Les renoncements de Bardella sur le programme social à l’approche des législatives, le procès des assistants parlementaires européens, un Rassemblement nationale qui joue la béquille du gouvernement. Et pourtant les sondages, comme les élections, sourient au Rassemblement national. D’où vient cette puissance d’attraction ? Plutôt que de chercher pourquoi ses propositions sont convaincantes, on attribue souvent ses succès à des circonstances extérieures (conjoncture économique, incompétence de ses rivaux, complicité d’autres acteurs politiques, le travail des faiseurs d’opinion). Les électeurs du RN seraient naïfs, ou manipulés, ou incapables de comprendre la véritable nature de ce parti. Aveuglés par leur colère, leur vote est souvent réduit à un vote de dépit, de protestatation ou d’exutoire.
Le dernier livre du philosophe Michel Feher, “Producteurs et parasites. L’imaginaire si désirable du Rassemblement national” fait au contraire l’hypothèse d’une adhésion franche. Il décrit comment l’idéologie du RN parvient à séduire ses sympathisants, et la nomme le “producérisme racialisé”.
Par Le Stagirite
Tr.: ... distinction entre productifs et improductifs ... distinction entre parasites d'en haut et parasites d'en bas (assistés) ... dimension ethnique ou culturelle ... on est dans le ressentiment ... épuration ... le RN, parti du juste milieu ... formulé en terme moraux ...
ÉLECTIONS EUROPÉENNES : QUI VEUT ENCORE FAIRE PERDRE LA GAUCHE ?
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Puisqu’on parle beaucoup de casseroles ces derniers temps, c’est peut-être le moment de faire un petit point sur la tambouille électorale...
Cela peut paraître un peu hors-sol de se lancer dans des discussions de politiciens en pleine mobilisation sociale. Le problème c’est que la période montre précisément l’énorme supériorité du camp qui occupe le pouvoir et les institutions.
Il peut être bon dès lors d'anticiper les prochaines échéances électorales. Or en partant divisée, la gauche n’a pas les moyens de battre dans les urnes la droite, ni même l’extrême droite. Les discussions se concentrent alors sur l’idée de faire une liste commune NUPES aux élections européennes de 2024.
Les insoumis veulent accélérer pour démarrer une campagne le plus vite possible. Mais tout le monde n’est pas aussi motivé – c’est rien de le dire – et l’obstacle de taille s’appelle EELV.
Une liste commune aux européennes aurait pour avantage d’augmenter considérablement le nombre total de sièges pour la gauche. A contrario, faire capoter ce projet, c’est offrir tous ces sièges à la droite et à l’extrême droite. D’un point de vue de calcul électoral, il serait déraisonnable de ne pas s'unir.
Visibilité Publique
Catégorie Actualité & Politique
LicenceInconnu LangueInconnu Étiquettes
Durée 8min 47sec
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On sort les dossiers
Vit-on une crise démocratique ? Cette question a agité le monde politique ces derniers jours. C’est Laurent Berger qui a lancé la formule juste après avoir quitté la réunion qu’Elisabeth Borne voulait exploiter pour s’afficher en pleine réconciliation avec les organisations syndicales. La réforme des retraites est passée d’un coup de menton présidentiel, sans majorité parlementaire, ni soutien populaire ; nous sommes évidemment face à un problème démocratique. Mais la macronie a répondu en entonnant le refrain du “c’est légal donc ça va”.
On retrouve deux conceptions de la démocratie qui s’affrontent implicitement. L’une, rabougrie, insiste sur la seule légitimité des représentants issue de la procédure électorale. Cette réduction de la notion de démocratie risque d’entraîner le gouvernement sur la pente de l’illibéralisme du “j’ai été élu, j’ai raison, j’ai tous les droits” - a fortiori quand la soi-disant majorité politique n’est en fait qu’une fraction sociale minoritaire de la population. L’autre conception de la démocratie, élargie, ou complexifiée, donne une large place aux contre-pouvoirs, à ces différentes institutions et pratiques qui équilibrent la volonté majoritaire, et qui permettent de donner la parole au peuple en dehors des seules périodes électorales.
Par Le Stagirite
Clés : Démocratie ; Macron
“L’émeute ne l’emporte pas sur les représentants du peuple, et la foule, quelle qu’elle soit, n’a pas de légitimité face au peuple qui s’exprime par ses élus.” a déclaré Emmanuel Macron. Il y a là un risque de laisser croire qu’il n’y a de légitimité que dans et par la procédure électorale. Or le mandat reçu, s’il n’est pas impératif, et laisse le président ou le député libre sans ses délibérations et décisions, n’est pas pour autant un talisman qui immunise contre toute critique. Par ailleurs le président demande au mouvement social de respecter la légitimité supérieure du parlement, du pouvoir législatif, mais il est le premier à s’assoir dessus.
Délégitimiter de manière plus ou moins ambigüe la manifestation, voire la mettre en péril par la répression policière, c’est se rapprocher d’une conception de plus en plus illibérale de la démocratie. L’entêtement autour de cette réforme finit donc par menacer les institutions et les équilibres démocratiques. Il n’est guère étonnant dans ces conditions de sentir que le mouvement social change de nature, et qu'il pose de plus en plus la question des institutions et de la démocratie.
Tr.: ... se rapprocher de la démocratie illibérale...
Macron, le prestidigitateur de la 5è République - 24 juin 2022 - 20H13 / Par Le Stagirite | Le Média
On sort les dossiers
Toutes les deux semaines, Fabrice alias le Stagirite porte un regard décalé sur l'actualité et les stratégies de communication des puissants. L'ironie n'empêchant pas l'analyse rigoureuse.
Clés : Législatives 2022 Macron
Mercredi soir, le président Emmauel Macron intervenait pour donner sa vision du rééquilibrage en cours entre le pouvoir exécutif et le pouvoir législatif. Ce fut non pas un numéro d’équilibriste, mais d’illusionniste, en faisant passer le message des électeurs (qui demandent un changement dans le contenu de sa politique) pour une simple demande de changement de méthode.
Il demeure dans les propositions du président ce préjugé tenace du macronisme qu’il existe toujours une solution correcte pour régler les problèmes : le désaccord politique vient d’une mauvaise compréhension ou de chicaneries idéologiques qu’on soigne par de la “pédagogie”. Macron tend un piège à ses oppositions : tourner l’opinion publique contre les partis d’opposition en les rendant responsables d’éventuels blocages institutionnels.
Mais quels sont les compromis qu’il est, lui, prêt à faire ? Car au-delà de ces débat de méthode, il faut rester concentrés sur le contenu de la politique menée par Macron depuis 5 ans. Il prend pour acquis que son projet présidentiel est légitime, mais sa base sociale reste faible. Dans le précédent quinquennat les institutions lui permettaient de gouverner en forçant le pays. Le moment que nous vivons est celui où le strict mécanisme institutionnel ne suffira peut-être plus.
On sort les dossiers
Toutes les deux semaines, Fabrice alias le Stagirite porte un regard décalé sur l'actualité et les stratégies de communication des puissants. L'ironie n'empêchant pas l'analyse rigoureuse.
