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Homme de foi et de convictions, le religieux dominicain Bartolomé de Las Casas a proclamé pour la première fois, il y a un demi-millénaire, l'universalité des droits de l'Homme.
Né à Séville, il participe d'abord à la colonisation des Amériques aux côtés de Nicolas de Ovando, lequel a remplacé Christophe Colomb à la tête de la colonie d'Hispaniola (Saint-Domingue) en 1502. Décidé à rompre avec les pratiques coloniales, il entre plus tard dans l'ordre religieux des dominicains. Il est ordonné prêtre à Saint-Domingue puis devient en 1544 évêque de San Cristobal, dans la pauvre province du Chiapas, au Mexique.
Au nom de l'Évangile
... s'indigne du sort fait à ses habitants, les « Indiens » et, pour leur défense, rédige une Très brève relation sur la destruction des Indes qu'il lit à l'empereur Charles Quint, à Burgos, en 1540, en vue de le convaincre de mettre un terme aux exactions des colons et de corriger le système des encomiendas, qu'il connaît bien pour avoir lui-même reçu une encomienda en 1510.
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Las Casas arrive en 1544 à San Cristobal, capitale du Chiapas (aujourd'hui San Cristóbal de Las Casas). Heurtant de front les colons et aussi les Indiens, échouant à convertir ceux-ci par la douceur, il est contraint de quitter son diocèse deux ans plus tard.
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La réalité de la colonisation
À la demande de Charles Quint, Las Casas participe d'août 1550 à avril 1551, à Valladolid, au couvent dominicain de San Gregorio, à une controverse sur le point de savoir si les Indiens doivent être convertis par la contrainte. Contrairement à une idée convenue, nul ne doute qu'ils aient une âme...
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L'empereur, ému par sa plaidoirie, décide de sévir contre les abus en Amérique. Mais les colons protégés par l'éloignement contournent ses injonctions. Tout juste ont-ils su saisir au vol une suggestion malheureuse de Las Casas. Celui-ci, du temps où il était en Amérique, avait proposé de bonne foi de recourir à des travailleurs africains, considérant qu'ils étaient plus aptes que les Indiens au travail dans les plantations (il s'en repentira plus tard, dans son Histoire des Indes publiée en 1560). Ce fut l'origine de la traite atlantique https://www.herodote.net/La_traite_atlantique-synthese-14.php.
Ndlr : quelle ironie de l'histoire...
Un coup dans l’eau pour Valeurs actuelles. La pseudo-fiction illustrée dépeignant Daniele Obono en esclave dans l’Afrique du 18e siècle a suscité un tollé. Parmi de nombreuses réactions, le président de la République et le premier ministre ont assuré la députée de la France insoumise de leur soutien. L’expression de cette indignation était nécessaire, car contrairement à ce que pense l’historien Pierre Nora, la radicalité aujourd’hui n’est pas à gauche, mais à droite. Entre émergence d’un terrorisme suprémaciste blanc, infiltration des services de police par l’extrême-droite, contamination de la gauche républicaine par le racisme islamophobe, radicalisation des chaînes d’info, c’est bien du côté d’une pensée de l’affrontement des civilisations que se joue aujourd’hui la recomposition des forces politiques. Dans ce paysage, la partition assurée par le magazine consiste à multiplier les ballons d’essais et à banaliser les idées qui s’élaborent dans les coulisses de la fachosphère.
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le racisme négrophobe européen n’a pour seule finalité que d’exonérer les Blancs des crimes de la traite atlantique, en métamorphosant en détermination «naturelle» un destin prescrit par la recherche du profit. A tous ceux qui, comme l’a illustré la polémique sur le retitrage du roman d’Agatha Christie, n’ont pas les idées claires sur la nature du racisme, une synthèse récemment publiée apporte heureusement un éclairage saisissant, et permet de faire la part entre une histoire générale de l’esclavage, mise en avant par l’extrême-droite pour mieux diluer la responsabilité blanche, et la spécificité du «commerce triangulaire»2. Inventée par le Portugal au XVe siècle et développée au cours des siècles suivants, la traite atlantique change fondamentalement la nature du trafic d’êtres humains, industrialisé et rationalisé par le capitalisme naissant, soutenu les Etats et les banques européennes, au point de devenir un facteur essentiel de la richesse et du développement de l’Occident. En cinq siècles, près de 35000 expéditions négrières traversent l’Atlantique, déportant aux Amériques plus de 12 millions d’hommes, de femmes et d’enfants africains, dans des conditions atroces.
Parmi les instruments forgés par les Européens pour effacer une responsabilité qui a toujours été moralement indéfendable, l’invention de la fiction du «nègre» joue un rôle de premier plan, explique Aurélia Michel. Issu du portugais «negro», ce terme n’est pas un simple synonyme péjoratif du mot «noir», mais l’essentialisation de l’Africain comme esclave: «Dès lors, l’association entre peau noire et esclavage est scellée par le vocable et, par extension, fait de l’Afrique le pays des esclaves.»
Selon Aurélia Michel, au moment même où culmine le système esclavagiste et où l’Europe des Lumières promeut la pensée d’une humanité comme un tout, la figure du nègre est la fiction nécessaire «qui représente la destruction permanente de son humanité». Et comme l’esclave se rebelle contre le statut qui lui est imposé, il faut constamment «le négrifier et le renégrifier» – «la fiction nègre est un procédé actif, toujours à refaire».
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1 Danièle Obono a reproduit l’intégralité du texte sur son compte Facebook. [↩]
2 Aurélia Michel, Un Monde en nègre et blanc. Enquête historique sur l’ordre racial, Paris, Seuil, 2020.