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C’est un échange-type que l’on entend souvent, très souvent, en début de semaine. Question : “comment ça va ?” Réponse : “comme un lundi”. Comme un lundi, ça veut dire, bon pas trop. Comme un jour où l’on repart pour une semaine de travail.
Ah le travail. La musique populaire est remplie d’airs sur le travail. “Le travail, c’est la santé”, oui “mais rien faire c’est la conserver”, selon Henri Salvador. Au “je ne veux pas travailler” de Guillaume Appolinaire, mis en chanson par Pink Martini, répond le “Faut que je travaille” de Princess Erika. Pas plus convaincu que ça.
“Vous ne détestez pas le lundi, vous détestez la domination au travail” : c’est le titre du dernier essai de Nicolas Framont, sociologue, rédacteur en chef de Frustration Magazine et auteur de “Parasites”, édité, comme ce dernier ouvrages, par Les liens qui libèrent. Pourquoi le mal-être au travail s’amplifie-t-il ? Jusqu’où le gouvernement et le patronat iront-ils pour décourager les arrêts maladie, les ruptures conventionnelles et les démissions, qui symbolisent une sorte de défiance vis-à-vis du salariat, très perceptible chez les plus jeunes. La valeur travail est-elle vraiment ancrée au sein des classes populaires ? Et le “droit à la paresse” n’est-il pas une revendication de bobos déconnectés ? Entretien avec Théophile Kouamouo.
Visibilité Publique
Publié originellement 26/10/2024 - Catégorie Actualité & Politique
Licence Inconnu - Langue Français
Étiquettes Durée 30min 40sec - 1 Comment
*Tr.: ... souffrance au travail ... typologie du chef ... chef bureaucratique ... obéir ... chef tyranique ... la droite est anti-humaniste ... valeur travail, terme bourgeois ...
Manon Loisel : « Il faut en finir avec la démocratie participative, qui accentue la crise qu’elle prétend résoudre » - Le 13 Avril 2024 | Alternatives Economiques
13 min
Manon Loisel Consultante en stratégies territoriales et enseignante à l’Ecole Urbaine de SciencesPo
Convention citoyenne pour le climat, grand débat post-gilets jaunes, budgets participatifs, conseils de quartier, enquête publique, réunions publiques, panels citoyens… les dispositifs de démocratie participative se sont multipliés ces dernières années. Leur objectif : répondre à la crise de la démocratie représentative matérialisée par la progression de l’abstention. La participation des citoyens à la fabrique des politiques publiques est ainsi présentée comme un remède à leur désintérêt croissant pour le vote.
Ces dispositifs sont cependant largement critiqués par les chercheurs, à la fois en raison de leur fonctionnement et de leur instrumentalisation fréquente par les élus. Dans un ouvrage récent, Pour en finir avec la démocratie participative (Ed. Textuel), Manon Loisel et Nicolas Rio en appellent donc à mettre fin à la « fuite en avant participative ». A la fois chercheurs (ils sont politistes à Sciences Po) et acteurs de terrain (ils ont cofondé Partie prenante, une agence de conseil aux collectivités locales), ils déplorent les limites de la démocratie participative et plaident pour une démocratisation de l’action publique qui déborde largement le champ des élections.
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anti-redistributif ... sont surtout investis par ceux que qui sont parfois surnommés les « TLM » (Toujours les mêmes). Anciens élus, citoyens engagés, leaders associatifs… ces profils très marqués socialement s’emparent seuls de ces dispositifs. Je défie n’importe qui de trouver un abstentionniste dans une réunion publique ... renforcer la « présentocratie », le pouvoir de ceux qui peuvent se rendre disponibles pour débattre de questions politiques, et ne parvient donc pas à faire entendre les sans-voix. Pire, elle essentialise la parole « des citoyens » à partir de la participation de seulement quelques-uns d’entre eux, très minoritaires en nombre et très peu représentatifs ... générer de l’espoir chez les participants… et donc des désillusions lorsqu’ils n’ont pas de traduction politique ... L’impératif de participation a pris la forme d’une injonction bureaucratique. ... sont intrinsèquement dysfonctionnels, notamment parce qu’ils sont incapables de faire émerger la parole des sans-voix. Où entend-on ceux qui ne votent pas et qui ne prennent jamais la parole dans le débat public ? Souvent dans les mouvements sociaux spontanés comme les gilets jaunes. Parfois dans les manifestations ou dans des collectifs qui échappent largement aux autorités. Parfois aussi dans la presse. Mais jamais dans des dispositifs de démocratie participative. Il est difficile pour les élus d’écouter ces sans-voix dans la mesure où ils n’ont aucun crédit électoral à en tirer. ... La vraie démocratie, c’est l’existence de toute une série de contre-pouvoirs qui agissent comme des filtres successifs. La loi Immigration l’a montré récemment : le Parlement a joué un rôle, le Conseil constitutionnel aussi. D’autres filtres (syndicats, acteurs de l’éducation populaire, manifestants…) sont, ces dernières années, régulièrement évincés, voire réprimés, ce qui affaiblit dangereusement la démocratie en excluant du débat des publics qui n’existent que grâce à eux. Aujourd’hui, qui peut porter la voix des plus marginalisés si ATD Quart Monde n’est pas associée à la politique de lutte contre la pauvreté ? Cette association a une pratique très aboutie du recueil de l’expérience des sans-voix. Mais elle n’est pas sérieusement considérée au niveau national.
Comment faire émerger la parole de ces sans-voix ?