Marine Le Pen est de nouveau sur les plateaux, pleinement mobilisée dans la bataille pour les législatives, comme candidate, et comme leader de son parti. Jean-Luc Mélenchon a pris le temps d’imposer l’idée de législatives comme match retour de la présidentielle.
Cela donne deux stratégies opposées : Mélenchon se voit comme chef de la majorité, Le Pen vise plus modestement le titre de chef de l’opposition. Mais elle croit pouvoir faire la différence sur l’image renvoyée, en dénonçant l’irréalisme et le mensonge de Mélenchon. Factuellement, elle n’a pas tort : la probabilité de voir advenir une majorité NUPES n’est pas très grande. Cependant, ce qu’elle appelle “mensonge”, c’est peut-être l’essence même de l’art politique.
La rhétorique politique cherche à persuader l’auditoire que l’évènement improbable peut se produire, si les gens en sont suffisamment convaincus et agissent dans ce sens. Pour ce faire il faut se mouvoir dans une fenêtre où ce que l’on dit paraît au moins plausible : trop ambitieux et irréaliste, et les gens ne vous croient pas ; trop gagne-petit mais réaliste, et les gens ne se motivent pas. En cherchant à “hacker” une phase médiatique et électorale qui est normalement une formalité pour le parti présidentiel, Mélenchon veut faire surgir ce “cygne noir”.
On sort les dossiers
Toutes les deux semaines, Fabrice alias le Stagirite porte un regard décalé sur l'actualité et les stratégies de communication des puissants. L'ironie n'empêchant pas l'analyse rigoureuse.
Le député France insoumise Alexis Corbière défend la pertinence d’une union de la gauche dominée par la France insoumise. Ironiquement il le fait en citant François Hollande : “ce n’est pas l’union qui fait la force, c’est la force qui fait l’union”.
Le député France insoumise Alexis Corbière défend la pertinence d’une union de la gauche dominée par la France insoumise. Ironiquement il le fait en citant François Hollande : “ce n’est pas l’union qui fait la force, c’est la force qui fait l’union”.
Il aurait pu citer Mélenchon, qui ne cesse de dire qu’une éventuelle union des gauches ne peut avoir de force électoral que s’il émerge d’abord un pôle radical qui en prendrait la direction. Mais s’appuyer sur les références de l’interlocuteur a des effets rhétoriques puissants.
Une synthèse bricolée sur un coin de table, ou une primaire à la va-vite ne pourront pas donner une alliance ayant une grande force électorale. C’est à l’inverse si une force électorale émerge qu’elle pourra rassembler auprès d’elle (d’aucuns diraient derrière elle) les autres formations de gauche.
Mélenchon a réussi un impressionnant coup stratégique. 14 ans après avoir quitté le PS, il l’a mis à genoux. L’insoumis peut sereinement entamer des négociations en forçant le vieux parti à procéder à de considérables clarifications.
Corbière fait preuve de la même habileté face aux socialistes, au plan rhétorique : il justifie la pertinence de sa stratégie électorale en citant Hollande, et il démontre que pour être eux-mêmes, ils doivent accepter l’union. Il leur demande de se radicaliser, c’est-à-dire de renouer avec leurs racines.
Qui veut gagner l'Élysée ?
Clés : Extrême droite ; Macron ; Présidentielles 2022
Pour éviter que ne se rejoue la catastrophe de 2017, Marine Le Pen a cherché à démontrer son sérieux, sa connaissance ses dossiers. Et plutôt que d’attaquer, elle a défendu son projet, ses propositions. Mais elle reste approximative et se fait surclasser par l’énarque dès que le débat devient trop technique.
Tactiquement Emmanuel Macron s’est offert le luxe de renverser la charge du bilan. Ce n’est pas Le Pen qui attaque le bilan du président, c’est Macron qui attaque la député Le Pen sur les textes contre lesquels elle a votés.
Macron se positionne donc en technocrate. Ce qui l’amène à se montrer paternaliste, condescendant, tant son adversaire n’est pas au point. D’où cette attitude qu’il affecte de professeur fatigué par le niveau de l’élève qui passe à l’oral.
En somme, Le Pen, trop brouillonne, n’a pas été en mesure de le mettre en difficulté sur son bilan. Mais Macron, tellement concentré à pousser son avantage comparatif sur la maîtrise des dossiers, en a souvent oublié de mettre en évidence le risque politique, social, et moral que représente l’extrême droite. En lui reprochant davantage d’être approximative ou incohérente, plutôt que politiquement dangereuse, il pourrait finir de la banaliser.
Toutes les deux semaines, Fabrice alias le Stagirite porte un regard décalé sur l'actualité et les stratégies de communication des puissants. L'ironie n'empêchant pas l'analyse rigoureuse.
*Clés : Extrême droite ; Néolibéralisme ; Présidentielles 2022
La campagne d’Éric Zemmour semble pouvoir être décrite comme une bulle médiatique. Une proposition politico-médiatique qui ne correspondrait à aucune demande sociale. Mais on peut aussi penser qu'au-delà de la personne Zemmour, il y a peut-être bien un mouvement de fond.
D'une part, on voit dans les enquêtes électorales que son électorat provisoire est l'un des plus déterminés. 2/3 des personnes ayant l'intention de voter Zemmour disent être sûres de leur choix. Et son électorat a la particularité de s'intéresser beaucoup à la politique, donc il ne choisit pas par hasard. Il y a bien un socle zemmourien. Il est à droite, masculin, plus diplômé et plus aisé que l'électorat du RN.
D'autre part, si on fait des comparaisons internationales, on s'aperçoit que les équivalents étrangers de Zemmour ont le vent en poupe. Dans le reste du monde et en Europe, on a vu des leaders nationalistes ou populistes bousculer la droite installée puis prendre le pouvoir : Trump aux Etats-unis, Bolsonaro au Brésil, Orbán en Hongrie, Boris Johnson au Royaume-Uni.
Zemmour s'appuie sur un double constat : la naissance d’un nouveau clivage politique mondial depuis la crise de 2008 et l’état présent du paysage politique français.
Zemmour pense que l’avenir est au clivage entre les pro-mondialisation et les nationalistes. Il y a bien selon lui en France le pôle de la mondialisation néolibérale (Emmanuel Macron). Mais pour lui, en face, il manque quelque chose
Il y a bien le Rassemblement national, mais selon Zemmour, ce parti et sa candidate ne sont pas en mesure d'incarner efficacement le pôle identitaire-nationaliste : Marine le Pen est trop ambigüe sur le libéralisme. En effet toutes les forces nationalistes qui ont percé dans différents pays dans la dernière décennie combinent un conservatisme fort avec un libéralisme économique assumé. Zemmour, lui, n'a pas peur d'afficher son libéralisme pour rallier les classes supérieures : baisse des impôts sur les sociétés, baisse des cotisations sociales, attaques contre le droit du travail, recul de l’âge de la retraite, réduction de la dette publique.
Zemmour en déduit qu’il y a de la place pour sa candidature : il pense pouvoir unifier une demande qui sans lui se résignerait à voter autrement
Si on en croit les sondages, Zemmour ne parvient pas à s’installer sérieusement chez les classes populaires. Mais par son libéralisme il capte les couches supérieures du lepénisme et cherche à les arrimer à la droite classique. Zemmour comprend qu'il peut être le point de convergence de l'extrême droite et d'une droite extrêmisée. Ce serait une sorte d'union des droites dans un grand pôle conservateur identitaire.
