Asma Mhalla et Gérard Araud, invités de la Matinale de France Inter le samedi 11 janvier 2025 ©Radio France - Grégoire Nicolet
8h20 - Baddou - L'hour
Comment la Tech s'est-elle hissée à ce niveau de toute-puissance dans la politique internationale ? Entretien avec Gérard Araud, ancien ambassadeur de France aux États-Unis, et la politologue et essayiste Asma Mhalla.
Avec
- Asma Mhalla Docteure en sciences politiques, chercheure associée au Laboratoire d’Anthropologie Politique de l'EHESS, spécialiste de Géopolitique de la Tech et enseignante à SciencesPo et Polytechnique
- Gérard Araud Diplomate français, ancien ambassadeur de France en Israël et aux Etats-Unis, ancien représentant de la France au Conseil de sécurité de l’ONU
Gérard Araud est un ancien ambassadeur de France aux États-Unis, et ancien représentant permanent de la France auprès de l'ONU. Asma Mhalla est politologue, essayiste, et enseignante à Sciences po. Elle a écrit “Technopolitique : comment la technologie fait de nous des soldats” (février 2024, le Seuil). Ensemble, il reviennent sur l'alliance Trump-Musk, avant l'investiture du président américain, le 20 janvier prochain.
Clés : États-Unis Société Monde
Médaille Fields en 2010, le mathématicien Cédric Villani est également passé par la politique. En 2020, il opère sa transition écologique amorcée par l'alimentation et s'intéresse de près au enjeux agricoles. Depuis l'enfance il est également animé par les théories de l'évolution de Darwin.
Avec Cédric Villani Mathématicien français et ancien député, médaillé Fields en 2010
Ses parents sont tous deux professeurs de littérature. Durant sa scolarité, Cédric Villani raconte qu'il ne s’est pas ennuyé. Le jour des résultats du bac, un journaliste vient l’interroger car il a la meilleure note de l’académie et le qualifie de « monument humain à la gloire de la timidité ».
Depuis l'enfance, il a développé une grande passion pour le monde animal. "Darwin est mon héros", dit-il.
C'est en 2020 qu'il entame une transition écologique qu'il amorce par l'alimentation et les transports. "La première mutation la plus importante est l’alimentation, on s’illusionne en pensant qu’on prend le sujet à cœur sans opérer cette transformation." explique-t-il.
Il parle du technosolutionnisme comme une impasse et met en garde contre les effets néfastes indirects de l'IA.
Cédric Villani est mathématicien, Professeur à l’Université Lyon 1 Claude Bernard et Président de la Fondation de l'écologie politique.
Intéressé par les maths dès tout petit
"L'amour, ça ne s'explique pas", confie Cédric Villani en évoquant sa passion pour les mathématiques, née dès son enfance dans une famille littéraire. Fasciné par des ouvrages comme La Vie sur Terre, il se rappelle que Darwin était pour lui « une pop-star ». En 2010, il atteint le sommet de sa carrière scientifique en recevant la médaille Fields pour ses travaux sur l’équation de Boltzmann, un sujet qu’il décrit comme "un mariage arrangé" dont il finit par tomber amoureux. Une médaille qui lui a apporté une "reconnaissance publique extraordinaire et la possibilité d'être impliqué dans des projets de la société de la vie publique. Mais ça n'a pas été tellement un accélérateur pour ma carrière scientifique, au contraire."
Un tournant vers l’écologie et l’action politique
Inspiré par Alexandre Grothendieck, Villani explique comment il a pris conscience de l’urgence écologique : "La poursuite aveugle du progrès scientifique et technologique conduit l’humanité à sa perte." Il décrit son engagement au sein de la Fondation pour l’écologie politique comme une mission de "lucidité sur les enjeux, amour de ce que nous voulons sauver, et engagement concret pour agir". En évoquant les défis actuels, il souligne : "Les humains n'ont toujours pas atteint l'âge de maturité en politique", rappelant que les arguments de coordination internationale entendus dans les années 1970 restent toujours d'actualité aujourd'hui.
L’Europe, un rempart face aux défis globaux
"Sans l’Europe, la France se fera juste manger au niveau international", affirme Villani, qui milite pour une Europe forte et fédéraliste. Il évoque l’importance de l’Union européenne comme acteur clé pour contrer les climato-dénialistes et les géants technologiques : "La seule solution, elle est politique. On ne résout pas un problème politique par une question technique." À propos des algorithmes, il insiste sur leur potentiel lorsqu’ils sont bien orientés : "Il n’y a pas de soucis à ce que les scientifiques du GIEC utilisent de l’intelligence artificielle pour améliorer leurs prédictions. Mais entre de mauvaises mains, les mêmes outils deviennent dangereux."