M. L. : Je disais précédemment qu’il est fondamental que les élus accordent plus de crédit et d’attention aux expériences de vie des citoyens, en rééquilibrant leur poids par rapport aux experts. Le cas des zones à faible émission (ZFE) est un bon exemple2. Face à cette mesure, les citoyens les plus pauvres expriment un sentiment d’injustice. Il est très présent dans les médias locaux ou sur les pages Facebook locales qui ne sont pas gérées par des institutions. Mais au niveau politique, c’est l’expertise qui l’emporte. Il ne s’agit pas de dire qu’il ne faut pas faire les ZFE. Mais que les difficultés qu’elles rencontrent aujourd’hui [leur mise en place a été repoussée dans de nombreuses villes, y compris dans des métropoles à majorité écolo, NDLR] auraient pu être évitées en tenant davantage compte des ressentis des ménages modestes. ... écouter des acteurs au profil social différent. Par exemple, un actif périurbain modeste qui vient tous les jours travailler en voiture en ville. Ou encore une personne qui souffre d’asthme et vit proche du périphérique. Plutôt qu’avoir deux élus qui viennent à une réunion publique écouter d’une oreille les conclusions de 100 personnes déjà très investies dans la vie locale, mieux vaut 100 élus qui écoutent avec leurs deux oreilles les récits de vie de deux personnes qui n’ont jamais voix au chapitre. ... Prétendre écouter tout le monde sans distinction, c’est faire fi de tous les mécanismes de domination qui parcourent la société. Le combat pour la parité homme-femme en est l’illustration. C’est en objectivant et en contestant la surreprésentation des hommes que les féministes sont parvenues à la réduire. La parité montre que pour entendre l’ensemble des citoyens, il ne suffit pas de redoubler d’efforts pour aller vers les inaudibles. Il faut aussi restreindre la place accordée à ceux qui s’expriment déjà. ... Le problème de la transition écologique, c’est notre crise démocratique. Comme notre système met les classes populaires hors jeu, la transition devient technocratique et fait l’objet d’un retour de bâton important. Si notre démocratie était plus fonctionnelle, on peut penser que la redistribution des richesses serait plus importante. La mise en place d’une taxe carbone ou de ZFE serait alors beaucoup mieux acceptée puisque les plus riches seraient davantage mis à contribution.
Aujourd’hui, nombre de mesures écologiques apparaissent injustes, car elles ne frappent pas vraiment les riches qui peuvent facilement les contourner (en achetant une grosse voiture électrique pour s’adapter aux ZFE par exemple) ou les assumer (en pouvant se permettre de payer le carburant plus cher dans le cas d’une hausse de la taxe carbone).
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les lobbies ... l’administration. Cette dernière est souvent vue comme un espace « apolitique », où des techniciens appliquent les politiques décidées par les élus. En réalité, les deux millions d’agents publics qui travaillent dans les collectivités locales ont un poids politique important. C’est particulièrement vrai dans les plus petites d’entre elles, où les élus sont souvent des retraités bénévoles aux connaissances techniques limitées. Dans ces cas-là, il n’est pas rare de voir les techniciens choisir les orientations politiques, car ils considèrent que leurs élus ne font pas le travail. ... la technicité de certains dossiers est telle que les agents jouent forcément un rôle central. Sans parler des cabinets de conseil privés qui ont une influence de plus en plus importante mais ne rendent de comptes à personne ... Démocratiser l’action publique, c’est faire entrer dans l’arène politique tous ces acteurs. ... désacraliser la fonction de l’élu qui décide de tout. Le travail d’un élu, ce n’est pas que de décider, c’est d’écouter et de représenter tous les citoyens, et notamment les absents. Plutôt que de valoriser la figure de l’élu, il faudrait préférer la figure du représentant.
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utiliser le tirage au sort comme une réponse à la hausse de l’abstention électorale et à la baisse de la représentativité des élus. Si l’on se base sur les élections législatives de 2022, qui déterminent la composition de l’Assemblée nationale, on pourrait procéder de la façon suivante : 46 % des sièges seraient attribués à des élus, sur le modèle actuel. Cette proportion correspond au taux de participation lors de ce scrutin. Les 54 % des sièges restants seraient accordés à des citoyens tirés au sort, de quoi représenter mathématiquement les abstentionnistes. Ce tirage au sort serait corrigé des biais sociaux que l’on constate chez les élus.
Bien sûr, un tel changement nécessiterait un accompagnement et des moyens importants. Mais si l’on met un moratoire sur les démarches de démocratie participative et qu’on réalloue les moyens et les personnels qui y sont dédiés, cela peut se faire à moyens constants. On nous rétorquera que ces nouveaux représentants ne seraient pas compétents, mais la compétence technique est moins importante que l’existence de contre-pouvoirs. Pour qu’une discussion sur la relance sur le nucléaire soit démocratique, l’enjeu n’est pas que tous les députés soient des physiciens chevronnés, mais que leur délibération puisse s’appuyer sur des expertises contradictoires produites par plusieurs institutions et corps intermédiaires compétents sur le sujet. ... guérir la démocratie représentative, car elle est à notre avis le moins mauvais des systèmes ... La démocratie participative a de nombreux défauts, comme on vient de le voir. La démocratie directe, de son côté, n’évite pas non plus l’écueil du présentéisme, à l’image de l’expérience de « Nuit debout » il y a quelques années. La transformation de nos institutions ne viendra pas d’une autre démocratie mais d’une exigence renouvelée sur la mise en pratique de ses principes théoriques.
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Au-delà de ses racines archaïques, la domination patriarcale s'est progressivement sédimentée à travers des institutions historiques spécifiques. Ainsi, les processus de domestication, l'émergence de la propriété privée et des premières organisations étatiques, l'imposition d'un modèle familial patriarcal, sont venus renforcés la différenciation sexuée et l'oppression féminine.
