3,32 M d’abonnés - 57+ - 4 566 vues - 0 commentaire #hommage #philosophie #BrunoLatour
ARTE vous présente une série inédite de 11 entretiens du sociologue et philosophe Bruno Latour menés par le journaliste du Monde Nicolas Truong.
Sociologue et anthropologue des sciences et des techniques, professeur émérite associé au Médialab et à l’Ecole des arts politiques de Science Po, Bruno Latour est l’un des philosophes français les plus lu, écouté et traduit dans plus de vingt langues. Son oeuvre a été distinguée par les prix les plus prestigieux en Europe, Amérique et Asie. Il est considéré par le New York Times comme le plus célèbre et le plus incompris des philosophes français.
En exclusivité pour ARTE, il a demandé en octobre 2021 à Nicolas Truong, grand reporter au Monde, spécialiste de la vie des idées, de revisiter ses 50 années de recherche. Étalés sur quatre matinées, ces entretiens étaient destinés à compléter sous une autre forme, audiovisuelle cette fois, l’ensemble de son œuvre si singulière et marquante. Avec une grande finesse et non sans humour, Bruno Latour reprend et poursuit face à la caméra les éléments les plus importants de sa pensée.
Disponible jusqu'au 23/12/2024
Philosophe, anthropologue et sociologue des sciences et des techniques à la renommée internationale, Bruno Latour est mort dans la nuit du 8 au 9 octobre. Chercheur multiple, il avait 75 ans et ses idées inspirent très largement ceux et celles qui se réclament de l’écologie, mais pas seulement.
🌱 Article : 4 minutes
... il a renouvelé la pensée écologique en plaidant pour le retour des « non-humains » en politique. Bruno Latour était malicieux. Rien de pontifiant ...
25 minutes
Bruno Latour, sociologue, ethnologue et philosophe des sciences, auteur de "Mémo sur la nouvelle classe écologique" (La découverte), est l'invité du Grand entretien de France Inter. Le livre tire un constat de faiblesse de l'écologie politique.
C'est un texte vif, stimulant, polémique. Un texte d'intervention sur l'écologie, en pleine période de campagne électorale. "Mémo" livre un constat de la faiblesse de l'écologie politique. "Elle réussit l'exploit de paniquer les esprits et faire bailler d'ennui".
Bruno Latour cherche à faire réfléchir mais surtout analyser, interroger sur ce qu'est l'écologie aujourd'hui. "Il n'y a pas un sujet sur lequel nous sommes consensuel : les éoliennes, les plastiques, les manières de se déplacer... c'est une particularité de l'écologie."
Un message adressé aux écologistes
D'après le sociologue, Mémo "est entièrement pour les écologistes et leur dire : retrouvez votre capacité de vous battre comme les libéraux et socialistes se sont battus avant contre les autres classes qui les empêchaient de prendre le pouvoir". Il ajoute également que c'est aux écologistes de dicter la manière dont "_on doit définir les concepts écologiste_s." "Les écologistes ne peuvent pas espérer mobiliser sans faire le travail idéologique important de trouver exactement les termes qui suscitent des affects d'adhésion".
"La lutte idéologique, c'est une base de la lutte politique. L'extrême droite le fait depuis 50 ans, on ne peut pas dire que l'écologie le fasse avec autant d'énergie. Les masses suivraient-elles des décisions difficiles si l'écologie était au pouvoir ?"
"Aujourd'hui, tout le monde est conscient mais on ne sait pas quoi faire"
A travers ce livre, Bruno Latour souhaite faire réfléchir toute la population. "Je m'adresse à nous tous qui regardons ce débat entre écologistes et libéraux, et nous ne soutenons pas les écologistes dans les mesures qu'ils vont devoir prendre." S'il reconnaît que beaucoup ont désormais pris la mesure de l'urgence écologique, l'anthropologue estime que l"'on nous envoie un message qui nous embarrasse. Aujourd'hui tout le monde est conscient mais on ne sait pas quoi faire."
Il faut, d'après Bruno Latour, mettre en avant d'autres termes comme la "prospérité". "Prospérer, c'est un terme admirable qui ne doit pas être réduit à un sens de développement absurde, comme on essaye de nous le vendre." Le mot "dépendance" est également fondamental selon lui et nous devons apprendre à avoir une "liberté de dépendance par rapport aux être dont on a besoin."