Un engagement aligné avec des convictions profondes
Villani raconte avec enthousiasme comment il a changé son mode de vie pour être en cohérence avec ses valeurs : "C’est fini les taxis, je me déplace en vélo, à pied ou en métro." Il partage aussi sa satisfaction d’avoir adopté un régime végétarien : "C’était une façon d’être aligné et de me sentir bien." Face aux défis politiques et culturels, il se veut optimiste : "Il faut montrer que le futur écologique désirable est aussi bon pour la santé et le bien-être." Il conclut avec une image tirée de Princesse Mononoke de Miyazaki : "L’Europe doit être en un sens guerrière et pacifiste à la fois."
Pour plonger dans cet échange inspirant entre sciences, politique et écologie, écoutez l’émission.
Ce texte a été écrit en partie par une IA et contrôlé par nos équipes éditoriales ► La charte d'engagements et d'usages de l'Intelligence Artificielle par Radio France
Documentation :
« Théorème vivant » chez Grasset
« Les Mathématiques sont la poésie des sciences » Flammarion « Champs sciences »
« Algorithmes, la bombe à retardement La bombe à retardement » de Cathy O’Neil dont il a écrit la préface aux Arènes
« L’Incroyable Histoire des Sciences » Les Arènes BD
« Les rêveurs lunaires » avec le dessinateur Edmond Baudoin
Clés : Environnement Sciences et Savoirs Écologie Sciences
Ndlr :
- a-t-il RÉELLEMENT pris le parti de l'anthropocène ? Approfondir ACT
- A-t-il raison d'être fédéraliste ? Quelle importance accorde-t-il à la France ? idem
L'imaginaire technosolutionniste : un pari hors sol.
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limites planétaires, l'état des ressources, la justice sociale, pour développer ces innovations vite et en masse, on est face à une impasse.
- géoingénierie solaire - bactéries mangeuses de plastique en 2016 - robots pollinisateurs - capteurs de gaz à effet de serre - base sur mars - centrale solaire orbitale, électricité transférée via un faisceau de micro-ondes - méga-digues / montée des eaux
->
pas de vision globale - pas de pérennité - effet rebond - déni - inaction.
On a besoin de nouvelles technologies au service du vivant, économes en énergie et en ressources, maintenables = low tech
concept né dans les années 70 / l'économiste germano-britannique Ernst Friedrich Schumacher. Trois principes : - utilité - accessibilité - durabilité
Bonnus : coût modéré et économie circulaire.
Ex.:
- permaculture marine (cultiver du varech et des algues commestibles permet de séquestrer du co2.
- Cargos kites (à voile gonflable pour la marine marchande économise 30-50% de carburant
- Frigo d'hiver (garde-manger à l'extérieur économise jusqu'à 50% d'énergie)
- Peinture anti-chaleur : blanche, renvoie les rayons du soleil.
- Biocharbon : à partir de déchets agricoles, 2 fois moins cher que le bois ou le charbon par ex. en Afrique.
- Énergie houlomotrice : produire de l'énergie à partir des vagues et de la houle, premier brevet déposé en 1799.
Idée — Numérique - Mis à jour le 15 juillet 2024 à 09h50 - Durée de lecture : 11 minutes
Le monde numérique est le nouveau moteur des pensées d’extrême droite qui y prolifèrent. Élections françaises, présidentielle étasunienne... il pourrait contribuer à les mettre, très concrètement, au pouvoir.
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« L’avènement d’un fascisme cool »
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Lire aussi : Le totalitarisme numérique de la Chine menace toute la planète
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D’après une enquête du CNRS, publiée en 2023, les climatosceptiques représenteraient même 30 % des comptes parlant environnement sur X
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« [Les plateformes] fonctionnent comme des régimes autoritaires »
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marchandisation de notre vie sociale, politique et culturelle, sans considération pour notre santé mentale, le droit à l’information fiable et la démocratie.
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Médiapart parle d’un « néofascisme débonnaire » qui est en train de gagner la bataille culturelle. https://www.mediapart.fr/journal/france/140321/les-youtubeurs-de-la-haine-un-neofascisme-debonnaire
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goût pour la viande, les jeux vidéos, la musculation ou la « philosophie virile » ... masculinité toxique ... propos dépolitisants ... double affinité : d’un côté les réseaux sociaux font monter les idées réactionnaires, de l’autre, le technosolutionnisme de l’extrême droite pousse ce courant à embrasser toutes les avancées du numérique.
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Chez les spécialistes de la culture web, le désenchantement est total. Le journaliste canadien, Cory Doctorow, parle de « merdification d’internet ». La journaliste blogueuse Titiou Lecoq compare l’espace numérique à « un grille-pain fasciste » — un circuit fermé et centralisé qui nous enferme dans des idées nauséeuses.
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point de bascule où le flot de haine pourrait quitter la toile et prendre le pouvoir. Les situations à l’étranger où l’extrême droite et les régimes autoritaires surfent sur les technologies doivent nous avertir.