« Au meilleur de ses capacités, l’histoire est à mon avis la discipline la plus subversive parce qu’elle nous révèle comment les choses que nous tenons pour évidentes sont réellement advenues » James C. Scott
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Sédentarisation, révolution agricole et accentuation de l’exploitation
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Avec la sédentarisation, « c’est l’ensemble du vivant qui se trouve domestiqué : paysages, animaux, plantes, mais aussi êtres humains, dont l’organisation socio-économique apparaît de plus en plus genrée » (Christelle Taraud)
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Emergence de la propriété, des inégalités statutaires et d’un ordre idéologique patriarcal
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Une organisation familiale patriarcale
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« Parce qu’il voulait, le pater - patriarcat oblige-, que son patrimoine soit transmis à son fils, plutôt qu’au fils du voisin, ou du facteur ou du plombier…Cette obsession patrimoniale l’a conduit à contrôler, de fond en comble et surtout de « con en fomble », comme disait Boris Vian, l’accès au sexe de leur femme….Le pater a si bien assumé ce rôle qu’il est devenu…le roi des cons » (Dany-Robert Dufour)
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Émergence de l’État et domestication patriarcale
"Distinguons donc deux modes de relations, que nous appellerons, faute de mieux, la relation de sujet à objet et celle de sujet à sujet. Il s'agit de deux grandes familles d'attitudes que nous sommes capables d'adopter vis-à-vis de l'autre, quel qu'il soit, et qui mobilisent des facultés cognitives distinctes. Dans le premier mode de relation, lorsque l'autre se voit attribuer un statut d'objet, sa valeur à nos yeux ne dépend que des services qu'il peut nous rendre. Nous le faisons entrer dans un calcul utilitaire de type coût/bénéfice dont le résultat détermine notre attitude à son égard. Dans les relations de sujet à sujet, au contraire, l'autre dispose d'une valeur intrinsèque, indépendant de nos intérêts. Nous lui reconnaissons une forme d'intériorité et nous tenons spontanément compte de son point de vue, de son tempérament et de ses motivation" Alessandro Pignocchi, "Mythopoïèse"
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« en Mésopotamie, au troisième millénaire avant notre ère, un idéogramme signifiant « esclave » combinait le signe de la « montagne » avec le signe de la « femme », en référence aux femmes capturées lors d’incursions militaire dans les hautes terres ou peut-être troquées par des trafiquants d’esclaves en échange de biens marchands ».
« A Uruk, la seule institution esclavagiste importante et documentée semble avoir été les ateliers textiles supervisés par l’État, qui employaient jusqu’à neuf mille femmes (…) Les rangs de la main-d’œuvre textile étaient essentiellement peuplés de femmes et de jeunes gens capturés en temps de guerre, ainsi que des épouses et des enfants de sujets endettés ».
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le patriarcat serait une des conditions nécessaires à la création des bureaucraties étatiques, à travers un processus conduisant de sociétés relativement égalitaires à des organisations sociales complexes, au sein desquelles règnent la violence organisée, les inégalités de classe, la domination masculine instituée, etc., - le tout enrubanné dans un récit justifiant cet état de fait, de nature à la fois juridique, politique et théologique. Au final, l’évolution de la reproduction communautaire et des structures de production s’accompagne d’une coercition masculine qui devient collective, intégrée dans des corpus discursifs et idéologiques, ou des injonctions sociales instituées, au-delà de toute implication biologique, physiologique, éthologique ou cognitive.
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du côté de la sphère publique, les femmes se voient réduites à l’état de biens consommables et de marchandises : « l’échange de femmes entre des groupes voisins a longtemps fait partie des négociations politiques dans les sociétés patriarcales ».
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Institution de l’inégalité et de la domination
... cette matrice patriarcale primaire ayant permis l’extension tragique de la coercition féminine et l’instauration de gradients d’humanité est sans doute le ferment de toutes les formes ultérieures de domination, d’asservissement, d’exploitation, etc. Dès lors, comment ne pas souscrire à ces questionnements formulés par David Graeber et David Wengrow : « pourquoi Homo Sapiens a-t-il laissé s'installer des systèmes inégalitaires rigides et permanents après avoir monté et démonté des structures hiérarchiques pendant des millénaires ? » « Comment avons-nous pu renoncer à une si grande part de la souplesse et de la liberté qui semblaient caractériser nos premières sociétés pour finir englués dans des relations de domination et de subordination permanentes ? ».
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la sphère du soin s’est sans doute trouvée pervertie et détournée pour devenir un fondement de la coercition
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La marchandisation de l’humain permet un passage de la domination, ou de l’oppression, à l’exploitation
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DOCUMENTAIRE duration 52 minutes - Disponible du 17 avril 2023 au 16 mai 2023
À lui seul, Frantz Fanon incarne toutes les problématiques de l'Histoire coloniale française. Résistant martiniquais, il s'engage, comme des millions de soldats coloniaux, dans l'Armée Libre par fidélité à la France et à l'idée de liberté qu'elle incarne pour lui. Écrivain, il participe au bouillonnement de la vie de Saint-Germain avec Césaire, Senghor ou encore Sartre, débattant sans relâche sur le destin des peuples colonisées. Médecin, il révolutionne la pratique de la psychiatrie allant chercher dans les rapports de domination des sociétés coloniales les fondements des pathologies de ses patients de Blida. Militant, il rassemble par son action et son histoire, les colères des peuples écrasés par des siècles d'oppression coloniale.
Mais au-delà de ce parcours exceptionnel qui rend sensible la permanence du colonialisme français des petites Antilles aux portes du désert algérien, il laisse une oeuvre incomparable qui lui vaut d'être aujourd'hui l'un des auteurs français les plus étudiés Outre-Atlantique.
auteur Victor Court, Enseignant-chercheur en économie à IFP School, IFP Énergies nouvelles
Déclaration d’intérêts
Victor Court est membre de la chaire « Énergie & Prospérité » et chercheur associé au Laboratoire Interdisciplinaire des Energies de Demain (LIED, Université Paris Cité). Les opinions exprimées dans ces pages n’engagent que leur auteur, elles ne reflètent en aucun cas le point de vue des institutions auxquelles il est affilié.