Est-ce que nous sommes encore capable de rendre la terre habitable ?"
Etant donné la situation, "Mémo" interroge sur l'avenir, notre avenir. "La question qui intéresse tout le monde n'est pas : est-ce que vous voulez produire plus de bien mais est-ce que voulez vivre dans un monde habitable ? Est-ce que nous sommes encore capable de rendre la terre habitable ?"
Cependant, l'un des objectifs du livre, "qui n'est pas un essai mais bien un mémo", est d'évoquer la manière dont on peut faire émerger "une classe écologique". "Nous, la classe écologique, nous reprenons la question essentielle du sens de l'histoire : où allons-nous vivre ? avec qui on va vivre ? qui sont nos adversaires ?"
Concernant la nouvelle génération, Bruno Latour estime qu'il y a "une espèce d'inversion du mouvement des générations. Les jeunes disent à notre génération 'vous êtes des enfants, et vous nous privez d'avenir. Il y a un bouleversement complet des relations au sein même des générations."
Don't look up : "un film utile car il ne fait pas rire"
Enfin, il était impossible de ne pas évoquer avec Bruno Latour le film événement de Netflix, "Don't look up", avec Leonardo DiCaprio. Il raconte l'histoire de deux scientifiques qui tentent d'alerter comme ils peuvent, le monde et notamment les puissants, qu'une comète se dirige tout droit vers la Terre et va tout détruire d'ici six mois.
"Je l'ai vu deux fois et la deuxième fois, je l'ai beaucoup apprécié." Il considère ce film comme intéressant de part "la critique des politiques, des médias et des scientifiques." "Les scientifiques et écologistes n'arrivent pas à faire bouger les esprits, au sens massif." "C'est un film utile car il ne fait pas rire."
Les invités Bruno Latour, Anthropologue des sciences
Connu / https://twitter.com/FBonnifet/status/1479853272382984197 -> https://twitter.com/MALHERBEL/status/1480101078154854400
"
MALHERBE Laurence @MALHERBEL · 10h
Peut-être un début de réponse dans cette interview excellente de Bruno LATOUR
Prospérité, habitabilité, dépendance, le début d’un nouveau récit.
franceinter.fr
Bruno Latour, sociologue, ethnologue et philosophe des sciences, auteur de Mémo sur la nouvelle classe écologique (La découverte), est l'invité du Grand entretien de France Inter.
"
Ndlr : à moins de 3 mois de la présidentielle, crtitique cinglante de EELV qui selon lui n'a pas fait le travail idéologique :-( A-t-il raison ? Questionner ACT
classe écologique sans parler explicitement de lutte des classes ???
Personne sur le plateau pour lui dire que LFI a fait ce travail et que la lutte des classes est devenue tri-dimensionnelle (sociale, écologique, démocratique) ?
dommage. Dénoncer ACT
VERSION NON CORRIGE LIBE 13 05 2020 http://www.bruno-latour.fr/sites/default/files/downloads/20-LIBE-COVID-SARDIER.pdf
Entretien dans Libération 13 mai par Thibaut Sardier (13 mai 2020)
-> https://my.framasoft.org/u/ind1ju/?wzidFg
A quoi peuvent ressembler les nouvelles classes sociales qui sortiront de cet exercice ?
Dans les années 1960, même si elles étaient déjà très disputées, on se repérait dans ces affaires de classes. Elles organisaient le paysage. Il faut donc reconstituer des classes, non plus en fonction des positions des individus dans le processus de production qui caractérisait les sociétés industrielles, mais selon les territoires dont ils dépendent pour satisfaire leurs besoins vitaux. C’est ce que je nomme les classes géo-sociales, dont l’intérêt est de permettre de faire émerger les conflits de classes nécessaires à l’organisation d’une future ligne politique. Il faut construire une conscience de classe géo-sociale qui permette à chacun de comprendre qu’il entre en lutte contre d’autres classes qui sont en train de bousiller ses conditions d’existence en vivant “hors sol” par leur niveau de consommation de pétrole et de ressources naturelles, la dégradation des écosystèmes qu’implique leur mode de vie, etc. Cela ne se fera que si l’on peut nommer ce sur quoi on est en désaccord, c’est-à-dire créer des lignes de conflit.
