Exécutif Analyse
Après vingt-six jours d’attente, Emmanuel Macron a nommé les vingt-sept membres du premier gouvernement d’Élisabeth Borne. Un casting gouvernemental marqué par sa continuité et toujours ancré à droite. La nomination de l’historien Pap Ndiaye à l’Éducation nationale y fait presque figure d’anomalie.
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Par-delà le signal de continuité, certaines de ces reconductions ont de quoi surprendre. Celle d’Éric Dupond-Moretti ... provocation : mis en examen depuis juillet 2021 pour « prise illégale d’intérêts », ... risque un procès devant la Cour de justice de la République. Le parquet général de la Cour de cassation a rendu, pas plus tard que le 9 mai dernier, des réquisitions en ce sens.
À rebours du principe qu’il se fixait en mars 2017, selon lequel « un ministre mis en examen doit démissionner », Emmanuel Macron a choisi de maintenir puis de conforter l’ancien avocat. Nonobstant les multiples mises en garde, venues notamment des syndicats de magistrats, qui ont récemment alerté la Commission européenne face aux risques pesant sur l’indépendance de la justice.
Au ministère de l’intérieur, Gérald Darmanin continuera à diriger – entre autres sujets – la lutte contre les violences sexuelles et sexistes. Tout en étant encore visé par une enquête pour viol. À deux reprises, il a été accusé d’avoir profité de sa position dominante d’élu pour obtenir des faveurs sexuelles. À deux femmes, il aurait promis, d’après leurs récits, d’intervenir en leur faveur – la première pour sa condamnation judiciaire, la seconde pour sa demande de logement.
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Plusieurs secteurs clés du gouvernement sont tenus par la bande d’anciens élus Les Républicains (LR) dont l’influence n’a cessé de croître depuis 2017 : l’économie, l’intérieur et la défense sont respectivement dirigés par Bruno Le Maire, Gérald Darmanin et Sébastien Lecornu. Ce dernier se voit promu aux armées, malgré un bilan très critiqué dans les territoires d’outre-mer où Emmanuel Macron a obtenu un score minime.
À eux trois, ils contrôleront des services aussi cruciaux que les renseignements intérieurs et extérieurs (DGSI et DGSE), le renseignement militaire et l'organisme de renseignement de Bercy, Tracfin.
Quant à l’enjeu climatique, il sera piloté par trois femmes : Élisabeth Borne à Matignon, Agnès Pannier-Runacher à la transition énergétique et Amélie de Montchalin à la transition écologique et à la cohésion des territoires.
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Emmanuel Macron a propulsé sa conseillère culture, Rima Abdul-Malak, au ministère y afférent et le délégué général de La République en marche (LREM), Stanislas Guerini, à la fonction publique (malgré sa défense critiquée d’un candidat condamné pour violences conjugales mercredi). La députée LREM Yaël Braun-Pivet, présidente de la commission des lois au Palais-Bourbon, sera chargée des outre-mer.
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À trois semaines des élections législatives, et trois semaines après une réélection sans élan, l’absence de relief politique de cet exécutif prive toutefois le président de la République de la moindre dynamique dans l’opinion.
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interview de Pap Ndiaye au Monde en 2019. Le nouveau ministre de l’éducation nationale y jugeait : « Quant à Emmanuel Macron, au centre-droit, s’il lui arrive de s’exprimer avec éloquence […], on peine à discerner une politique, ou même un point de vue consistant. » Le constat s’applique cruellement au premier gouvernement de ce quinquennat.
Enquête — Politique - Durée de lecture : 10 minutes - Politique Culture et idées
La planification écologique s’est imposée dans le paysage politique jusqu’à Emmanuel Macron, qui se l’est appropriée dans l’entre-deux-tours de la présidentielle. Retour sur un concept clé qui pousse aussi l’écologie politique à réinterroger son rapport à l’État.
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nommer sous peu son ou sa Première ministre. D’après l’Élysée, il ou elle se verra « chargée de la planification écologique » : une formule soustraite à son adversaire de gauche, Jean-Luc Mélenchon, qui en a fait un étendard depuis plus d’une décennie. Même si les contours de la planification souhaitée par le président de la République restent flous, elle pourrait entraîner un bouleversement en profondeur de l’appareil d’État. Investi officiellement samedi 7 mai, Emmanuel Macron a de nouveau insisté sur sa volonté de « planifier » en faisant « le serment à la jeunesse de léguer une planète plus vivable ».