Avec la fin du capitalisme, la fin de la destruction de notre environnement ? Shutterstock
Alors que les impératifs de sobriété et de décarbonation se font de plus en plus pressants, les pays restent dans leur immense majorité extrêmement dépendants des ressources fossiles, dont la combustion à l’échelle mondiale aggrave et accélère la crise climatique. Dans « L’Emballement du monde », qui vient de paraître aux éditions Écosociété, l’ingénieur et économiste Victor Court propose d’explorer les liens historiques entre énergie et domination au sein des sociétés humaines. L’extrait que nous vous proposons ci-dessous se consacre plus particulièrement à l’examen critique du concept de « Capitalocène », proposé par le chercheur et militant suédois Andreas Malm, pour identifier les responsables du réchauffement climatique.
Le concept d’Anthropocène suggère que toutes les actions humaines peuvent être instantanément subsumées sous une activité globale dont l’empreinte affecte la biogéosphère. Il fabrique ainsi une humanité abstraite, aussi uniformément concernée que responsable.
Ce grand discours est problématique, car, s’il est certain que tous les humains vont subir les conséquences du dérèglement climatique et de l’effondrement de la biodiversité (dans des proportions très différentes cependant), il est impossible au regard de l’histoire d’affirmer que tous les membres de l’humanité partagent le même degré de responsabilité dans ce désastre.
Un Nord-Américain ne peut pas être aussi responsable des bouleversements du système Terre qu’un Kenyan qui consomme en moyenne 30 fois moins de matières premières et d’énergie que lui.
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Connu / https://mastodon.top/web/@tompostprod/109332320810214017
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Thomas Lavergne @tompostprod@mastodon.top
« Mettre le capitalisme à l’arrêt est donc une condition nécessaire, mais non suffisante pour instaurer un vivre humain qui demeurerait à l’intérieur des limites du système Terre. »
Victor Court
Rares sont les articles qui résument aussi bien l’impasse dans laquelle on est.
12 nov. 2022, 19:47 · · Metatext · 0 · 1
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Le concept de France Périphérique permet aux classes dominantes de s'effacer derrière une lecture spatiale des inégalités et domination.
Connu / TG 11/09/22 À 17:32
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1 – La bourgeoisie dilue son immense responsabilité dans une culpabilisation de masse
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2 – Les petits gestes du quotidien pour ne pas parler des leviers politiques et économiques
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3 – Une écologie au service de la domination de classe
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4 – Contre l’écologie bourgeoise…. l’écologie !
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Il n’y a pas à choisir entre une politique sociale, un horizon révolutionnaire ou l’écologie : les trois vont ensemble et sont la plus sûre façon de sauver notre planète et de nous sauver nous.
Nicolas Framont
Clés : Amérique du Nord ; Discriminations ; Répression
Comme tous les mercredi, Camille et ses invités du jour l'avocate Caroline Mécary, le journaliste Alexis ainsi que la sémiologue Élodie Mielczareck sont de retour pour un sixième épisode des Masques et la tune ! Pour cette nouvelle émission : "Minneapolis : point de départ d'une révolution ?" nous allons donc discuter de la situation aux USA, ainsi que des rapprochement possibles avec la France, ainsi que d'un gros ras le bol contre le racisme et les violences de la polices de Paris à New-York !
"I can't breathe", "we want justice" "fuck Donald Trump", depuis plusieurs jours, la situation est explosive aux USA. Mais pourquoi est ce que la situation explose ainsi maintenant alors que les meurtres contre la communauté noire aux États-Unis durent depuis longtemps et ont été largement médiatisés aussi ? Qu'est ce qui explique un tel embrasement cette fois ci ? Qu'est ce que ça dit de la société américaine d'aujourd'hui ? Et sur quoi va déboucher ce mouvement de personnes qui semblent très déterminées face à un Donald Trump qui montre les muscles, surenchérit, et envoie l'armée dans les rues américaines contre son peuple ?
Nous tenterons de répondre à ces interrogations, puis nous feront le rapprochement avec la France et un rejet de la police qui dure et crée aussi beaucoup de tension, avec comme point d'orgue le rassemblement pacifique d'hier porte de Clichy en soutien à Adama Traoré.
Enfin, nous parlerons des mots et termes utilisés et de ce qu'ils révèlent. Qu'est ce que la violence ? Est elle légitime ? Qui est légitime à l'utiliser ? C'est quoi un casseur ? Comment le système médiatique et politique qualifie la dissidence pour la disqualifier, bref, nous rentrerons plus dans le fond de la question de la légitimité et de la pertinence à utiliser des méthodes violentes, ou illégales.
Visible aussi à https://my.framasoft.org/u/ind1ju/?wYgdSw / peertube
Auteur Guillaume Gamblin Année de publication 2019
Cet article est paru dans "Pour une europe verte et jaune" Alternatives non-violentes - Revue
Des marches pour la paix aux luttes des objecteurs de conscience, de la Turquie à la France, Pinar Selek n’a cessé de s’engager pour la paix et contre toutes les formes de violence.
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Dans le contexte d’une République qui s’est construite sur le génocide des Arméniens, sur le massacre des Kurdes et sur l’expulsion des Grecs, ainsi que sur un triple coup d’État en 1960, 1971 puis 1980, le militarisme d’État est une réalité incontournable en Turquie.
