Loin d’être un inoffensif abandon, la désertion émerge comme une nouvelle stratégie de lutte face aux désastres de l’époque. Pour ses acteurs, il s’agit de « la première brique d’une émancipation collective ».
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le travail est un outil de contrôle social et le capitalisme rêve de nous remettre au pas. Il tente de séduire les classes supérieures avec son « sens washing » [2], sa bienveillance, son côté cool et ses start-up
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40 % des salariés français interrogés — et 50 % des moins de 35 ans — pensent que le mouvement de la grande démission va se produire en France
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grande démission ... est une éthique individuelle, une nouvelle forme d’objection de conscience. « Il s’agit aujourd’hui de cesser de nuire. Cela passe dès maintenant par le fait de cesser de coopérer avec le système, affirme ainsi Corinne Morel Darleux dans son essai Plutôt couler en beauté que flotter sans grâce. Nous devons retrouver notre capacité à faire des choix autonomes, réinvestir notre souveraineté d’individu. C’est la première brique d’une émancipation collective des normes que nous impose la société ».
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« La désertion n’est pas tant une défaite qu’une manière de se défaire de l’élément grégaire en nous », écrit l’écrivain Dénetem Touam Bona, dans La Sagesse des lianes
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« Fuir, mais en fuyant, chercher une arme », écrivait le philosophe Gilles Deleuze
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Pour le collectif des désert’heureuses — un groupe d’ingénieurs en dissidence —, il ne s’agit pas d’abandonner le champ de bataille mais plutôt de changer de camp. La fuite s’impose non plus comme une simple défection mais comme une nouvelle stratégie de lutte. « La désertion est un entraînement mental qui consiste à s’éloigner le plus possible du système, suffisamment pour pouvoir l’observer sous différents angles, et ainsi mieux pouvoir l’attaquer », écrivent-ils dans une brochure.
https://desertheureuses.noblogs.org/files/2022/05/2021-courage-fuyons-desertheureuses-lecture-.pdf
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Une action peut aussi être efficace à l’extérieur. C’est dans les marges que se sont élaborées les promesses du futur. De multiples alternatives le prouvent, comme Notre-Dame-des-Landes. Bruno Latour ne disait-il pas dans une formule provocatrice que « les zadistes sont les instituteurs de l’État » ?
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Comment ne pas se limiter à des initiatives individuelles, trop souvent dispersées et construire une démarche qui soit plus politique ? »
Des pistes s’échafaudent. Partout en France, différents collectifs cherchent à bâtir des points de ralliement pour les fugueurs, des pôles de sécession. La zad de Notre-Dame-des-Landes organisera ainsi des ateliers de la désertion fin août. Une rencontre aura lieu aussi au festival Zadenvie le 8 juillet. Pendant l’été, plusieurs chantiers seront organisés dans différents lieux autonomes, comme aux Lentillères ou dans le Tarn pour inviter les déserteurs à se retrouver.
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réfléchir collectivement à des moyens de subsistance, bricoler son statut entre missions ponctuelles, un métier plus éthique ou les minimas sociaux. « Il y a tout un imaginaire et une éducation à faire voler en éclats, abonde l’ancien ingénieur Olivier Lefebvre. Il faut rompre avec la peur du déclassement, déconstruire le mythe de la carrière. Il faut aussi donner à voir l’existence d’un autre monde, la possibilité d’un en dehors. »
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On s’est formé à l’écoute active, on a créé des groupes de parole pour partager nos difficultés face aux réactions de nos proches et de nos familles. Le soin est important, déserter ne rend pas forcément heureux mais cette démarche rend libre
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Au sein du groupe « Vous n’êtes pas seuls », cocréé par Romain Boucher, un ancien data scientist diplômé de l’École des mines, l’objectif est le même
https://vous-netes-pas-seuls.org/
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Dans le domaine agricole, l’Atelier paysan ... C’est une contre-société qu’il faut créer avec sa culture politique et ses alternatives », dit Nicolas Mirouze, un paysan vigneron dans les Corbières. Il avait lui-même déserté AgroParisTech il y a vingt ans avant de devenir sociétaire de l’Atelier paysan
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Notes
[1] Celia Izoard est l’autrice de Merci de changer de métier : lettres aux humains qui robotisent le monde (éd. de la Dernière lettre, 2020) et vient de publier un recueil sur les usines du numérique (La Machine est ton seigneur et ton maître, Xu Lizhi, Yang, Jenny Chan, éd. Agone, 2022). Elle a traduit et préfacé 1984, de George Orwell (Agone, 2021). Elle est aussi chroniqueuse pour Reporterre.
[2] À l’instar du greenwashing, qui veut faire croire qu’un produit ou une entreprise est écologique à l’aide d’arguments de façade, le « sens washing » tente de convaincre que l’activité économique de l’entreprise en question a du sens, vaut le coup que des travailleurs s’y investissent.