Son but est donc de repérer et de saisir ce qui lui permettrait d'installer en France, face au pôle macronien, un pôle nationaliste et libéral. Cette opposition est décrite dans l'espace public de différentes manières : progressistes contre populistes, mondialistes contre patriotes, néolibéraux contre souverainistes, ouverture contre fermeture, cosmopolitisme contre nationalisme.
Les commentateurs et analystes politiques colportent l’idée d’une opposition en tous points entre les tenants de la mondialisation néolibérale et les nouveaux populistes arrivés au pouvoir après la crise de 2008. Il est courant de rappeler que ces leaders populistes se sont appuyés sur les laissés-pour-compte de la mondialisation et du néolibéralisme : c’est le fameux ouvrier blanc électeur de Trump, c’est l’habitant de la “France périphérique” électeur du RN.
Zemmour, comme Trump, comme Johnson, mais aussi comme Le Pen, leur dit : “la source de vos maux c'est la mondialisation. Or la mondialisation est la perte de la souveraineté de l’Etat-nation. La solution est donc de redonner le pouvoir à l’Etat pour sortir du néolibéralisme et de la mondialisation.”
Toutes les deux semaines, Fabrice alias le Stagirite porte un regard décalé sur l'actualité et les stratégies de communication des puissants. L'ironie n'empêchant pas l'analyse rigoureuse.
Présidentielles 2022
Dans notre contexte de pré-campagne, les sondages semblent jouer un rôle déterminant : certaines candidatures sont crédibilisées, d’autres sont déjà qualifiées de “petites candidatures”. Être bien placé dans les intentions de vote, c'est déterminant pour prendre le leadership d’une alliance, capter le “vote utile”, et même pour réclamer des désistements.
Les sondages sont non seulement un enjeu dans la compétition entre organisations politiques, mais aussi dans la compétition interne aux organisations politiques. Avant, pour être désigné candidat, il fallait être bien placé dans l'appareil du parti. Désormais c'est surtout avoir la cote dans les sondages qui permet de faire la différence.
Par un genre de “vote utile interne”, les adhérents ou les sympathisants font leur choix non seulement en cherchant celui qui représente le mieux leur sensibilité, mais aussi en pensant à celui qui est déjà le plus populaire auprès du grand public, afin de l’emporter par la suite.
Aujourd'hui on a donc une situation politique où les partis ne jouent plus de la même manière leur rôle dans la détermination des élites gouvernantes. Situation que le philosophe Bernard Manin appelle la “démocratie du public”.
Dans son livre Principes du gouvernement représentatif, paru en 1995, Manin retrace les origines historiques et théoriques de notre régime politique. Il analyse la manière dont s’organise le rapport entre gouvernants et gouvernés.
À la fin du 18e siècle on pensait que si l’on voulait instaurer une démocratie, un gouvernement du peuple par lui-même, il fallait mettre en place des dispositifs comme la participation directe des citoyens, le tirage au sort des gouvernants, le mandat impératif, la révocabilité des dirigeants. Or le régime dont on a hérité - que Manin appelle "gouvernement représentatif" - a précisément été pensé (par Madison et Sieyès notamment) et construit en opposition à de tels dispositifs démocratiques.
Le gouvernement représentatif est un mélange d'éléments démocratiques, et d'éléments aristocratiques, un mélange entre participation populaire et élitisme. Ce sont bien les citoyens ordinaires qui désignent les dirigeants (élément démocratique), mais une fois élus, les dirigeants prennent leurs décisions de manière autonome (élément aristocratique).
Manin distingue trois grandes époques du gouvernement représentatif : le parlementarisme au XIXe, la démocratie de partis au XXe avec l’installation du suffrage universel, et la démocratie du public vers les années 1970 avec le développement des médias de masse.
Ce qui nous intéresse c’est de savoir si le passage de la “démocratie de partis” à la “démocratie du public” donne plus ou moins d'autonomie de décision aux dirigeants, et aux candidats aux élections. Manin penche pour la première option : dans la démocratie du public, les dirigeants (président, ministres, députés, etc.) gagnent en autonomie sur les citoyens qui les ont désignés, par rapport au temps de la démocratie de partis.
Dans la “démocratie de partis” les partis politiques reflétaient les intérêts de classe, les différents blocs sociaux, et le personnel politique s'y conformait. Les clivages sociaux s’imposaient aux candidats via le parti.
Mais il s’est produit un certain nombre de bouleversements entre l'après-guerre et les années 90 : transformations du monde du travail, le perte d'influence de la religion dans la société, la chute du bloc de l'Est, l'essor d'un média de masse comme la télévision, la moindre affiliation des journaux aux organisations politiques, etc.
On a alors assisté à un effritement des fidélités partisanes : l’électorat se détermine moins à partir de sa condition socio-culturelle qu’au cas par cas, selon le type d’élection, de la personnalité, des thèmes proposés. En d'autres termes, on a un électorat plus volatil.
En “démocratie du public”, l’opinion publique s’éparpille en une multitude d'enjeux, qui ne recoupent pas parfaitement les blocs idéologiques plus homogènes et cohérents que proposent les partis. L’état de l’opinion publique peut ne plus coïncider avec ce que votent les gens.
En contexte de démocratie du public, le candidat est beaucoup plus autonome à l'égard de son organisation : il peut même imposer en partie sa lecture à son parti, réagir plus rapidement à l'actualité ou au dernier sondage, quand la machinerie idéologique d'un parti met beaucoup plus de temps à se transformer. Le candidat potentiel peut donc maintenant se permettre de procéder par tâtonnement, essais et erreurs, à partir de sondages, en lançant des ballons d'essais ou en tentant des coups médiatiques.
Nombreux sont les candidats à la présidentielle qui prennent leur distance avec leur parti, voire créent leur propre mouvement : Jean-Luc Mélenchon et Emmanuel Macron en 2016, Arnaud Montebourg ou Eric Zemmour aujourd’hui. De son côté Xavier Bertrand quitte les LR en 2017 en faisant le calcul que la sélection du candidat de la droite se ferait par sondages.
Aujourd'hui on vit toujours sous le régime du gouvernement représentatif. Si bien que même dans la "démocratie du public", il demeure un principe élitiste : les gouvernants et les aspirants au pouvoir exercent une certaine domination sur les simples citoyens. Manin explique que ce pouvoir repose notamment sur le fait que l’élite politique a l'initiative dans la proposition d'une offre politique, à laquelle les citoyens ne peuvent pas (ou peu) contribuer et ne font donc que réagir (p. 285).
On aurait pu croire qu'en se débarrassant des partis, de leurs rigidité et de leur hiérarchie bureaucratique, on allait rapprocher l'élite de la base, favorisant ainsi le contrôle des dirigeants par les citoyens.
Mais ce que montre Manin c'est qu'il se passe le contraire : un accroissement de la domination du personnel politique sur les citoyens. Il en est de l’électorat comme du public d'un théâtre : il est seulement spectateur, alors que dans la démocratie de partis, le parti était censé aider ses membres à participer à l'écriture de la pièce. Du moins lorsque les militants parvenaient à contrecarrer la tendance à la rigidification bureaucratique d'une direction peuplée de professionnels de la politique - ce que le sociologue Robert Michels a nommé "la loi d'airain de l'oligarchie".