Condamnation à mort d’étudiant.e.s pacifistes, emprisonnement et meurtre de syndicalistes sont une réalité. Dans cet espace saturé de violence, l’extrême gauche révolutionnaire armée trouve une place et une légitimité. À partir de 1984, le mouvement kurde devient armé lui aussi. Dans les années 1980, dans un contexte où les mouvements de gauche classiques ont été laminés, d’autres formes de pensée et d’action politiques se développent. « La mouvance féministe a émergé, puis il y a eu le mouvement LGBTI, les antimilitaristes… »1
Le militarisme, c’est aussi la discipline, la contrainte et la hiérarchie. C’est pourquoi « c’est dans le milieu anarchiste qu’ont été créés les premiers collectifs antimilitaristes en Turquie et la lutte pour l’objection de conscience. »
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En 1996, Pinar, étudiante, réalise une recherche de sociologie sur le mouvement armé kurde. « J’ai choisi ce sujet parce qu’il y avait une guerre en Turquie et qu’il était anormal que les sociologues ne pensent pas le pourquoi de cette guerre, quelles sont les causes sociales, les ressources de ces mobilisations. »
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En 1998, elle est emprisonnée puis torturée par les autorités qui cherchent à lui faire avouer les noms des personnes kurdes dont elle a recueilli les témoignages pour cette recherche. Pinar refuse de parler et est incarcérée durant deux ans. On l’accuse alors d’avoir perpétré un attentat terroriste. En prison, Pinar écrit un livre sur l’antimilitarisme. À sa publication en 2004, Abdullah Öcalan, le leader du PKK, le lit en prison. Il déclare que ce texte l’a éclairé et qu’il appelle Pinar Selek à aider le mouvement kurde à s’orienter dans la construction de la paix.
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Elle participe à la création et à l’animation d’Amargi (« Liberté » en langue sumérienne), une « coopérative féministe » qui regroupe des femmes qui se sentent parfois marginales par rapport aux coutants dominants du féminisme. L’un de leurs constats de base est que, subissant toutes les effets du patriarcat, elles ne sont pas pour autant égales entre elles : « Être lesbienne, kurde, arménienne ou pauvre, ce n’est pas la même chose. » Amargi organise des actions, publie une revue théorique diffusée à 3 000 exemplaires et ouvre une librairie féministe.
Pinar devient amie avec Hrant Dink, journaliste arménien engagé pour la paix. Celui-ci meurt assassiné en 2007, du fait de ses positions critiques et non-violentes bénéficiant d’une audience de plus en plus forte au sein de la société turque.
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étude sur le service militaire et sur son rôle dans la construction de la masculinité hégémonique. Elle s’attaque par là à l’un des fondements de l’obéissance à l’État et de l’ordre social. Devenir homme en rampant, publié en 2008, connaît un grand retentissement.
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s’exile en 2009 pour l’Allemagne, du jour au lendemain. En 2011, elle vient s‘installer en France où elle va obtenir le statut de réfugiée politique puis la nationalité française ... -> Collectifs de solidarité avec Pinar Selek http://pinarselek.fr/
- Les citations sans référence sont de Pinar Selek.
Gamblin Guillaume, L'insolente. Dialogue avec Pinar Selek, Editions Cambourakis/Silence, 2019, 220 p., 20 €.
L’activiste Juliette Rousseau parle des limites de la non-violence, de son attachement à la Zad de Notre-Dame-des-Landes, et des nécessaires solidarités entre féministes, antiracistes, écologistes... Et rappelle la « sacrée dose d’amour » qui rend le combat et la joie possibles.
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autrice de Lutter ensemble. Pour de nouvelles complicités politiques (Éd. Cambourakis, 2018) et ancienne porte-parole de la Coalition climat 21, collectif de la société civile créé en 2014 pour préparer la Cop 21. Elle est aussi membre du conseil d’administration d’Attac.
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a grandi À Martigné-Ferchaud, en Bretagne. Cette commune enclavée est la plus pauvre d’Ille-et-Vilaine. De plus en plus de familles monoparentales y arrivent par dépit, attirées par les loyers peu chers. C’est une campagne très endommagée par l’agriculture conventionnelle.
J’y suis très attachée. Mes parents, soixante-huitards, s’y sont installés à la fin des années 1970 pour expérimenter un mode de vie plus autonome. C’était, avec le recul, une démarche peu politique : une envie de travailler moins, de cultiver ses légumes, d’avoir des animaux mais ils n’étaient pas tellement engagés dans des luttes et peu en lien avec le territoire. Ils ont vécu en communauté un moment et, quand je suis née, ils commençaient à rentrer dans le moule.
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Les Gilets jaunes se sont mobilisés à partir de leur expérience du quotidien, parce qu’ils n’acceptaient plus ce qui se passait dans leur vie.
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La lutte a été gagnée parce que toutes ses composantes, toutes les façons de lutter étaient là et ont cohabité, même si cela ne s’est pas fait sans difficultés.
Après la Cop 21, vous vous êtes vous-même tournée vers Notre-Dame-des-Landes...
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organisation des luttes sous l’angle des rapports de domination
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l’écoféminisme, avec des amies comme Jade Lindgaard, Laurence Marty, Isabelle Cambourakis ou encore Émilie Hache. L’écoféminisme m’a permis de considérer que le féminisme pouvait être un terrain de lutte. Il a été un outil dans ma réflexion sur l’imbrication des dominations, de la dichotomie nature-culture et du patriarcat. Ça a aussi été pour moi une façon de me situer en tant que femme dans les luttes écolos. De dire que ce que je vis au quotidien en tant que femme, les conditions faites aux femmes dans ce monde, ne sont pas dissociables de la lutte qu’on mène pour l’écologie, tout cela tient de l’écrasement et de l’annihilation du vivant.
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se reconnaître mutuellement, et quand on est d’une lutte plus visible, partager cette visibilité avec d’autres. Après il y a évidemment la solidarité concrète. Pour ce qui est de la répression par exemple, des centaines et des centaines de personnes ont été jugées en comparution immédiate dans le cadre du mouvement des Gilets jaunes. Elles ont été beaucoup moins visibles que celles qui ont perdu un œil ou une main. Or, elles ont aussi besoin d’un accompagnement pour trouver un avocat, d’argent pour le payer, ainsi que d’éventuelles amendes… C’est aussi le cas de nombreux collectifs Vérité et Justice à travers le pays, tous appellent au soutien du mouvement social, et certains souffrent beaucoup d’être tenus dans l’invisibilité.