Dans ses Écrits corsaires, l’écrivain et poète italien, Paolo Pasolini disait que la société de consommation avait propagé plus profondément le fascisme que Mussolini. Il se pourrait, aujourd’hui, que la numérisation de la vie nous mène au fascisme bien plus rapidement que le Front national d’un Jean-Marie Le Pen…
Ndlr : comment renverser cette bataille culturelle ? Chercher ACT
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Personnes participantes
- Frédéric Couchet, délégué général de l’April
- Audrey Guélou, membre de l’association Picasoft et doctorante en Sciences de l’information et la communication à l’UTC (Université de technologie de Compiègne)
- Thomas Citharel, chef de projet et développeur salarié de l’association Framasoft
Gee - Laurent Costy, vice-président de l’April
- Lorette Costy
- Thierry Holleville, bénévole à l’April (à la régie)
Traitement du podcast
- podcast traité par Samuel Aubert, bénévole à l’April
- podcast découpé en podcasts individuels par Frédéric Couchet
Traitement des photos par Thierry Holleville, bénévole
Références
Chronique de Gee sur le technosolutionnisme
- Inkscape sur Wikipédia
- Python sur Wikipédia
- MuseScore sur Wikipédia
- Ardour sur Wikipédia
- LaTeX sur Wikipédia
- Pandoc sur Wikipédia
- Dossier StopCovid sur Framablog
- « Numérique alternatif et alternatives numériques » sur le blog de Louis Derrac
-« Nous sommes attentifs aux composants qui équipent nos téléphones. » sur le blog de Fairphone - « Les usines d’Apple ont des filets anti-suicide » sur Hitek
- « [MyCO2] Empreinte carbone française moyenne, comment est-elle calculée ? » sur Carbone4
Étiquettes: 2020, Amish, écologie politique, François Jarrige, histoire des techniques, innovation, Macron, numérique, technocratie, technocritique, technosolutionnisme
Catégories: Critique de la technologie
Macron piégé par le technosolutionnisme Dans un discours prononcé le 15 septembre 2020 devant les investisseurs de la French Tech, le président Macron a balayé la demande de moratoire sur le déploiement de la 5G, renvoyée au « modèle Amish » et au retour à la lampe à huile. Choisissant l’humour, les Amis de la […]
6 janvier 2021 à 09h39 Mis à jour le 8 janvier 2021 à 09h25 / Celia Izoard (Reporterre)
Durée de lecture : 7 minutes - Clés : Libertés Numérique Chine 5G
Si la Chine est un régime totalitaire, explique l’autrice de cette tribune, ce n’est pas seulement parce que le numérique donne des moyens de contrôle supplémentaires au Parti dictatorial. Ces dispositifs électroniques sont aussi porteurs de leur propre logique de régulation sociale, qui s’étend à l’ensemble de la planète.
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Huawei, qui a désormais l’autorisation d’équiper les réseaux 5G de Bouygues et de SFR en France, travaille avec les autorités dans la province du Xinjiang pour parachever la surveillance des moindres faits et gestes des Ouïghours, dont un million auraient déjà été déportés dans des camps depuis 2017. Dans le Xinjiang, note Strittmatter, « les décisions d’arrestations sont de plus en plus souvent prises par des systèmes technologiques, on n’examine pas les cas individuels » : ce sont des algorithmes qui calculent, à partir des habitudes de vie renseignées par les données, qui doit être arrêté.
Plus qu’une dictature, un système totalitaire
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un régime totalitaire ne s’arroge pas seulement un monopole de la sphère publique ; comme l’a montré Hannah Arendt, il tente de soumettre et d’exploiter à ses propres fins toutes les sphères de l’existence, jusqu’aux plus intimes. Le système du crédit social mis en place pour lutter contre la « malhonnêteté », en cours de déploiement à l’ensemble du pays, permet ainsi d’ajuster en permanence la note de chaque citoyen en fonction du moindre de ses actes
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la grande majorité se sent en sécurité parce qu’elle sait que la technologie est entre de bonnes mains. »
Cela prêterait à rire si on ne retrouvait pas là mot pour mot les formules rassurantes qui entourent chez nous le déploiement des mêmes technologies : vidéosurveillance, biométrie, smart city, smart mobility — la centralisation des données en moins. Ces expressions toutes faites visent à maintenir une séparation purement théorique entre, d’un côté, la technologie, et, de l’autre, l’intentionnalité politique qui guiderait son déploiement. Mais existe-t-il vraiment une version « libérale » de cette infrastructure de big data ? Un monde « libre » où les millions de capteurs, de caméras, et toutes les données collectées ne serviront « qu’à » nous proposer de nouveaux services, à affiner le ciblage marketing, à nous bombarder de messages incitant à des comportements vertueux ?
La plongée que nous offre Kai Strittmatter dans la Chine de Xi Jinping permet de comprendre que ce régime n’est pas une simple mise à jour high-tech de la dictature maoïste. Il est le fruit du croisement de deux idéologies totalitaires : le nationalisme hérité du maoïsme incarné par le Parti, et le techno-solutionnisme porté par l’industrie des nouvelles technologies du monde entier. Car ce dernier ne peut être réduit à un simple appareillage du pouvoir. Tout autant que le premier, il porte en lui une vision de l’organisation sociale et du devenir humain.