On comprend que l'enjeu est de trouver la forme d'organisation militante qui présente les avantages des partis sans les inconvénients. Tout spécialement pour les classes populaires ; la bourgeoisie dispose de bien d'autres réseaux pour faire valoir ses intérêts.
L'enjeu est aussi de ne pas laisser à des groupes d’intérêts privés (médias, instituts de sondages) le monopole sur l'organisation du débat public et sur la détermination des critères de mise en avant des candidats.
État d'urgence
Si, en apparence, de nombreux dirigeants politiques et plusieurs capitaines d’industrie donnent l’impression d’avoir intégré “la règle verte”, un lent écocide se poursuit. Contre le greenwashing, Rémi-Kenzo Pagès enquête et décrypte.
Critique des médias ; Écologie
Alors que le traitement médiatique des questions liées à l’écologie se cantonne trop souvent aux "petits gestes", et ce faisant, évacue les causes structurelles, nous consacrons cette émission au traitement médiatique de l’écologie. Pour ce faire, nous recevons des spécialistes de la critique des médias : Le Stagirite, Acrimed et Gilles Balbastre, co-réalisateur des Nouveaux chiens de garde. Et nous verrons qu’en effet, les médias font partie du problème.
Il n'est pas rare de voir sur un plateau télévisé ou d'entendre dans une matinale radio un intervenant railler les préoccupations écologistes. Des journalistes qui se moquent de la Convention Citoyenne pour le climat, qui s'alarment des restrictions contre la publicité, des éditorialistes qui font campagne contre une loi climat pourtant jugée dérisoire par le mouvement écologiste, c'est le lot commun des grandes chaînes. Comment en est-on arrivé à invisibiliser la parole scientifique dans la presse mainstream ? Comment des médias dominants peuvent-ils impunément minimiser la catastrophe écologique ?
Alors que la loi climat est débattue par les parlementaires, certaines thématiques sont tournées en dérision, des chroniques se moquent de ceux qui veulent réduire la publicité, plongeant au secours des SUV et de la liberté d'entreprendre. Au point que certains groupes médiatiques exercent un véritable lobbying sur le sujet, comme le note une enquête de Basta. Si certains dans les télévisions s'offusquent que des parlementaires discutent de la place des publicités, c'est aussi parce que l'industrie médiatique en dépend et se finance par la publicité. Cette dernière fournit une manne financière importante aux diffuseurs, donc pas question d'y toucher. Il existe donc des liens très forts entre annonceurs et groupes médiatiques, politiques et économiques.
Il va donc falloir faire sans eux. Pour avoir une chance de sortir de la crise écologique, il faut un bouleversement du paysage médiatique. Pour obtenir un traitement journalistique juste sur ces sujets, il ne faut plus compter sur la presse détenue par des milliardaires mais sur la presse indépendante. Il faut être capable d'inverser la tendance, car comme le dit Le Stagirite qui intervient dans cette chronique : "ils mettent à l'agenda certaines questions mais aussi certaines manières de les poser. C'est ça qu'il faut réussir à faire, renverser les cadrages proposés ou imposés par les médias."
Avec Le Stagirite, Acrimed et Gilles Balbastre, co-réalisateur des Nouveaux chiens de garde, tous spécialistes de la critique des médias, nous vous proposons d'analyser les effets déterminants, à l’œuvre dans certaines rédactions.
Connue / https://twitter.com/LeMediaTV/status/1380812614423474176
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"Le Média @LeMediaTV · 12h
Tantôt ignorés, tantôt raillés, les enjeux écologiques sont trop souvent réduits à l’échelle individuelle, évacuant ce faisant les causes structurelles.
Index pointant vers la droite Rémi-Kenzo - 4 - 51 - 100
https://twitter.com/LeMediaTV/status/1366844181151444995
@LeMediaTV
"L'intêret est double : contourner le #CSA, et contourner les journalistes professionnels dont le rôle est normalement de faire obstacle à la propagande." #gestesbarrieres @Le_Stagirite
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La barre des dix millions de vues est atteinte pour la chanson de McFly et Carlito sur les gestes barrières. C'est aussi une opération réussie pour Macron...
9:13 PM · ·147 Retweets 3 Tweets cités 207 J'aime
Début janvier, on découvrait que certains domaines de la stratégie vaccinale mise en place par le gouvernement avaient été confiés à des cabinets de conseil. Depuis mars, le Ministère de la santé a donc signé 28 contrats avec une demi-douzaine de cabinets privés, pour le conseiller sur la gestion des masques, la logistique, les tests, les vaccins - soit un budget de plus de 11 millions d'euros dont 4 millions pour les seuls américains de McKinsey. Appréciez la balance coût / efficacité...
Les oppositions ne décolèrent pas, pointant perte de souveraineté, incompétence du gouvernement, faillite de nos administrations, etc. Est-il exceptionnel que l'Etat sous-traite des missions à ces cabinets de conseil, qui ont surtout pour clients des entreprises privées ?
En fait ce n’est pas une nouveauté, notamment dans le domaine de la santé. Selon le site Politico, l’administration française a rendu publics au moins 575 contrats passés avec des cabinets de conseil depuis octobre 2018 : aide à la lutte contre l’épidémie, élaboration de plans de relance économique ou recommandations sur la loi climat.
La France recourt au consulting depuis la fin des années 80 ; mais sous Sarkozy ce recours sera massif, notamment pour organiser la réforme de l’Etat (pour l’anecdote, le directeur général de la Modernisation de l’État à l’époque de la RGPP, François-Daniel Migeon, venait lui-même de chez McKinsey).
Pour un cabinet comme McKinsey, les marchés avec des insitutions publiques ou des organismes internationaux représentent tout de même 1/5 de ses activités. Les domaines comme l'éducation et la santé sont vus comme des opportunités de business à exploiter. Ainsi les cabinets de conseil, à commencer par BCG (Boston Consulting Group) et McKinsey, ont joué un rôle considérable ces 15 dernières années dans la restructuration des hôpitaux et leur adaptation aux normes financières et gestionnaires néolibérales.
Résumons : les firmes qui ont accompagné les politiques d’austérité, de suppressions d’emplois dans la fonction publique, de liquidation des services publics, se voient aujourd’hui confier la mission de pallier les défaillances qui en résultent. Le tout pour des tarifs exorbitants et des résultats pas forcément meilleurs que ceux qu'un bon vieux haut fonctionnaire énarque aurait pu obtenir.
Surnommé “la firme”, McKinsey, est le plus gros, le plus cher, le plus réputé de ces cabinets de conseil en stratégie. Ses consultants interviennent auprès des directions des plus grandes entreprises pour changer leur stratégie de management, réussir une acquisition, ou restructurer une branche. Il recrute les meilleurs, diplômés des universités américaines les plus prestigieuses, ou repérés dans d’autres multinationales. Inversement, sortent de McKinsey un nombre considérable de grands dirigeants. On parle de la Firme comme d’une “usine à PDG”.