Extraits :
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Ce qui est commun à tout le monde, c’est que nous sommes tout à fait dépassés par la dimension de l’événement. Nos outils d’analyse sont insuffisants. Je voyais à peu près comment cerner la crise sanitaire. Mais la crise économique qui s’y articule me paraît tellement massive que je suis tenté de partir à la campagne et de m’écarter de ces problèmes sans plus penser à rien !
...
[à propos de la Convention Citoyenne sur le Climat] ... changer pour s’adapter à la situation nouvelle que nous vivons. Tous les partis ont disparu, parce que le monde dont ils décrivaient les intérêts a disparu lui aussi. On n’a pas encore de nouvelle génération qui correspondrait aux cases géopolitiques, car on n’a pas de description par les gens eux-mêmes de ce à quoi ils tiennent. Les 150 personnes de la convention citoyenne ont fait un travail admirable et sont tous devenus des écologistes patentés, mais l’idée que leurs solutions seront suivies par 66 millions de Français parce qu’ils sont représentatifs de la population est naïve. Il faut avoir abandonné toute idée de ce que c’est que la vie politique pour croire que ça va marcher. C’est simplement l’opinion de 150 personnes soumises à un traitement admirable et fort coûteux, à qui on a fait prendre conscience des choses. Mais c’est 150 sur 66 millions ! Que fait-on pour les autres ?
Faire passer les idées, les doléances, d’un individu à l’autre jusqu’à la constitution des classes géo-sociales, plutôt que de passer par l’échelle englobante de l’Etat... Tout cela ressemble au modèle de circulation du virus.
Je ne peux m’empêcher de me réjouir que le virus nous donne une contre-leçon formidable :
il est entièrement en réseau ! ... le choix devant lequel nous sommes n’est pas une simple alternative entre l’action individuelle et la conquête de l’appareil d’Etat. Le virus n’a pas conquis l’appareil d’Etat, et il n’est pas non plus resté individuel ... Il est viral, il devient global en passant de l’un à l’autre. C’est le rappel d’un système d’action drôlement efficace.
Ndlr : métaphore car en fait, le virus ne fait RIEN ! Il bénéficie de NOTRE système planétaire !
Et /ccc, il démontre qu'elle est loin d'être décisive dans la médiation à opérer avec l'ensemble de la population...
Qu’est-ce que le mouvement des Gilets jaunes révèle de l’épuisement de l’organisation politique et économique de notre société ? Quel est le rôle de l’État ? De la société civile ? Quelle place occupe l’écologie dans la transformation de la société ? Dans cet entretien, Bruno Latour livre ses réflexions sur ce moment politique « enthousiasmant ».
Bruno Latour est sociologue, anthropologue et philosophe des sciences.
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Aujourd’hui, ces plaintes tout à fait légitimes sur la réorganisation de la société s’adressent à un État incapable de se transformer rapidement faute d’une société civile active et détaillée. Par exemple, les débats des Gilets jaunes lors de l’assemblée de Commercy restent à un niveau de généralité extraordinaire. C’est compréhensible. Mais cela ne résout en rien le problème d’ajuster l’analyse à cette situation où les gens ont un vocabulaire politique centré soit sur l’identité quand s’ils sont plus à droite, soit sur l’imaginaire révolutionnaire quand ils sont plus à gauche.
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On est obligé de recommencer au niveau individuel puisqu’on a individualisé les gens. Aujourd’hui, un village ne serait absolument pas capable d’écrire un cahier de doléances comme en 1789 parce que les habitants ne se connaissent pas, ou parce qu’ils ont des statuts complètement différents et des intérêts totalement divergents ! C’est incroyable, la diversité d’un village. Et je ne parle pas d’une ville.
Donc, le problème est qu’il faut renouer le lien, l’ancrage ... de quelles ressources dépendez-vous ? La description de votre dépendance va révéler que ce dont vous avez besoin, vous en êtes privé par quelqu’un que vous nommez et qui est là ... nommer les adversaires aussi bien que les alliés dans un paysage que l’on commence à peupler de lieux, d’institutions, de gens
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Sans argent, le néolibéralisme est une immense source de frustration
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Le « grand débat » recueille des opinions ; c’est un vaste sondage sans même le respect des statistiques.
