Mégabassines, la guerre de l’eau
L’étude montre qu’il n’y a tout simplement pas assez d’eau pour remplir les trente mégabassines programmées dans la Vienne. Mais la préfecture ne « valide pas » ce constat objectif car les impacts socio-économiques ne sont pas pris en compte. Un raisonnement par l’absurde qui sape un travail scientifique inédit.
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pas une analyse militante. Elle sort du cœur de la technocratie de l’eau. Son objectif n’est pas subversif non plus : connaître la quantité d’eau disponible et le niveau des prélèvements sur le bassin de la rivière Clain dans la Vienne. « C’est un bilan hydrique, une objectivisation de la situation la plus juste possible », résume Stéphane Loriot, le directeur de l’Établissement public territorial de bassin (EPTB) qui a piloté ce projet somme toute classique pour un gestionnaire de l’eau.
... a fait appel à un cabinet d’expertise privé, Suez Consulting, filiale de la multinationale éponyme peu soupçonnable de biais écologistes. L’étude s’étale sur 600 pages ultra-techniques et titrées d’un acronyme obscur : HMUC pour Hydrologie, Milieux, Usages et Climat. Les résultats, d’une précision inédite, ont été vérifiés par un chercheur en hydrologie spécialement recruté à cet effet. Et pourtant, cette étude a déclenché l’ire du préfet.
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Le très macroniste préfet de la Vienne Jean-Marie Girier, directeur de la campagne présidentielle 2017 d’Emmanuel Macron, a engagé tout un travail de sape contre ces connaissances pourtant vitales.
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Dans ce climat de confusion scientifique et d’organisation de l’ignorance, même les repères de base pour affronter l’avenir se flouent. Le 8 juin, dans un communiqué de presse, le président de la chambre d’agriculture de la Vienne, Philippe Tabarin, assène sa propre analyse quantitative de l’eau : « Contrairement aux conclusions de l’étude HMUC, j’affirme que nous ne manquons pas d’eau. » Dans la Vienne, les scientifiques disent l’inverse depuis près de trente ans.
Énergies - 48 commentaires
Les conclusions d’un vaste débat national sur la relance d’un programme nucléaire ont été dévoilées mercredi 26 avril. La portée est toute relative car le gouvernement a déjà tranché. Néanmoins, elles livrent quelques enseignements et en particulier sur la place centrale des questions de sobriété.
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un rapport de quatre-vingts pages a été mis en ligne, ce mercredi 26 avril, dressant un vaste état des lieux de la controverse et des enjeux entourant la relance d’un programme nucléaire et pour commencer la construction de deux nouveaux réacteurs à Penly en Normandie. Budget total : deux millions d’euros. Le tout pour débattre d’une question qui finalement a été tranchée par le gouvernement avant la fin du débat. L’exercice de démocratie participative a donc largement tourné à l’absurde.
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Photo Séance de débat sur le nucléaire organisé par la Commission nationale du débat public (CNDP) à Lyon, le 2 février 2023. © Photo Nicolas Liponne / Hans Lucas via AFP
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L’Ademe – l’agence publique de la transition écologique – a défendu, elle, une autre vision : « Cette question de la sobriété est clairement celle qui permet d’aller le plus vite par comparaison avec la construction de tout autre moyen de production. Réduire notre consommation va plus vite. »
Même ligne dans les avis « citoyens » issus de ce débat comme celui du conseil régional des jeunes de Normandie : « Il nous paraît nécessaire de penser une société dans son ensemble où l’on consomme moins. Ainsi, nous souhaitons que les décideurs prennent au sérieux leur rôle pour sensibiliser et réguler afin d’aller vers un modèle énergétique sobre et vivable. »
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Dans sa conclusion, la CNDP souligne plus largement que « des questions essentielles sont sans réponse complète ou même partielle » sur « la place du programme dans le paysage énergétique des décennies à venir, sur ses garanties techniques, professionnelles et sociales, sur son financement et sa justification économique et environnementale par rapport à d’autres options, ou encore sur la prise en compte des incertitudes climatiques et géostratégiques ».