Ses consultants sont tellement bien intégrés aux réseaux de top managers et de hauts-fonctionnaires qu’on se demande parfois où sont les frontières entre les entités et entre les missions (lire l’enquête récente du Monde sur les liens serrés entre McKinsey et la macronie). Pour un cabinet de conseil en stratégie, collaborer avec un Etat, même gratuitement ou "pro bono", est un investissement. C'est pour le cabinet d'abord un “enjeu réputationnel”, et surtout bien sûr un moyen de cultiver un réseau et de préparer les futurs pantouflages et retro pantouflage, toute cette circulation d'élites privé/public.
Rien d'étonnant, donc, à ce que comme l'affirme le gouvernement, ils soient "venus proposer leurs services” : profiter des crises, s’engouffrer dans des transformations juridiques, etc. fait partie de l’ADN de McKinsey. Lorsqu'en 1933 aux USA le Glass-Steagall Act interdit aux banquiers d’affaires finançant une entreprise d’en conseiller les dirigeants, Marvin Bower (futur directeur de McKinsey) a l'idée d'assurer cette fonction. Il transforme McKinsey, alors modeste société de conseil en management fondée en 1926 en un cabinet de conseil en stratégie qui deviendra "La Firme", le numéro 1 du secteur.
L’industrie du conseil va non seulement acquérir une importance capitale aux USA, mais aussi s’exporter à partir des années 60. Ces firmes collectent ici ou là les bonnes pratiques, les formalisent puis exportent ces nouvelles doctrines, jouant un rôle moteur dans la mondialisation. McKinsey a par exemple largement contribué à la diffusion aux entreprises européennes du standard d’organisation "M-form", ou forme multidivisionnelle.
Comme l'explique la chercheuse Marie-Laure Djelic dans son article "L'arbre banian de la mondialisation. McKinsey et l'ascension de l'industrie du conseil", McKinsey revendique très tôt une démarche scientifique :
“En effet, si le management est une science, il en devient universel – et donc global. McKinsey peut donc revendiquer en toute légitimité un rôle d’expert aussi bien au musée de l’Hermitage à Saint-Pétersbourg ou auprès du World Wildlife Fund (deux clients « pro-bono » de McKinsey) que dans une entreprise privée de l’Illinois. En ce sens, et de manière très profonde, l’industrie du conseil est un vecteur de la globalisation, qui est d’une certaine manière inscrite dans la nature même de sa stratégie savante”
McKinsey est-il le cabinet qui contrôle le monde, comme le titrait Marianne ? Officiellement les cabinets de conseil n’interviennent pas sur les choix de politique publiques. Ils fournissent plutôt une expertise en matière de logistique, de gestion des données, et de comparatifs internationaux. Une hypothèse est que recourir à un cabinet extérieur permet à la direction d'une entreprise de court-circuiter sa propre bureaucratie et de démanteler les pratiques établies. De même pour un gouvernement qui voudrait faire des réformes en contournant une partie de sa haute fonction publique.
Les réseaux de la Firme semblent tentaculaires. On est tenté de la comparer à une pieuvre, comme dans les schémas complotistes ou les caricatures de propagande. Mais l'image n'est pas adaptée car elle laisse croire qu'une seule une tête pensante contrôle tout. Une meilleure métaphore serait celle du figuier des banians. Et c'est l'ancien directeur de McKinsey, Rajat Gupta, qui y a recourt. Les branches de cet arbre replongent dans le sol, font des racines, qui donnent de nouveaux troncs, augmentant la superficie de l'arbre. Le plus grand, situé en Inde, couvre à lui seul une surface de 19 000 m2.
McKinsey ouvre des bureaux dans le monde entier, qui comme les branches du banian, vont devenir des troncs qui diffusent cette culture néolibérale : soit directement, par les conseils aux entreprises, soit indirectement, en essaimant leurs employés qui vont occuper des postes de direction privés ou publics. Ces nouvelles branches donnant de nouveaux troncs, et ainsi de suite...
Connu / https://twitter.com/LeMediaTV/status/1362114596467843072
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Le Média @LeMediaTV 8:00 PM · 17 févr. 2021·58 Retweets 6 Tweets cités 80 J'aime
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Le Média @LeMediaTV
"Ce qu'on voit avec l'exemple de cette émission de France Inter, c'est que la présentatrice a intégré des cadres d'analyse qui auparavant ne circulaient que dans la presse alternative." #Police @Le_Stagirite
Vidéo intégrée 9:58 - 3,4 k vues - 17 Mo - 8:30 PM · 19 janv. 2021
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Ndlr : je n'ai pas réussi à trouver l'url sur lemediatv.fr ?? Q ACT
Émission : On sort les dossiers
Le discours complotiste est toujours porteur d’une hostilité à l’encontre des médias. Ils sont à la solde du pouvoir, et ne font donc que présenter la version officielle. Pour connaître la vérité il faudrait leur tourner le dos. Mais comment trouver des sources d'information fiables ? Faudrait-il croire davantage des médias alternatifs, simplement parce qu'ils sont alternatifs ? La solution proposée semble simple : il suffit de faire preuve d’esprit critique, de penser par soi-même, et, selon la formule consacrée, de "faire ses propres recherches". Au risque de se voir traité de complotiste.
Le terme "complotiste" semble un peu être utilisé à tort et à travers. Il devient une étiquette qu'on plaque sur son interlocuteur pour le discréditer, sans même prendre la peine d'examiner ce qu'il dit. On a l'impression que dès que quelqu'un se met à critiquer le pouvoir en disant qu'il a des intentions cachées, il se voit automatiquement accusé d'être partisan d'une "théorie du complot". Le risque, c'est qu'à crier systématiquement au complotisme pour accuser ses opposants, l'expression "théorie du complot" ne finisse par devenir une étiquette usée, démonétisée. Et, comme dans l'histoire de l'enfant qui criait au loup, on finit alors par ne plus pouvoir distinguer les cas où l'accusation est pertinente.
S'il est juste de pointer cet usage abusif - il est réel - on aurait cependant tort de prétendre que cette accusation n'a jamais aucun sens, qu'elle est toujours malhonnête. Il y a bien des fois où l'on dit qu'un complot secret est la cause de tel événement, alors que ce n'est pas le cas.
Au fond, que signifie "complotiste" ? D'abord, le complotiste n'est pas celui qui complote : celui-ci c'est le comploteur, le conspirateur. Ensuite, ce n'est pas celui qui dénonce un complot (1). Cela, il a le droit et le devoir de le faire (comme un lanceur d'alerte). Selon le sens courant, on appelle "complotiste", quelqu'un qui voit un complot là où il n'y en a pas (2). Les débats polémiques autour du terme portent sur la confusion entre (1) et (2). Le complotiste (2) se pense en général comme étant un lanceur d'alerte (1).
Dans ces accusations en miroir on finit par perdre de vue deux choses. D'une part, qu'il y a des gens qui se perdent à voir des complots là où il n'y en a pas. D'autre part, que l'explication par le complot est tout à fait légitime en histoire ou en politique. Par exemple, il est faux de prétendre que le gouvernement américain a préparé l'explosion et l'effondrement des tours du World Trade Center, mais il est tout à fait juste de dire que l'organisation terroriste Al-Qaïda a conspiré pour commettre des attentats contre les USA le 11 septembre 2001. La conséquence est une impression de "verrouillage" du débat. Comme si les élites médiatiques, intellectuelles, politiques, étaient de mèche pour faire bloc autour de la "version officielle".
