]. ©AFP - Sergio Pitamitz / Biosphoto
Face au changement climatique, Matthieu Juncker veut "inviter à s'émerveiller" et "donner envie de s'engager" - Publié le mardi 3 juin 2025 / L'invité de 6h20
6h20
Le biologiste marin Matthieu Juncker était l'invité de France Inter ce mardi, à l'occasion de la Journée spéciale "L’océan peut-il nous sauver ?". Il a vécu près de huit mois sur un atoll isolé de l’archipel des Tuamotu, en Polynésie Française.
Le biologiste marin Matthieu Juncker a vécu seul pendant huit mois sur un atoll isolé de l'archipel des Tuamotu, en Polynésie française. Au cours de ces 240 jours sur cet atoll, il a pu observer la nature et les bouleversements écologiques à l'œuvre dans cette partie du Pacifique Sud. Il a notamment vu les coraux mourir. "Ça a effectivement été un triste constat. J'ai mené pas mal d'observations scientifiques sur place, notamment sur l'état de santé du récif corallien. Et sous mes yeux, en quelques semaines, d'avril à juin l'année dernière, les coraux ont blanchi et sont morts, c'est-à-dire qu'ils ont été recouverts d'algues, ce qui témoigne qu'ils ont perdu la vie", explique-t-il.
"Ce phénomène est lié à une vague de chaleur qui est venue submerger, environner tous ces coraux et l'eau est montée à quasiment 31 degrés pendant cinq semaines. C'est une température que ne peuvent pas tolérer la majorité des coraux et donc un tiers des coraux de l'atoll ont disparu sous mes yeux, ce qui a provoqué effectivement une vive émotion, en même temps que des données scientifiques que j'ai pu collecter", poursuit Matthieu Juncker.
À lire aussi
Au Cap Roux, les bénéfices d'une réserve marine créée par des pêcheurs
Le Zoom de France Inter
4 min
"Contribuer à préserver la planète"
Avant de partir, le biologiste marin avait cette envie de "contribuer à préserver la planète". "J'avais travaillé jusqu'à présent dans des structures qui avaient vocation à observer, à conseiller sur la protection de l'environnement au sens large, mais je ne me sentais pas assez impliqué", explique-t-il. "Il y a trois ans, j'ai décidé de prendre le taureau par les cornes et de me dire 'Ok, maintenant, va observer par toi-même et essaye de témoigner', puisque cet atoll et les êtres vivants qui le peuplent sont silencieux, donc être un peu leur porte-parole."
Un témoignage qui porte davantage que la parole d'un scientifique, constate-t-il aujourd'hui : "Les mauvaises nouvelles arrivent tous les jours sur l'état de la planète et de ses différents milieux, et je me dis qu'effectivement, on est submergé par trop de mauvaises nouvelles et on finit par être dans le déni ou être dépressif. Là, j'ai préféré raconter une histoire sensible, une histoire que je vivrais moi-même, avec de la donne-objective, puisque ces observations ont été quantifiées, elles feront l'œuvre de publications scientifiques. Mais en même temps, je témoigne face caméra et aussi dans un ouvrage en cours d'écriture sur ce que ça provoque. J'étais dépendant de cet environnement, je ne me nourrissais que par les ressources marines terrestres que je pouvais y trouver. J'étais vraiment en connexion avec cette nature et de la sentir, par certains endroits, dégradée ou s'esquintée, ça crée cette émotion. J'essaie d'en être témoin pour inviter à la fois l'émerveillement, non pas juste l'inquiétude, mais s'émerveiller et donner envie de s'engager pour cette préservation."
À lire aussi
À Brest, le combat d'une association pour une pêche durable
Le grand format
2 min
Clés : Environnement Biodiversité Protection de la nature Outre-mer – DOM-TOM Mers et océans