Un débat confisqué
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des amendements ne se glissent dans un projet de loi sur l’accélération des procédures nucléaires voté par le Sénat en janvier et l’Assemblée nationale deux mois plus tard. En permettant la construction de nouveaux réacteurs, ils ont empêché le débat public de se poursuivre normalement.
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À la suite de ce vote, les acteurs antinucléaires, comme Greenpeace ou le Réseau Sortir du Nucléaire, ont quitté la table des discussions et les débats organisés à Lille et Lyon n’ont pas pu se tenir en raison de manifestations.
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Connu / TG le 27/04/23 à 09:04
Mégabassines, la guerre de l’eau Enquête - 142 commentaires
Mediapart a enquêté sur les douze agriculteurs directement raccordés à la mégabassine de Sainte-Soline. Ces exploitants, qui possèdent de grandes surfaces, veulent coûte que coûte maintenir leurs rendements, en répondant aux exigences de l’agro-industrie.
Vue aérienne de la mégabassine en cours de construction à Sainte-Soline (Deux-Sèvres), le 11 avril 2023. © Photo Damien Meyer / AFP
« Nous faisons face à une opacité totale quant au projet », se désole Julien Le Guet, figure de la contestation antibassine. Membre du comité scientifique qui accompagne le suivi du protocole scellant la création de la retenue de Sainte-Soline, le chercheur Vincent Bretagnolle confirme : « Concernant les exploitants connectés à cette bassine, un diagnostic a été réalisé, mais il n’a pas été communiqué au comité scientifique. Nous ne savons pas ce que cultivent aujourd’hui ces irrigants. Seule la Coop de l’eau 79 a ces données… »
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Des exploitations sous perfusion d’argent public
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les douze agriculteurs connectés à la mégabassine ont une exploitation qui mesure en moyenne 147 hectares. Des tailles d’exploitation plus grandes que la moyenne française, estimée à 69 hectares, et à la moyenne du département, qui est de 89 hectares.
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Sept des douze agriculteurs investis dans la mégabassine de Sainte-Soline sont des céréaliers. Les cinq autres sont éleveurs bovins, caprins ou ovins.
... Aucune en agriculture biologique ... l’objectif de réduction de 50 % des pesticides ne sera pas tenu ... Seuls quatre agriculteurs sur douze, à l’instar de Jany Bordevaire, éleveur de vaches à viande, se sont exprimés dans les médias ... le bénéficiaire du projet Emmanuel Villeneuve
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Aucune mention n’est faite durant ces interventions médiatiques que Jany Bordevaire est le deuxième adjoint au maire de Sainte-Soline. Ou qu’Emmanuel Villeneuve est élu à la chambre d’agriculture des Deux-Sèvres, mais aussi administrateur à la fois d’Océalia, un géant agro-industriel de l’ouest de la France qui a en 2022 engrangé plus d’un milliard d’euros de chiffre d’affaires, et d’une de ses filiales, Alicoop, importante coopérative de nutrition animale.
De l’eau pour maintenir les rendements
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irriguer une surface totale de 847 hectares – l’équivalent de 1 186 terrains de football.
En croisant les futurs points de livraison d’eau connectés à la mégabassine et des bases de données géographiques agricoles de 2020 et 2021, Mediapart a estimé, sur les parcelles dotées prochainement d’une pompe à eau, qu’environ 30 % d’entre elles comportaient du maïs et que deux tiers des parcelles étaient occupées par du blé tendre d’hiver, en rotation avec d’autres cultures notamment du pois et de l’orge – sachant que de ces points de livraison d’eau pourront être tirés des tuyaux pour irriguer d’autres parcelles.
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Porte-parole de la Confédération paysanne des Deux-Sèvres, l’éleveur Benoît Jaumet explique pourquoi ce blé tendre pourrait être irrigué à Saint-Soline. Il précise que l’agro-industrie impose pour ce type de blé une haute teneur en protéines pour être vendu au meilleur prix sur les marchés français et internationaux ... épandent du nitrate ... le blé peut mourir d’overdose d’engrais ... l’eau stockée par la mégabassine de Sainte-Soline servira à répondre aux exigences du marché.
La rentabilité comme boussole
... ils nourrissent avant tout leur portefeuille ...
Connu / TG le 12/04/23 à 19:27