Mais cette expression "version officielle" est trop équivoque. Si l'on veut dire "la version des pouvoirs publics ou du gouvernement", alors il n'y a rien d'irrationnel à croire à une thèse contraire. Lorsque le président des Etats-Unis défend par exemple une thèse climato-sceptique, c'est en un sens la version "officielle". Mais elle s'oppose à la thèse admise par les experts des sciences du climat. Il faut donc distinguer la “version officielle” de la version défendue par les spécialistes de la question. Et on peut de façon parfaitement rationnelle s’opposer à la version officielle en convoquant celle des spécialistes. Les “spécialistes” du sujet, c'est-à-dire l’ensemble des personnes qui ont le plus de chance de savoir ce qui est vrai (chercheurs scientifiques, mais aussi journalistes spécialisés).
En revanche, s'opposer au consensus des experts sur un sujet ne semble pas très rationnel, parce que cela suppose de croire :
(i) soit que toute la communauté des spécialistes ment, ou fait partie du complot - ce qui est une hypothèse pour le moins coûteuse.
(ii) soit que les spécialistes se trompent. Mais il est assez prétentieux de se croire plus fiable que des spécialistes. À moins d'avoir en main des données déterminantes qu'ils n'ont pas. Mais il faut alors les montrer...
Le propagateur d'une théorie du complot est celui qui défend coûte que coûte l'une ou l'autre de ces options. Il ajoute même, en général : "ne faites confiance à personne, pas même à moi, ne croyez que ce que vous avez vérifié par vous-mêmes, ayez un esprit critique". Mais demander de "penser par soi-même”, de ne plus rien laisser entrer dans son esprit sans l'avoir soi-même vérifié, c'est demander quelque chose d’impossible : chercher à savoir quelque chose en partant de zéro, sans pouvoir s'appuyer sur des gens qui savent déjà. En effet, dans la vie quotidienne comme dans la recherche scientifique, on s’appuie toujours sur autrui pour savoir. Je crois que mes parents sont mes parents, parce qu'ils me l'ont dit. Je crois que la Terre est ronde parce que je l'ai appris à l'école. J'utilise ma calculatrice parce que je fais confiance à l'ingénieur qui l'a conçue. Et si Météo France annonce qu'il va pleuvoir, je prends mon parapluie.
Le point important, c'est que tous ces savoirs, je ne les acquiers pas par moi-même, j'ai besoin de faire confiance à ceux qui savent. Je sais qu’il y a eu un tremblement de terre à l’autre bout du monde parce que je l'ai appris dans le journal. Je n'ai pas d'autre choix que de faire confiance, et surtout je n'ai pas forcément de raison d'en douter. Si je voulais le vérifier, je consulterais un autre journal, si bien que la question se reposerait. Je sais donc qu'il y a eu un tremblement de terre parce que je sais que des géologues le savent (où des gens qui l’ont subi), et que mon journal s'est appuyé sur eux pour me transmettre cette information.
La question n'est pas de se couper des sources. Mais 1) d'apprendre à discerner celles qui sont plutôt fiables et celles qui ne le sont pas, et 2) d'exiger que celles qui sont plutôt fiables le soient encore plus.
Des épisodes comme celui de l'infox de l’attaque de la Pitié-Salpêtrière qui tourne en boucle pendant une journée diminuent la crédibilité du système médiatique traditionnel : il apparaît comme une simple courroie de transmission des erreurs et manipulations du pouvoir.
Pour qu'une démocratie fonctionne, le citoyen doit pouvoir disposer d’informations publiques pertinentes. C'est aux médias dominants de montrer qu’ils ne font pas que relayer la pensée du pouvoir. Plus généralement c’est à chaque institution (scientifique, médiatique, de conseil, de vulgarisation, etc.) de montrer qu’elle est capable de produire une pensée de spécialistes potentiellement distincte de la “version officielle”. On doit pouvoir leur faire confiance.
Si vous commencez à dire – tel le complotiste - qu’on doit se passer de cette confiance, être toujours méfiant, et toujours tout revérifier par soi-même, vous obtenez le résultat suivant : la charge de la vérification se déplace des institutions vers les individus. Vous exonérez les institutions productrices de savoirs de leur responsabilité pour la faire peser sur les individus.
Dans l’idéologie libérale, l’individu est responsable de tout ce qui lui arrive. Qu’importe qu’on ait un chômage structurel à 10% : chaque chômeur est responsable de son employabilité. De même, le complotiste transfère la charge de la vérification vers l'individu (les erreurs lui seront imputables), au lieu d'exiger d'institutions comme la presse qu'elles soient plus performantes ou de défendre l'indépendance de la recherche publique.
Renoncer à cette idée de pouvoir faire confiance, c'est décharger la société ou l'Etat de sa tâche de garantir les conditions de production d’un savoir public, accessible au plus grand nombre, et éventuellement dérangeant pour les pouvoirs politique et économique.
Le 28 novembre, dans petit village de Koshobe, au Nord-Est du Nigeria, des combattants de Boko Haram débarquent à moto et massacrent hommes et femmes https://www.liberation.fr/planete/2020/11/29/attaque-meurtriere-au-nigeria-ce-que-l-on-sait_1807140, principalement ouvriers agricoles, qui travaillaient dans une rizière. On compte au moins 110 morts. Ce massacre témoigne du tragique bond de l'activité terroriste djihadiste en Afrique subsaharienne.
C'est la première tendance que pointe le rapport Index Global du Terrorisme 2020 (GTI) https://www.visionofhumanity.org/wp-content/uploads/2020/11/GTI-2020-web-1.pdf publié le 25 novembre dernier par le think tank australien Institut pour l’économie et la paix (IEP). La deuxième tendance qu’indique ce rapport est l'inquiétante montée du terrorisme d'extrême droite en Occident, qui a plus que triplé en 5 ans.
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Actuellement c'est aux Etats-Unis que le terrorisme d’extrême droite est le plus fréquent et le plus mortel (GTI fig. 4.10). Durant la décennie 2010-2019, 76% des personnes tuées aux États-Unis lors d'attentats ont été victimes de terroristes d'extrême droite (330 vicimes) selon l'Anti-Defamation League (ADL) http://www.slate.fr/story/191526/terrorisme-extreme-droite-attentats-menace-occident-theorie-grand-remplacement-racialisme-xenophobie.
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Connue / https://twitter.com/LeMediaTV/status/1336392604322328581
Tr.: ... Menace réelle, largement sous-estimée par des états comme la France ... Selon les différents rapporteurs, la première menace c'est le djihadisme, loin devant tous les autres. Mais que derrière, c'est l'extrême droite, largement devant le reste.
On a entendu cette semaine, à la suite de l'assassinat de Samuel Paty, un concert de propositions fascisantes. Toutes avancées au nom d’une “République” qu’on ne prendra jamais le soin de définir. Il est nécessaire, dans ces circonstances, de faire un pas de côté historique et philosophique pour réfléchir au sens du mot qui est dans toutes les bouches : "République".