« C’est une victoire idéologique pour la France insoumise, clame Martine Billard. Emmanuel Macron est rattrapé par la réalité. Face à la gravité du réchauffement climatique, il n’a plus d’autre choix »
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Dès 2009, cette historique du parti de gauche avait déposé une proposition de loi sur le sujet alors qu’elle était encore députée Les Verts à l’Assemblée nationale. Cosignée par Noël Mamère et Yves Cochet, ce texte voulait « instaurer le plan écologique de la Nation », créer « un commissariat à la Planification écologique » et « organiser des conférences de participation populaire » pour construire démocratiquement le projet.
La planification est plus qu’une méthode : il s’agit d’éclairer l’avenir, de se donner des objectifs chiffrés à tenir et d’organiser avec les territoires la transition écologique dans tous les secteurs : énergie, finance, aménagement du territoire, agriculture, etc.
En 2008, alors qu’il était encore au Parti socialiste (PS), Jean-Luc Mélenchon portait déjà lui aussi cette idée. « Le programme socialiste doit être celui du retour de l’État redistributeur, stratège, protecteur, organisateur du temps long », plaidait-il dans le cadre d’une motion. En parallèle, les intellectuels proches de l’écosocialisme comme Michael Löwy participaient à la diffusion de ce concept dans le milieu universitaire.
« Un mot “obus” pour produire de la conflictualité »
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Corinne Morel Darleux, l’une de ses plus proches camarades de l’époque. ... Chez les écolos, on se déchirait : « On me traitait d’étatiste », se souvient Martine Billard. « Nous sommes plutôt issus d’une tradition libertaire et régionaliste, héritière de Mai 68, confirme Noël Mamère. Une partie des pionniers de l’écologie politique, comme Ivan Illich, Jacques Ellul ou Murray Bookchin se sont construits contre l’État, son dirigisme et son centralisme. » « Historiquement, les plans, ce n’est pas trop notre truc », concède, aussi, Alain Coulombel, actuel porte-parole d’Europe Écologie-Les Verts.
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Jean-Luc Mélenchon (à droite) avec l’ingénieur spécialiste des éoliennes marines, Bertrand Alessandrini, le 14 janvier 2022, au large de Saint-Nazaire (Loire-Atlantique). © Stéphane Burlot/Reporterre
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le chercheur Dominique Plihon dans une note d’Attac ... sociologue Razmig Keucheyan, la planification écologique est le seul moyen pour imposer un contrôle public du crédit et de l’investissement, arrêter le financement des industries polluantes et organiser leur fermeture, tout en accompagnant massivement les investissements dans la transition écologique. « Jusqu’ici, la planification a été productiviste. La planification écologique, elle, doit organiser la décroissance de l’utilisation des ressources naturelles », écrit-il dans le Monde diplomatique.
... Naomi Klein ... réapprendre à planifier nos économies en fonction de nos priorités collectives et non plus des critères de rentabilité ... Cyrille Cormier, l’auteur du livre Climat, la démission permanente (Utopia, 2020)
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Martine Billard ... la planification n’est pas simplement une refonte de l’architecture gouvernementale, c’est une nouvelle vision, un imaginaire révolutionnaire de l’action politique ... décalage entre cette proposition et l’urgence d’actions immédiates ... construction de nouveaux EPR ... plans des années 1970 et 1980, décrétés par le haut et de manière autoritaire. L’inverse de ce que préconisaient les fondateurs de la planification écologique, qui voyaient dans cet outil un moyen de stimuler la démocratie locale, d’établir les besoins et les objectifs à l’échelle des territoires.
Ndlr : en cela la médiation est centrale dans ce processus de co-création où l'horizontalité fertilise deux articulations :
- entre les verticalités ascendantes et descendantes.
- Et entre conflits et projets.
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L'invité de 6h20 - 7 minutes
WWF France publie une nouvelle étude "2022-2027 : Un quinquennat pour réussir face à la crise écologique".
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Pour son second mandat à la tête du pays, Emmanuel Macron a promis de mettre en place la planification écologique. Une rencontre a été organisée mercredi avec plusieurs spécialistes et scientifiques, dont Pierre Cannet, directeur du plaidoyer et des campagnes de WWF France. L'occasion pour lui de remettre au chef de l'État la nouvelle étude de WWF France
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"Le président doit aller au-delà de l'écoute, il doit faire"
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Plusieurs leviers existent : "aller deux fois plus vite dans la rénovation des logements", "s'assurer qu'un véhicule sur cinq soit électrique en 2027" ou encore "réduire de moitié le gaspillage alimentaire".
Les invités Pierre Cannet, directeur du plaidoyer et des campagnes de WWF France
Voir le rapport à https://tools.immae.eu/Shaarli/ind1ju?pUSytA