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Le néolibéralisme a individualisé la perception par tout le monde de soi-même et dissous nombre de liens sociaux. Mais ce qui se passe dans le mouvement des Gilets jaunes, par exemple à Commercy, c’est la tentative de refaire un sujet collectif.
Bien sûr !
Il faut passer par là, non ?
Oui bien sûr, mais enfin, vous auriez étonné les vieux militants des années 1960 si vous leur aviez dit qu’un mouvement social, « c’est formidable parce qu’on se retrouve ensemble et qu’on se parle chaleureusement ». De la chaleur, ils en avaient à foison dans d’innombrables cellules, associations, comités, etc. Cela fait penser à Nuit debout, en 2016. C’est important que les malheureux sujets néolibéraux retrouvent des liens de parole et de solidarité, oui, mais ce n’est pas leur faire injure que de reconnaître que c’est juste le début. Ensuite, il faut passer à la description des situations concrètes pour qu’on commence à repérer les intérêts divergents et voir avec qui on s’allie contre qui. Cela m’étonnerait beaucoup que, dans un rond-point, si on poursuivait la description des conditions de subsistance de chacun, on maintiendrait la chaude unanimité que nous décrivent les journaux.
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on ne fait pas une société avec des individus
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refaire maintenant, avec la question écologique, le même travail de réinscription dans les liens et les attachements que le marxisme a fait à partir de la fin du XIXe siècle. Sachant que les êtres auxquels on est relié pour subsister, ce ne sont plus les êtres dans la chaîne de production ou dans les mines de charbon, mais tous les êtres anciennement « de la nature ». Et que c’est beaucoup plus compliqué, et donc, c’est mon argument, beaucoup plus nécessaire.
Donc, ce travail, qui va le faire ? Pas l’État. Pas des experts, même s’il faut des experts, des sociologues, des économistes… Il n’y a que les gens eux-mêmes !
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Dans l’ancien régime, le climat n’était pas intégré à la politique. Maintenant, il est intégré à la politique comme un des enjeux essentiels. Et ce n’est pas tant par la question du CO2 que par celle des conditions de subsistance. Le terme de « crise de subsistance » est un terme de la Révolution française qui n’est pas inexact quand on l’applique à notre situation. Nous vivons bien une « crise de subsistance ». Nous nous apercevons qu’il faut se poser la question : « Que fait-on quand les insectes, les glaces, les êtres vivants disparaissent ? »
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se poser trois questions : « Quels sont les êtres et les choses qui vous permettent de subsister ? » Et pas seulement d’argent. Puis : « De quoi dépendons-nous ? Qui dépend de nous ? » Et ensuite : « Que sommes-nous prêts à défendre ? Qui sommes-nous prêts à attaquer ? Avec qui se défendre ? »
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quand 1789 est arrivé, il y avait eu trente ou quarante ans de discussions dans toutes les élites et dans le Tiers État sur les réformes à faire. Aujourd’hui, l’État français n’a pas la moindre idée de comment sortir du système de production et passer à une situation écologico-compatible. En fait, ce n’est pas à l’État de le penser, il n’en est pas encore capable.
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On n’a jamais eu de révolution qui attendait de l’État sa transformation…
Il y a quand même un jeu par rapport à l’État. Il organise le « grand débat », en espérant que cela va affaiblir le mouvement social.
C’est du petit machiavélisme !
C’est la bataille du moment.
Oui, mais elle ne m’intéresse pas. Moi, je suis plutôt tourné vers le futur, et ce n’est pas la peine d’être prophète pour prévoir que la crise actuelle préfigure toute celles qui vont venir : comment concilier justice sociale et atterrissage sur la terre… ou ce que j’appelle le terrestre.
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des milliers de gens, dont beaucoup de jeunes, ont totalement changé de direction dans la vie. Il se produit une reterritorialisation, une réimplantation. C’est ce que doit faire la société : s’ancrer.
Le problème est qu’elle ne sait pas où elle est. Si on change de Terre, avec le nouveau régime climatique, c’est comme de déclarer que la Terre tourne autour du soleil. C’est une mutation de même ampleur. C’est ce qui est à la fois excitant et angoissant. Mais ne nous plaignons pas : enfin ça bouge !