Un coup dans l’eau pour Valeurs actuelles. La pseudo-fiction illustrée dépeignant Daniele Obono en esclave dans l’Afrique du 18e siècle a suscité un tollé. Parmi de nombreuses réactions, le président de la République et le premier ministre ont assuré la députée de la France insoumise de leur soutien. L’expression de cette indignation était nécessaire, car contrairement à ce que pense l’historien Pierre Nora, la radicalité aujourd’hui n’est pas à gauche, mais à droite. Entre émergence d’un terrorisme suprémaciste blanc, infiltration des services de police par l’extrême-droite, contamination de la gauche républicaine par le racisme islamophobe, radicalisation des chaînes d’info, c’est bien du côté d’une pensée de l’affrontement des civilisations que se joue aujourd’hui la recomposition des forces politiques. Dans ce paysage, la partition assurée par le magazine consiste à multiplier les ballons d’essais et à banaliser les idées qui s’élaborent dans les coulisses de la fachosphère.
...
le racisme négrophobe européen n’a pour seule finalité que d’exonérer les Blancs des crimes de la traite atlantique, en métamorphosant en détermination «naturelle» un destin prescrit par la recherche du profit. A tous ceux qui, comme l’a illustré la polémique sur le retitrage du roman d’Agatha Christie, n’ont pas les idées claires sur la nature du racisme, une synthèse récemment publiée apporte heureusement un éclairage saisissant, et permet de faire la part entre une histoire générale de l’esclavage, mise en avant par l’extrême-droite pour mieux diluer la responsabilité blanche, et la spécificité du «commerce triangulaire»2. Inventée par le Portugal au XVe siècle et développée au cours des siècles suivants, la traite atlantique change fondamentalement la nature du trafic d’êtres humains, industrialisé et rationalisé par le capitalisme naissant, soutenu les Etats et les banques européennes, au point de devenir un facteur essentiel de la richesse et du développement de l’Occident. En cinq siècles, près de 35000 expéditions négrières traversent l’Atlantique, déportant aux Amériques plus de 12 millions d’hommes, de femmes et d’enfants africains, dans des conditions atroces.
Parmi les instruments forgés par les Européens pour effacer une responsabilité qui a toujours été moralement indéfendable, l’invention de la fiction du «nègre» joue un rôle de premier plan, explique Aurélia Michel. Issu du portugais «negro», ce terme n’est pas un simple synonyme péjoratif du mot «noir», mais l’essentialisation de l’Africain comme esclave: «Dès lors, l’association entre peau noire et esclavage est scellée par le vocable et, par extension, fait de l’Afrique le pays des esclaves.»
Selon Aurélia Michel, au moment même où culmine le système esclavagiste et où l’Europe des Lumières promeut la pensée d’une humanité comme un tout, la figure du nègre est la fiction nécessaire «qui représente la destruction permanente de son humanité». Et comme l’esclave se rebelle contre le statut qui lui est imposé, il faut constamment «le négrifier et le renégrifier» – «la fiction nègre est un procédé actif, toujours à refaire».
...
1 Danièle Obono a reproduit l’intégralité du texte sur son compte Facebook. [↩]
2 Aurélia Michel, Un Monde en nègre et blanc. Enquête historique sur l’ordre racial, Paris, Seuil, 2020.
27 405 vues - 4,1 k - 220 - 388 k abonnés
"Black lives matter. Les vies noires comptent. Proclamer la valeur de ces vies si dévalorisées partout dans le monde, y compris en Afrique, au bout de six siècles d’un capitalisme prédateur, c’est affirmer aujourd’hui et ici la primauté de la vie sur le profit. Black lives matter (les vies des noirs comptent). Me Too. Ces slogans crient, au coeur de notre monde où les riches s’enrichissent et les pauvres s’appauvrissent, la puissante aspiration de milliards d’êtres humains à la liberté, à l’égalité et à la fraternité."
.#BlackLivesMatter #Racisme #Nègres
952 commentaires