Qu'est-ce que "la République" ? Si l'on devait se plier à l'exercice du micro-trottoir cela mettrait assurément en évidence le flou qui entoure cette notion pour la plupart d'entre nous. On parlera de démocratie, on citera la devise, on évoquera la laïcité. On sera probablement en peine de formuler la différence avec d'autres concepts comme la Nation ou l'Etat. Mais quoique difficile à définir, l'idée est perçue comme positive : il faut être républicain. La « République » est le concept consensuel par excellence, elle est vue comme un cadre qui organise la libre coexistence des individus.
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Au fond la meilleure manière de rendre hommage à Samuel Paty, c'est de prendre au sérieux son métier de professeur d'histoire-géographie dans l'Education nationale. En rappelant la conflictualité passée et présente entre les républicanismes, au lieu de tenter soigner les fractures de la société française en rabâchant mécaniquement un cathéchisme républicain creux et dépolitisé.
Critique des médias ; Discriminations ; Répression
Dans les médias français, le vaste mouvement américain de dénonciation des violences policières racistes suite au meurtre de George Floyd par un policier fait l’objet d’un traitement qui peut étonner. On est surpris d’entendre des affirmations et des termes (“tué par un policier”, “violences policières”, “une police rongée par le racisme”) qui ne seraient pas prononcés, ou avec mille prudences et conditionnels, dans des situations françaises pourtant similaires.
On se rappelle aussi de la manière dont les médias français, tout en fustigeant les dégradations lors des manifestations de Gilets Jaunes, avaient d’emblée considéré comme évident que, dans les manifestations pro-démocratie à Hong-Kong, casser du mobilier urbain était, sinon légitime, du moins compréhensible.
Mais il y a pire encore que ce deux poids, deux mesures : dans les talk-shows sur les chaînes d’info en continu, on est carrément dans le déni total. Les intervenants commentent la mort de George Floyd, ou les événements américains en général, de la même façon qu’ils commentent les bavures meurtrières en France : “il n’y a pas de violences policières à proprement parler”, “c’est un fait divers tragique”, “la victime avait une santé fragile”, “elle avait commis des actes de délinquance”, “le racisme, s’il y en a, concerne des cas isolés, juste quelques pommes pourries dans le panier”.
Dans tous les cas on refuse de faire l'analogie avec ce qu’on a pu voir, qu’on voit encore en France (comme dans l’affaire Chouviat), sur les violences policières en général, sur les violences policières racistes en particulier.
Donc : deux pays occidentaux, deux hommes noirs d’origine populaire [George Floyd et Adama Traoré], deux institutions en charge du maintien de l’ordre, deux disparus et une même stratégie d’asphyxie. Pourtant : mettre en relation les deux drames ne vient pas à l’esprit de la presque totalité des commentateurs médiatiques et politiques hexagonaux, si prompts à dénoncer, main sur le cœur comprise, les exactions policières nord-américaines. « La France n’est pas les États-Unis » (Joseph Andras et Kaoutar Harchi, dans une tribune pour Regards)
Ce rapprochement était explicitement fait par les participants à la manifestation devant le Tribunal de Grande Instance de Paris, à l’appel du comité Vérité et justice pour Adama :
Rassemblement historique et massif pour dire stop à l'impunité policière
Une marée humaine a convergé ce mardi vers le tribunal de grande instance de Paris, à l’appel du comité vérité et justice pour…
En effet, pourquoi ne pas affirmer qu'il y a aussi dans la police française des problèmes de violence et de racisme, qui ne se réduisent pas à des cas isolés ?
Lors du mouvement des Gilets Jaunes, la mobilisation avait fini par imposer le thème des violences policières dans des médias mainstream qui rechignaient à mettre en avant des images que manifestants et usagers des réseaux sociaux connaissaient pourtant depuis des mois.
Mais l’élément déterminant qui a fait progresser la conscience de l'existence de violences policières dans l’opinion publique, c’est l’exposition à ces violences de sphères des plus en plus larges de la population. Car en 4 ou 5 ans, à l'occasion de mouvements sociaux, nombreux sont ceux - étudiants, retraités, militants écologistes, Gilets Jaunes - qui ont expérimenté ce que connaissent bien les habitants des quartiers populaires issus de l'immigration : les humiliations, les provocations, l'arrestation arbitraire, voire le passage à tabac. En effet on a vu se développer ces dernières années en manifestation de nouvelles pratiques de maintien de l'ordre : contacts physiques avec les manifestants, arrestations ciblées, enfermement dans des nasses, recours à des unités mobiles non formées au maintien de l'ordre (les BAC), utilisation massive d'armes mutilantes. Ces pratiques ont ceci de particulier qu'elles ont d'abord été développées et testées sur des populations considérées par l'Etat comme subalternes : jeunes de banlieues, supporters de foot, ZADistes (voir cet article du site Désarmons-les). David Dufresne le résume ainsi :
Une partie de la population française découvre aujourd'hui ce qui était à l'œuvre dans certains quartiers populaires, c'est-à-dire une police cow-boy, une police en toute impunité. C'est le fruit de politiques du ministère de l'Intérieur qui, depuis le début des années 2000, a mélangé complaisamment CRS, gendarmes mobiles, BAC dans les quartiers pour les "sécuriser". Cela entraîne un transfert d'habitudes, d'armement, de techniques, de vision du monde, et on en arrive là. (sur France Info, novembre 2019)
Dans le cas des Gilets Jaunes, les violences policières ont non seulement joué un rôle structurant dans le mouvement, façonné son identité et renforcé sa détermination, mais aussi fondé des rapprochements avec des luttes pourtant assez éloignées a priori (comme la jonction avec le comité Vérité et justice pour Adama). Partout les hommes en bleu viennent briser les luttes : cheminots, gilets jaunes, soignants, écologistes, collectifs de sans-papiers, etc. Divers mouvements sociaux se découvrent donc une adversité commune : la violence d'un Etat au service du capital et son bras armé, la police.
Les violences policières semblent agir comme un catalyseur de la convergence des luttes, réalisant par le bas ce que les partis de gauche n’ont pas réussi à faire : rapprocher les catégories les plus précaires du prolétariat (travailleurs ubérisés, sans-papiers), le mouvement syndical traditionnel, les nouveaux mouvements écologistes, et les franges basses des classes moyennes précarisées elles aussi, qui tous affrontent une même violence de classe, sous des visages différents : racisme ou xénophobie, antisyndicalisme, mépris de classe, sexisme.
On a vu, sur les Champs-Elysées, des "gilets jaunes" applaudir des black blocs. Pas en décembre, mais en mars. Ça montre une évolution. Ça veut dire qu'ils étaient prêts à discuter de l'utilité ou non d'utiliser la violence comme un geste politique, ce qui n'était pas du tout envisageable au début du mouvement, en novembre 2018. Il y a donc des prémices de convergence. Durant l'occupation du centre commercial Italie 2, où je suis allé début octobre, il y avait vraiment une convergence entre certains "Gilets Jaunes", le comité Adama Traoré, Extinction Rebellion et des anars. Evidemment, la grande crainte, d'un point de vue policier et du pouvoir, c'est la convergence. Et j'ai le sentiment que peu à peu, il y a des points de contact. (David Dufresne)
D’où, peut-être, l’empressement de Christophe Castaner à lâcher du lest dès les premières manifestations s’inspirant du soulèvement américain. Car le contexte social, économique et politique est particulièrement tendu pour un exécutif qui souffre d'une absence totale de légitimité, tout comme son projet néolibéral.