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plus de complicité interpersonnelle, comme organiser des actions ensemble et assumer de prendre des risques, ce qui ne peut venir que dans un second temps.
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Il y a un enjeu très fort à s’opposer aux multiples systèmes d’oppression, et à ne jamais oublier qu’ils se renforcent les uns les autres. On peut débattre pour savoir qui du capitalisme, du colonialisme ou du patriarcat a engendré les autres. Mais négliger de les voir dans l’ensemble pour ne s’intéresser qu’à un seul revient à perdre à la fin. Il suffit de voir comment le féminisme ou l’écologie peuvent être repris à leur compte par des groupes ouvertement racistes et réactionnaires. Il nous faut construire des espaces de lutte et des solidarités politiques qui reflètent cette conscience des multiples dominations. Je ne crois pas qu’on puisse attaquer l’ensemble du système depuis une seule position, mais que nous devons nous lier pour l’attaquer ensemble depuis nos différentes positions.
Il vaut mieux ne pas essayer d’aller soutenir les autres si on n’en est pas convaincu et qu’on est dans une logique universaliste – cette tendance extrêmement forte dans le mouvement social en France à être persuadé que partant d’où on part, on est en capacité d’avoir une lecture globale de ce qui se passe dans le monde, de ce qu’il faudrait faire en matière de lutte et de ce à quoi ressemblerait l’émancipation.
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ces espaces ont compris la question des oppressions. Parmi les personnes les plus marginalisées se trouvent celles qui ont l’intérêt le plus fort et le plus immédiat à changer la société et en ont souvent une lecture plus fine que les personnes en position de centralité.
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rompre, dans nos façons de lutter et de vivre, la dichotomie entre espace public et espace privé. D’amener plus de justice, d’autonomie et d’émancipation dans les communautés humaines et les territoires que nous habitons. À travers les luttes, j’ai côtoyé des personnes qui subissent des choses très difficiles : homophobie, transphobie, racisme, violences des frontières et de la police, violences sexuelles… C’est pourtant dans ces espaces-là que j’ai trouvé le plus de joie.
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Lire aussi : Jade Lindgaard : « Un journalisme de transformation sociale me paraît vital » https://reporterre.net/Jade-Lindgaard-Un-journalisme-de-transformation-sociale-me-parait-vital
Dans une tribune publiée par le journal Le Monde (20/11/2018), le sociologue Pierre Merle écrit que « le mouvement des « gilets jaunes » rappelle les jacqueries de l’Ancien Régime et des périodes révolutionnaires ». Et il s’interroge: « Les leçons de l’histoire peuvent-elles encore être comprises ? »
Je suis convaincu, moi aussi, qu’une mise en perspective historique de ce mouvement social peut nous aider à le comprendre. C’est la raison pour laquelle le terme de « jacquerie » (utilisé par d’autres commentateurs et notamment par Eric Zemmour, l’historien du Figaro récemment adoubé par France Culture dans l’émission d’Alain Finkielkraut qui illustre parfaitement le titre de son livre sur « la défaite de la pensée ») ne me paraît pas pertinent.
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Dans mon Histoire populaire de la France, j’ai montré que tous les mouvements sociaux depuis le Moyen Age avaient fait l’objet d’une lutte intense entre les dominants et les dominés à propos de la définition et de la représentation du peuple en lutte.
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J’ai montré dans mon livre, en m’appuyant sur des analyses de Pierre Bourdieu, que la Réforme protestante avait fourni aux classes populaires un nouveau langage religieux pour nommer des souffrances qui étaient multiformes. Les paysans et les artisans du XVIe siècle disaient : « J’ai mal à la foi au lieu de dire j’ai mal partout ». Aujourd’hui, les gilets jaunes crient « j’ai mal à la taxe au lieu de dire j’ai mal partout ». Il ne s’agit pas, évidemment, de nier le fait que les questions économiques sont absolument essentielles car elles jouent un rôle déterminant dans la vie quotidienne des classes dominées. Néanmoins, il suffit d’écouter les témoignages des gilets jaunes pour constater la fréquence des propos exprimant un malaise général.
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« Avoir mal partout » signifie aussi souffrir dans sa dignité. C’est pourquoi la dénonciation du mépris des puissants revient presque toujours dans les grandes luttes populaires et celle des gilets jaunes n’a fait que confirmer la règle. On a entendu un grand nombre de propos exprimant un sentiment d’humiliation, lequel nourrit le fort ressentiment populaire à l’égard d’Emmanuel Macron. « Pour lui, on n’est que de la merde ». Le président de la République voit ainsi revenir en boomerang l’ethnocentrisme de classe que j’ai analysé dans mon livre.
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La première différence avec les « jacqueries » médiévales tient au fait que la grande majorité des individus qui ont participé aux blocages de samedi dernier ne font pas partie des milieux les plus défavorisés de la société. Ils sont issus des milieux modestes et de la petite classe moyenne qui possèdent au moins une voiture. Alors que « la grande jacquerie » de 1358 fut un sursaut désespéré des gueux sur le point de mourir de faim, dans un contexte marqué par la guerre de Cent Ans et la peste noire.
La deuxième différence, et c’est à mes yeux la plus importante, concerne la coordination de l’action. Comment des individus parviennent-ils à se lier entre eux pour participer à une lutte collective ? Voilà une question triviale, sans doute trop banale pour que les commentateurs la prennent au sérieux. Et pourtant elle est fondamentale. A ma connaissance, personne n’a insisté sur ce qui fait réellement la nouveauté des gilets jaunes : à savoir la dimension d’emblée nationale d’un mouvement spontané. Il s’agit en effet d’une protestation qui s’est développée simultanément sur tout le territoire français (y compris les DOM-TOM), mais avec des effectifs localement très faibles. Au total, la journée d’action a réuni moins de 300 000 personnes, ce qui est un score modeste comparé aux grandes manifestations populaires. Mais ce total est la somme des milliers d’actions groupusculaires réparties sur tout le territoire.
