Les mégabassines, dont les premiers déploiements suscitent débats et violences, ne peuvent être la seule réponse au manque d'eau. Pour l’écologue Vincent Bretagnolle, il est urgent de ralentir le cycle de l’eau. En clair, de la retenir dans les sols en restaurant les écosystèmes, au lieu de précipiter son évacuation vers l’océan.
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Pour l’heure, deux mégabassines sont déjà creusées, à Mauzé-sur-le-Mignon et Sainte-Soline, et une troisième est actuellement en travaux à Priaires. Au total, ce sont seize de ces installations démesurées qui devraient émerger dans les prochaines années dans la plaine céréalière du sud des Deux-Sèvres – dont sept sur la Zone Atelier Plaine & Val de Sèvre2, un laboratoire transdisciplinaire à ciel ouvert où je travaille avec d’autres scientifiques et des agriculteurs volontaires à l’agroécologie de demain3. À l’échelle du centre ouest de la France, plus de 150 bassines sont déjà construites (certaines illégalement) ou en projet, pour répondre au stress hydrique...
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Ce sont les écosystèmes par leur fonctionnement et la biodiversité qu’ils hébergent qui sont garants de la ressource en eau, en ralentissant le cycle de l’eau et en conservant, par de multiples adaptations et stratagèmes, celle-ci dans les écosystèmes car elle est une ressource essentielle à la vie elle-même. Ainsi, l’eau n’est pas une ressource dont les sociétés humaines disposent et dont une part minime revient aux écosystèmes pour qu’ils subsistent ; l’eau est au contraire un produit des écosystèmes, dont nos sociétés font usage.
La gestion de la ressource en eau est aujourd’hui partagée entre collectivités, usagers (en particulier agriculteurs) et hydrogéologues. Les chances de faire face au stress hydrique, toujours plus intense sous l’effet du changement climatique, semblent bien minces si l’on n’a pas recours aux écosystèmes et aux solutions fondées sur la nature. Il faut donc associer impérativement les écologues à cette gestion. Et que les pouvoirs publics apportent l’impulsion et les financements nécessaires au déploiement de ces solutions fondées sur les écosystèmes, au-delà des seules mégabassines.
À lire sur notre site
Dans les Deux-Sèvres, un laboratoire dans les champs https://lejournal.cnrs.fr/articles/dans-les-deux-sevres-un-laboratoire-dans-les-champs
Notes
- D’autres, plus petites, ont déjà été construites en Vendée.
- Voir https://za-plaineetvaldesevre.com/
- Voir "Réconcilier nature et agriculture. Champs de recherche", Vincent Bretagnolle et Vincent Tardieu, CNRS Éditions, 288 pages, 25 euros.
- La mise en œuvre du concept des solutions fondées sur la nature à l’échelle des territoires fait l’objet d’un PEPR qui démarre (« SOLUBIOD »), et qui est porté par le CNRS et par Inrae. La Zone Atelier Plaine & Val de Sèvre fait partie des sites lauréats.
Mots-clés mégabassines crise de l'eau Deux-Sèvres Mauzé-sur-le-Mignon Sainte-Soline cycle de l'eau Marais Poitevin
Connu / TG le 14/09/23 à 11:44
Les étés se suivent et se ressemblent. Nappes phréatiques en détresse, alertes sécheresse. Comment mieux faire face au manque d'eau récurrent ? C'était le thème de l'émission DISPUTANDUM.
De plus en plus, le grand public prend conscience et subit lui aussi le manque d’eau. Outre les désormais très classiques restrictions d’eau de l’été, quelles sont nos marges de manœuvre ? Nos techniques sont-elles à la hauteur des enjeux ? Participent-elles à la fuite en avant qui nous éloigne de la nécessaire sobriété ?
Pour évoquer ces questions, ont débattu avec nous :
- Sylvain Delzon, directeur de recherche en écophysiologie des plantes à INRAE et à l’Université de Bordeaux
- Christiane Queyreix, militante Greenpeace
- Jean-Emmanuel Gilbert, directeur développement et cofondateur d’Aquassay
- Vincent Bretagnolle, directeur de recherche au CNRS au sein du Centre d'études biologiques de Chizé (Deux-Sèvres)
Les enjeux de la consommation d'eau
Presque trois mois après les manifestations de Sainte-Soline, les anti-bassines, opposés à ces grandes réserves d’irrigation à ciel ouvert, ne désarment pas. Dans la Vienne, le rapport Hydrologie Milieux Usages Climat, qui préconise entre autres les volumes des prélèvements agricoles, en tenant compte de la ressource en eau, est au cœur d’une nouvelle bataille... L'occasion pour nous de questionner la pertinence de ces réserves polémiques.
L'action des pouvoirs publics
À l'échelle des communes ou des agglomérations, des pistes de réflexion émergent. Le réemploi des eaux usées à destination de l'industrie, ou de celles des piscines et patinoires pour arroser les espaces verts.
Les particuliers ne sont pas oubliés, leurs achats de récupérateurs d'eau font l'objet de coups de pouce financiers.
