De nombreuses publications sur les communs et biens communs, récentes ou anciennes, enrichissent les rayons des librairies : l’Université du Bien Commun propose des rencontres avec leurs auteurs, animées par les membres de notre comité de pilotage. Nous avons volontairement choisi un format court et vivant, en visioconférence, centré spécifiquement sur un livre et dont l’auteur, pour clôturer l’échange, nous lira quelques extraits.
Nous vous invitons pour l’ouverture de ce nouveau cycle, ce lundi 31 janvier de 18h30 à 19h15 en compagnie de :
Benjamin Coriat qui nous présentera son livre
Le bien commun, le climat et le marché
(Editions Les Liens qui Libèrent, 2021)
Présentation animée par Corinne Ducrey
Benjamin Coriat est professeur émérite à l’université Sorbonne Paris Nord. Il est par ailleurs cofondateur des Economistes Atterrés. Spécialiste reconnu des communs, il a notamment codirigé Vers une république des biens communs ? (Editions LLL) et publié La Pandémie, l’Anthropocène et le bien commun, ouvrage pour lequel l’UBC l’avait reçu en mars dernier.
A propos de son livre Le bien commun, le climat et le marché :
« En 2016, Jean Tirole, prix Nobel d’économie, publie Economie du bien commun, un ouvrage vite porté aux nues par la critique. Pourtant cet ouvrage, à commencer par son titre même, ne laisse pas d’interroger et de susciter critiques et étonnements. En effet, ce qui est désigné par l’auteur comme « l’économie du bien commun » n’est en fait rien d’autre que son ancienne théorie des incitations et de la réglementation, à peine remise au goût du jour.
Les propositions de Tirole sont si éloignées de celles qui, à partir des travaux d’Elinor Ostrom - prix Nobel d’économie 2009 - constituent aujourd’hui l’approche par les communs qu’il m’a paru nécessaire ici, pour la clarté des choses et couper court au risque de confusion, de procéder à quelques mises au point.
En confrontant les deux approches, tant sur le plan de la théorie qu’à propos de ce bien commun essentiel qu’est le climat, les différences apparaissent dans toute leur ampleur. Alors que la proposition centrale de Tirole pour lutter contre le changement climatique consiste à promouvoir un marché des droits à polluer, la proposition d’Ostrom vise au contraire à faire obstacle aux ajustements de marché à partir d’une gouvernance qu’elle qualifie de « polycentrique », dont la Convention Citoyenne pour le Climat fournit une belle illustration.
Ces deux conclusions opposées le disent assez : en aucune manière une théorie du bien commun, plus vivante et nécessaire que jamais, ne saurait être ramenée à ce à quoi on a prétendu la réduire. » (Benjamin Coriat / Editions LLL 2021)
Dans Le bien commun, le climat et le marché, Benjamin Coriat prend donc pour fondement de sa réflexion la critique de l’Economie du bien commun, l’ouvrage de Jean Tirole qui traite des biens communs sans pour autant se référer à la longue genèse des travaux existants autour de ce concept. Pour Benjamin Coriat, le climat, bien commun mondial, ne peut être traité comme une marchandise et doit être placé « hors commerce ». Il démontre sur le fond en quoi la logique du marché est impuissante à combattre le phénomène systémique qu’est réchauffement climatique. Il confronte le point du vue libéral (toute-puissance du marché à même de résoudre tous les problèmes) à son opposé : la nécessaire "juste" gouvernance (polycentrique) de ce bien commun essentiel, dont les petites communautés constituent le socle (éclairant ainsi toutes les dimensions du travail d’Elena Ostrom sur les communs, en particulier ses analyses sur le climat en tant que bien commun mondial).
Cet échange sera également l’occasion de revisiter avec Benjamin Coriat des concepts essentiels, parfois mal connus ou mal compris, qui traversent le champ des communs : de la gouvernance polycentrique chez Ostrom à la théorie du voile d’ignorance en passant par le problème du passager clandestin.
Déroulé de cette visioconférence :
18h20 - Accueil des participants en connexion par Zoom
18h30 (précises) - Ouverture de la conférence
Présentation du livre par l’auteur
18h50 - Echanges avec l’auteur suivis des questions des membres de l’Université et du public (questions qui seront formulées par saisie dans Zoom et traitées par blocs thématiques).
19H15 - Brève lecture d’un extrait du livre par l’auteur pour clôturer ce premier échange.
Durée de lecture : 12 minutes Clés : Biens communs
Dans son dernier livre, l’« économiste atterré » Benjamin Coriat expose deux visions de la crise écologique, et de sa résolution : celle du marché néolibéral et celle des théoriciens des communs, qui défendent une citoyenneté active.
Benjamin Coriat est professeur de sciences économiques à l’université Sorbonne Paris Nord, et cofondateur des Économistes atterrés, un collectif créé en 2010 pour dénoncer l’impasse des choix économiques européens, notamment la « cure d’austérité » imposée à la Grèce. Il est l’auteur, notamment, de : Le Retour des communs — La crise de l’idéologie propriétaire (2015) et de Le bien commun, le climat et le marché — Réponse à Jean Tirole (2021).