Cette caractéristique du mouvement est étroitement liée aux moyens utilisés pour coordonner l’action des acteurs de la lutte. Ce ne sont pas les organisations politiques et syndicales qui l’ont assurée par leurs moyens propres, mais les « réseaux sociaux ». Les nouvelles technologies permettent ainsi de renouer avec des formes anciennes « d’action directe », mais sur une échelle beaucoup plus vaste, car elles relient des individus qui ne se connaissent pas. Facebook, twitter et les smartphones diffusent des messages immédiats (SMS) en remplaçant ainsi la correspondance écrite, notamment les tracts et la presse militante qui étaient jusqu’ici les principaux moyens dont disposaient les organisations pour coordonner l’action collective ; l’instantanéité des échanges restituant en partie la spontanéité des interactions en face à face d’autrefois.
Toutefois les réseau sociaux, à eux seuls, n’auraient jamais pu donner une telle ampleur au mouvement des gilets jaunes. Les journalistes mettent constamment en avant ces « réseaux sociaux » pour masquer le rôle qu’ils jouent eux-mêmes dans la construction de l’action publique. Plus précisément, c’est la complémentarité entre les réseaux sociaux et les chaînes d’information continue qui ont donné à ce mouvement sa dimension d’emblée nationale. Sa popularisation résulte en grande partie de l’intense « propagande » orchestrée par les grands médias dans les jours précédents. Parti de la base, diffusé d’abord au sein de petits réseaux via facebook, l’événement a été immédiatement pris en charge par les grands médias qui ont annoncé son importance avant même qu’il ne se produise. La journée d’action du 17 novembre a été suivie par les chaînes d’information continue dès son commencement, minute par minute, « en direct » (terme qui est devenu désormais un équivalent de communication à distance d’événements en train de se produire). Les journalistes qui incarnent aujourd’hui au plus haut point le populisme (au sens vrai du terme) comme Eric Brunet qui sévit à la fois sur BFM-TV et sur RMC, n’ont pas hésité à endosser publiquement un gilet jaune, se transformant ainsi en porte-parole auto-désigné du peuple en lutte. Voilà pourquoi la chaîne a présenté ce conflit social comme un « mouvement inédit de la majorité silencieuse ».
Une étude qui comparerait la façon dont les médias ont traité la lutte des cheminots au printemps dernier et celle des gilets jaunes serait très instructive. Aucune des journées d’action des cheminots n’a été suivie de façon continue et les téléspectateurs ont été abreuvés de témoignages d’usagers en colère contre les grévistes, alors qu’on a très peu entendu les automobilistes en colère contre les bloqueurs.
Je suis convaincu que le traitement médiatique du mouvement des gilets jaunes illustre l’une des facettes de la nouvelle forme de démocratie dans laquelle nous sommes entrés et que Bernard Manin appelle la « démocratie du public » (cf son livre Principe du gouvernement représentatif, 1995). De même que les électeurs se prononcent en fonction de l’offre politique du moment – et de moins en moins par fidélité à un parti politique – de même les mouvements sociaux éclatent aujourd’hui en fonction d’une conjoncture et d’une actualité précises. Avec le recul du temps, on s’apercevra peut-être que l’ère des partis et des syndicats a correspondu à une période limitée de notre histoire, l’époque où les liens à distance étaient matérialisés par la communication écrite. Avant la Révolution française, un nombre incroyable de révoltes populaires ont éclaté dans le royaume de France, mais elles étaient toujours localisées, car le mode de liaison qui permettait de coordonner l’action des individus en lutte reposait sur des liens directs : la parole, l’interconnaissance, etc.
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L’une des questions que personne n’a encore posée à propos des gilets jaunes est celle-ci : pourquoi des chaînes privées dont le capital appartient à une poignée de milliardaires sont-elles amenées aujourd’hui à encourager ce genre de mouvement populaire ? La comparaison avec les siècles précédents aboutit à une conclusion évidente. Nous vivons dans un monde beaucoup plus pacifique qu’autrefois. Même si la journée des gilets jaunes a fait des victimes, celles-ci n’ont pas été fusillées par les forces de l’ordre. C’est le résultat des accidents causés par les conflits qui ont opposé le peuple bloqueur et le peuple bloqué.
Cette pacification des relations de pouvoir permet aux médias dominants d’utiliser sans risque le registre de la violence pour mobiliser les émotions de leur public car la raison principale de leur soutien au mouvement n’est pas politique mais économique : générer de l’audience en montrant un spectacle.
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Au-delà de ces enjeux économiques, la classe dominante a évidemment intérêt à privilégier un mouvement présenté comme hostile aux syndicats et aux partis. Ce rejet existe en effet chez les gilets jaunes. Même si ce n’est sans doute pas voulu, le choix de la couleur jaune pour symboliser le mouvement (à la place du rouge) et de la Marseillaise (à la place de l’Internationale) rappelle malheureusement la tradition des « jaunes », terme qui a désigné pendant longtemps les syndicats à la solde du patronat. Toutefois, on peut aussi inscrire ce refus de la « récupération » politique dans le prolongement des combats que les classes populaires ont menés, depuis la Révolution française, pour défendre une conception de la citoyenneté fondée sur l’action directe. Les gilets jaunes qui bloquent les routes en refusant toute forme de récupération des partis politiques assument aussi confusément la tradition des Sans-culottes en 1792-93, des citoyens-combattants de février 1848, des Communards de 1870-71 et des anarcho-syndicalistes de la Belle Epoque.