L'heure est à la chasse au gaspillage ! C'est le cœur de métier d'Aquassay. Au fil de leurs missions, ces experts de la gestion de l'eau ont pu observer jusqu'à 60 % d'eau "perdue" à l'échelle d'une entreprise.
Nos paysages changent
Contraints par les fortes chaleurs, jardiniers amateurs, agriculteurs et gestionnaires de forêts observent le dépérissement des espèces trop sensibles et la progression d'autres, plus adaptées à la sécheresse.
Parfois cela suppose de recourir à plus de pesticides, une équation financière et environnementale complexe.
Il y a aussi des raisons d'espérer, le retour des ollas en est un symbole. Cette pratique d'irrigation ancestrale qui consiste à enterrer une jarre en argile remplie d'eau nous rappelle que le meilleur moyen d'économiser l'eau est de s'appuyer sur la nature et de favoriser le maintien d'un cycle de l'eau.
Quelle est la "fuite" prioritaire ?
Que pèsent les piscines, les golfs dans nos consommations d'eau ? Ces symboles de confort ou de loisirs sont ciblés par les militants alors que l'agriculture et l'industrie restent les activités les plus assoiffées.
Finalement, il semble que les réels progrès pour économiser l'eau ne soient réalisés que lorsqu'ils coïncident avec des intérêts économiques.
Clés : environnement agriculture économie société finances sécheresse météo politique
Mégabassines, la guerre de l’eau Enquête - 142 commentaires
Mediapart a enquêté sur les douze agriculteurs directement raccordés à la mégabassine de Sainte-Soline. Ces exploitants, qui possèdent de grandes surfaces, veulent coûte que coûte maintenir leurs rendements, en répondant aux exigences de l’agro-industrie.
Vue aérienne de la mégabassine en cours de construction à Sainte-Soline (Deux-Sèvres), le 11 avril 2023. © Photo Damien Meyer / AFP
« Nous faisons face à une opacité totale quant au projet », se désole Julien Le Guet, figure de la contestation antibassine. Membre du comité scientifique qui accompagne le suivi du protocole scellant la création de la retenue de Sainte-Soline, le chercheur Vincent Bretagnolle confirme : « Concernant les exploitants connectés à cette bassine, un diagnostic a été réalisé, mais il n’a pas été communiqué au comité scientifique. Nous ne savons pas ce que cultivent aujourd’hui ces irrigants. Seule la Coop de l’eau 79 a ces données… »
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Des exploitations sous perfusion d’argent public
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les douze agriculteurs connectés à la mégabassine ont une exploitation qui mesure en moyenne 147 hectares. Des tailles d’exploitation plus grandes que la moyenne française, estimée à 69 hectares, et à la moyenne du département, qui est de 89 hectares.
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Sept des douze agriculteurs investis dans la mégabassine de Sainte-Soline sont des céréaliers. Les cinq autres sont éleveurs bovins, caprins ou ovins.
... Aucune en agriculture biologique ... l’objectif de réduction de 50 % des pesticides ne sera pas tenu ... Seuls quatre agriculteurs sur douze, à l’instar de Jany Bordevaire, éleveur de vaches à viande, se sont exprimés dans les médias ... le bénéficiaire du projet Emmanuel Villeneuve
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Aucune mention n’est faite durant ces interventions médiatiques que Jany Bordevaire est le deuxième adjoint au maire de Sainte-Soline. Ou qu’Emmanuel Villeneuve est élu à la chambre d’agriculture des Deux-Sèvres, mais aussi administrateur à la fois d’Océalia, un géant agro-industriel de l’ouest de la France qui a en 2022 engrangé plus d’un milliard d’euros de chiffre d’affaires, et d’une de ses filiales, Alicoop, importante coopérative de nutrition animale.
De l’eau pour maintenir les rendements
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irriguer une surface totale de 847 hectares – l’équivalent de 1 186 terrains de football.
En croisant les futurs points de livraison d’eau connectés à la mégabassine et des bases de données géographiques agricoles de 2020 et 2021, Mediapart a estimé, sur les parcelles dotées prochainement d’une pompe à eau, qu’environ 30 % d’entre elles comportaient du maïs et que deux tiers des parcelles étaient occupées par du blé tendre d’hiver, en rotation avec d’autres cultures notamment du pois et de l’orge – sachant que de ces points de livraison d’eau pourront être tirés des tuyaux pour irriguer d’autres parcelles.
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Porte-parole de la Confédération paysanne des Deux-Sèvres, l’éleveur Benoît Jaumet explique pourquoi ce blé tendre pourrait être irrigué à Saint-Soline. Il précise que l’agro-industrie impose pour ce type de blé une haute teneur en protéines pour être vendu au meilleur prix sur les marchés français et internationaux ... épandent du nitrate ... le blé peut mourir d’overdose d’engrais ... l’eau stockée par la mégabassine de Sainte-Soline servira à répondre aux exigences du marché.
La rentabilité comme boussole
... ils nourrissent avant tout leur portefeuille ...
Connu / TG le 12/04/23 à 19:27