Pourtant, après la crise sanitaire, le capitalisme compte bien reprendre son cours momentanément interrompu, et va chercher à reconstituer ses forces en exigeant du corps social des efforts drastiques. Les autorités anticipent dès lors une résistance sociale. Le débat sur les violences policières tombe mal : il affaiblit la légitimité de la police, sur laquelle se repose un pouvoir fragilisé ; il fédère des luttes, là où l'Etat préfèrerait affronter des colères éparpillées. Le gouvernement a donc intérêt à ne pas laisser la question des violences policières s’installer dans le débat public.
Les grands médias jouent parfaitement le jeu, en niant le problème, ou en en proposant un cadrage faux ou superficiel :
D'abord en effrayant l'opinion publique avec l'idée de collusions secrètes, proches de l'entreprise terroriste, en tout cas participant d'un piège identitaire, tel ce journaliste sur LCI, qui laisse entendre sans rire que le slogan "Black lives matter" est problématique car focalisé sur les noirs (“ce n’est pas toutes les victimes").
Ensuite, en relayant cette rhétorique qui consiste à se débarrasser d'un problème en décrétant qu'il n'existe pas. “Il ne peut y avoir ni racisme, ni violences policières puisque nous sommes en République, et que la République ne tolère ni racisme ni violences.” Les bras nous en tombent face à cet argument de l’universel décrété. Frédéric Lordon confiait déjà son agacement face à un sophisme similaire :
De Lallement, Morvan (ex-DGPN), Jullien (directrice IGPN) à Macron et Philippe (mais sans passer par Castaner dont le grelot ne rend du son qu’agité au Macumba), c’est la même idée obstinée, le même entêtement buté, dernier rempart justificateur à quoi il faut impérativement tout accrocher pour que tout ne sombre pas dans l’indignité pure. « L’État détient le monopole de la violence légitime ». Il s’ensuit 1) que toute autre violence est illégitime et 2) que la violence d’État n’est jamais illégitime — puisqu’elle est légitime. On en est là de la « réflexion »… Alors il ne peut pas y avoir de « violence policière », puisque la police est l’État et que la violence d’État est légitime. Voilà le fond de casserole incrusté, qui sert de pensée à ces individus. On peine pourtant à croire que quiconque puisse voir un argument sérieux dans une pure pétition de principe, démonstration entièrement circulaire qui présuppose ce à quoi elle veut aboutir. (janvier 2020)
Enfin, en se contentant, sur la question des discriminations et du racisme, soit d’une négation des faits (alors que certains ne font plus débat), soit en se limitant à une interprétation seulement morale et individualisée : il y a des policiers racistes, il n’y a pas de problème structurel, pas de climat d'impunité généralisée entretenu par le laxisme de l'institution. Affirmation dont la pertinence se mesure à l’intensité de nos rires (jaunes) lorsqu’un officiel indique que “l’IGPN a été saisie”.
Même si on n’attend pas de médias généralistes qu’ils nous renseignent sur la subtilité des débats universitaires, on est en droit d’attendre qu’ils nous éclairent sur ces nouveaux termes, scientifiques ou militants, qui sont mis en circulation (“racisme systémique”, “racisme institutionnel”, “racisés”, etc.).
On aimerait bien également, concernant les violences policières en général, que les grands médias tordent le cou à cette idée que “les policiers sont plus sanctionnés que les autres fonctionnaires”. En effet si les policiers sont très contrôlés et/ou sanctionnés pour des manquements inaperçus du public (par exemple : irrespect pour la hiérarchie, vols de matériel administratif, mais aussi violences dans la vie privée), ils ne sont que très peu sanctionnés pour les usages abusifs de la force en service (ce qui est le plus perçu par le public). On lira sur ce sujet les travaux du sociologue Cédric Moreau de Bellaing.
Malgré cette complaisance médiatique, il semble que la société française, elle, commence à s'apercevoir qu'il y a un problème avec sa police. C’est aussi ce que suggère la chute de la cote de confiance de la police, sans doute liée aux violences lors du mouvement des Gilets Jaunes. On adhère de moins en moins au discours de l'État, de la police, de la droite et de l'extrême droite cherchant à isoler des segments de la population pour les désigner comme ceux sur qui peut s’exercer légitimement la violence : “casseurs” versus “manifestants pacifiques”, journalistes "militants" versus "vrais" journalistes, “ultra-gauche”, “ultra-jaunes”, etc. (Sur la construction médiatico-policière de l’ennemi intérieur, voir cet entretien avec Mathieu Rigouste.)
Tout se passe comme si l'opinion publique acceptait de moins en moins l'idée que lorsqu'il y a usage abusif de la force policière, ses victimes l’ont forcément, d'une manière ou d'une autre, mérité.
Voir aussi https://my.framasoft.org/u/ind1ju/?X7YIsA
Clés : Coronavirus ; Écologie ; Néolibéralisme
Derrière les discours qu'on entend sur "le monde d'après" (les "plus rien ne sera comme avant", "plus jamais ça !") il y a différents niveaux de remise en question du “monde d’avant”. On se doute bien que des choses vont changer, mais la question est : aura-t-on un progrès ou une régression ?
Chez ceux qui veulent un “monde d’après” radicalement différent, on distingue deux démarches : dans la première, la crise, qui bouleverse nos habitudes, est l'occasion d'une remise en question élargie. Tels les personnages du film de Jacques Doillon, L’an 01, nous entreprendrions alors de remettre à plat l’organisation de notre société.
La tentation est grande de profiter de cette période exceptionnelle pour pousser des idées progressistes dans l’espace public. Mais le risque est de produire un discours ambitieux mais inaudible pour l’opinion publique.
...
La crise que nous vivons est sans doute l’occasion de faire une sorte d’inventaire de tout ce qui ne va pas dans notre société. Mais si on ne veut pas se contenter de rêver un "monde d'après" sans jamais le voir advenir, il faut se doter d'une stratégie efficace. D'abord argumentative, en montrant les liens entre ce qui a provoqué ou amplifié la crise et les éléments qu'on veut transformer. Politique, ensuite, en partant non pas de nulle part, mais de tendances contestatrices déjà à l'oeuvre, et que Jérôme Baschet s’essaye à repérer dans l’article déjà cité :
“Malgré le caractère écrasant des formes de domination et leur tendance à se renforcer sans cesse, il ne faudrait pas oublier que les gouvernants et les élites mondiales agissent sous la menace constante d’un niveau de discrédit, de perte de confiance, d’insatisfaction et de colère qui a conduit, au cours des deux dernières années, à des soulèvements populaires d’une ampleur tout à fait inattendue – tendances dont il y a tout lieu de penser qu’elles ne peuvent que s’accentuer à la faveur de la crise du coronavirus.”
Vidéo aussi à https://my.framasoft.org/u/ind1ju/?UCSCEA