C’est toujours la mise en œuvre de cette citoyenneté populaire qui a permis l’irruption dans l’espace public de porte-parole qui était socialement destinés à rester dans l’ombre. Le mouvement des gilets jaunes a fait émerger un grand nombre de porte-parole de ce type. Ce qui frappe, c’est la diversité de leur profil et notamment le grand nombre de femmes, alors qu’auparavant la fonction de porte-parole était le plus souvent réservée aux hommes. La facilité avec laquelle ces leaders populaires s’expriment aujourd’hui devant les caméras est une conséquence d’une double démocratisation : l’élévation du niveau scolaire et la pénétration des techniques de communication audio-visuelle dans toutes les couches de la société. Cette compétence est complètement niée par les élites aujourd’hui ; ce qui renforce le sentiment de « mépris » au sein du peuple. Alors que les ouvriers représentent encore 20% de la population active, aucun d’entre eux n’est présent aujourd’hui à la Chambre des députés. Il faut avoir en tête cette discrimination massive pour comprendre l’ampleur du rejet populaire de la politique politicienne.
Colibris .#Démocratie #Internet
« Passer de la société de la consommation à la société de la contribution »
Pierre-Yves Gosset est directeur et délégué général de l’association Framasoft. Après un parcours l’ayant amené à travailler en tant qu’ingénieur pédagogique pour plusieurs universités, ainsi qu’au CNRS, il coordonne aujourd’hui les multiples projets de l’association, et notamment la campagne Dégooglisons Internet, ainsi que le projet CHATONS, auquel Colibris s’associe pour promouvoir les « outils libres » et les « communs ». Pierre-Yves nous décrypte ici les enjeux de ce combat pour changer le monde du numérique et nos usages.
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Ce mouvement pour le « libre » et les « communs » est mondial : on sent qu’il y a urgence...
Absolument, car les enjeux sont essentiels pour nos modes de vie. Les GAFAM exercent en réalité une triple domination. Pas seulement une domination technique avec le déploiement de tas de solutions pour l’informatique et Internet, les objets connectés, les voitures autonomes, la robotique, la santé, l’intelligence artificielle, etc. Une domination économique aussi : ce sont les cinq plus grosses capitalisations boursières mondiales, et Google ou Apple disposent chacune de plus de 100 milliards de dollars de trésorerie, ce qui les rend plus puissantes que certains États. Une domination culturelle enfin, puisqu’elles sont aujourd’hui en train de déployer une vision « californienne » (qu’on pourrait qualifier de protestante, blanche, riche, états-unienne, libérale) de ce que doit être le numérique à l’échelle planétaire, influençant largement notre façon de « faire société » – comme le cinéma américain a pu promouvoir « l’American Way of Life » après guerre, mais cette fois d’une façon plus rapide et beaucoup plus efficace.
Brève
Il a suffi d'un portrait dans Le Monde pour déchainer les chiens de garde. L'économiste antilibéral Thomas Porcher se retrouve depuis plusieurs jours la cible d'attaques, notamment de la part de journalistes de medias traditionnels, qui remettent en cause ses compétences d'économiste. Jusqu'à relayer des parodies.
Il ne fait visiblement pas bon plaider pour une ""économie militante"" dans les pages du "Monde". L'économiste antilibéral Thomas Porcher, reçu en 2014 sur notre plateau à propos des particules fines, était l'objet d'un portrait plutôt bienveillant dans les pages du quotidien début août. Un portrait qui lui a rapidement valu, comme au journaliste du "Monde", d'être la cible d'attaques sur Twitter, de la part notamment de journalistes de medias dominants.
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Celui qui, dans les colonnes du "Monde "défend sa forte présence médiatique, est-il échaudé par la levée de boucliers ? ""Pendant des années, o""n a voulu nous faire passer l'idée que l'économie était une science", rétorque-t-il. "Pendant des années des économistes, qui pensaient tous la même chose, ont joué le jeu des médias et relayé cette idée. Moi je pense que c'est bien d'occuper cette place dans les médias, une place de contre-attaque. La preuve, c'est qu'aujourd'hui, si des gens qui ont été à des postes les plus élevés" [dans les médias] "réagissent ""de cette façon-là alors qu'ils ont justement des positions importantes, c'est qu'ils ne supportent pas ça"". Et Thomas Porcher de conclure : ""Le combat est à mener partout : et sur Twitter et dans les débats"". Des débats qui sont loin d'être terminés.
Dossier Expertisons les experts !
Lire aussi
Expertisons les experts !
Emission "La Tête au carré" de Mathieu Vidard sur France-Inter consacrée au livre La Revanche du Rameur de Dominique Dupagne
Voir aussi https://tools.immae.eu/Shaarli/ind1ju?JqRDtQ
Quelques questions/réponses à propos de l'essai de Dominique Dupagne : http://www.larevanchedurameur.com Il y a question de sociologie, de domination, de démarche qualité, de Web 2.0, et d'espoir...
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Actualités et politique
...le hot-desking (hotdesking) est une technique managériale mise au point par nos chers penseurs capitalistes ultra-libéraux pour optimiser l’espace dans les bureaux, et par la même occasion, augmenter la productivité de leurs salariés.
Comment font-ils cela ? Tout simplement en les mettant dans des conditions de concurrence féroces ! Leur arme est simple : afin de faciliter la fluidité – disent-ils – les responsables arrêtent d’installer des postes de travail fixes (cela concerne surtout les entreprises où le télétravail peut fonctionner) et ils ne fournissent des postes de travail que pour 80% des effectifs. En gros, pour 10 salariés, ils n’installent que 8 postes de travail dans les bureaux…
La promesse, c’est de prôner plus de collaboration et de mobilité, mais en réalité, le patronat se dit que la peur d’être inutile fera de ses employés de véritables esclaves corvéables à souhaits. Honteux n’est-ce pas ?
Vous imaginez bien que dans le climat tendu actuel, où l’on nous parle de crise, d’austérité, de chômage, d’efforts à fournir etc., les employés veulent faire du mieux qu’ils peuvent, prouver qu’ils sont valables, efficaces, combatifs.
Lire aussi : Loi Florange : le jour où le droit de travailler est devenu moins constitutionnel...
ndlr : de vice à sévice ?