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je confronte dans mon livre la vision de Jean Tirole, économiste français néolibéral, avec celle d’Elinor Ostrom, économiste américaine spécialisée dans la question des communs — c’est-à-dire des ressources, naturelles ou non, placées en usage partagé.
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Tirole défend l’idée que le réchauffement climatique serait une « défaillance de marché », qu’il faudrait corriger par... davantage de marché ... il suffirait donc de développer un marché carbone ... stratégie ... Protocole de Kyoto (1997), appliquée en Europe depuis 2005, malgré ses maigres résultats et sa nocivité. Le funeste marché des « droits à polluer » auquel elle a donné lieu est bien connu aujourd’hui, notamment en Afrique. ... Une des propositions du Green Deal ... « étendre le marché carbone » à de nouveaux secteurs économiques
https://reporterre.net/Le-marche-du-carbone-renait-de-ses-cendres
https://reporterre.net/Les-six-projets-les-plus-climaticides-de-Total-4-5
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l’approche d’Elinor Ostrom permet une vraie préservation des écosystèmes.
... faire de l’eau, des forêts, du climat, etc., des « communs de grande dimension » ... avec la propriété partagée qu’instituent les communs, les biens, les écosystèmes sont protégés par des devoirs et obligations conçus pour assurer leur pérennité.
https://reporterre.net/Avec-les-biens-communs-les-citoyens-reprennent-la-main
... que les gens gèrent avec bon sens les écosystèmes grâce auxquels ils vivent parce qu’ils exercent un contrôle les uns sur les autres pour assurer leur intégrité ... les pratiques vertueuses de communs ancestraux les prud’homies de pêche https://fr.wikipedia.org/wiki/Prud%27homies_de_p%C3%AAcheurs
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la crise climatique n’est pas une « défaillance de marché », mais un phénomène systémique ... ne peut être traité qu’à ce même niveau systémique ... un dépassement de la culture centralisée et hiérarchique des États au profit de « coalitions » entre des « communautés de base » ... pas de se substituer à une gouvernance nationale ou mondiale, mais de chercher un rééquilibrage territorial pour mobiliser toute la société dans la transformation écologique. Et le meilleur moyen, selon elle, d’affronter les problèmes complexes que cette transformation pose à de multiples niveaux, c’est de démultiplier les échanges entre citoyens. Elle appelle ce nouveau régime démocratique la « gouvernance polycentrique ».
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confiance dans l’énergie citoyenne qui a impulsé l’associationnisme après la Révolution française https://reporterre.net/Les-associations-sont-un-rempart-contre-l-autoritarisme
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créativité nécessaire pour repenser nos pratiques pour vivre plus en accord avec la nature, et nos valeurs de justice et d’équité. ... Convention climat a vraiment été un événement d’une grande portée. Ses 149 propositions impulsaient une action multiniveaux et multidimensions ... consensus par puissance de l’échange et de la délibération, pour parvenir à des solutions partagées ... remise en avant de types de forme délibératives qui ont existé pendant la Commune https://reporterre.net/La-Commune-de-Paris-fut-la-matrice-d-une-ecologie-revolutionnaire
... des petits. En Allemagne, six jeunes ... en grève de la faim juste avant les élections à la chancellerie, en septembre dernier ... une Convention climat ... dont les conclusions seraient impératives
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Avant, le néolibéralisme pouvait s’avancer en terrain découvert, se targuer d’être la « seule alternative » ... Désormais, ... Nous allons protéger les écosystèmes en en faisant des communs, pour en user équitablement et respectueusement. Et nous allons entamer une révolution citoyenne pour nous réconcilier avec la nature et établir entre nous des principes d’équité et de respect mutuel. Le contraire de ce que vous faites. »
Notes
[1] Il faut ici rappeler le célèbre article 544 du Code civil, qui définit la propriété comme « le droit de jouir et de disposer des choses de la manière la plus absolue, pourvu qu’on n’en fasse pas un usage prohibé par les lois ou par les règlements ». Jusqu’au XXe siècle, ce droit de propriété a exclu tous les autres, dans les limites des règlements existants. Au-delà des seuls bien « naturels », pour protéger les écosystèmes que constituent la santé ou l’éducation par exemple, à la fois du marché (de ses intérêts et aveuglements), mais aussi de l’État (trop souvent dominé par les lobbies), on peut à la suite d’Ostrom proposer de les traiter comme des « communs sociaux » – une manière aussi d’en permettre un accès universel, et de veiller à ce que les plus démunis n’en soient pas écartés. Un exemple : l’eau déclarée bien commun, gratuit jusqu’à une certaine quantité, par la municipalité de Naples, suite aux travaux de la Commission Rodota, installée en 2007 en Italie par le gouvernement Prodi.
Ndlr : comment réussir cette mobilisation de tous sans médiation ? ACT