Entretien Fabian Scheidler, Philosophe, dramaturge et journaliste
Comment la civilisation occidentale, qui se prétend animée par la raison, peut-elle être aussi destructrice ? Accumulation sans fin du capital, Etat fortement militarisé et mythe de l’Occident ont conduit à la catastrophe écologique, détaille le philosophe Fabian Scheidler, auteur de La Fin de la mégamachine. Sur les traces d’une civilisation en voie d’effondrement, (éd. Le Seuil, 2020 [2015]).
Qu’est-ce que « la mégamachine » ?
Fabian Scheidler : La civilisation dont nous sommes partie prenante a créé une situation qui n’a pas d’équivalent dans l’histoire humaine. Nous assistons aujourd’hui à la plus grande extinction d’espèces depuis 66 millions d’années. Et plusieurs méthodes sont actuellement « disponibles » pour mettre fin au monde tel que nous le connaissons : un dérèglement climatique rapide, une guerre nucléaire... Mon interrogation de départ fut celle-ci : pourquoi cette civilisation, qui se met en scène comme l’incarnation de la raison, possède-t-elle une telle force destructrice ?
La réponse peut être résumée par les structures de ce que j’appelle « la mégamachine », terme que j’emprunte à l’historien étasunien Lewis Mumford, auteur dans les années 1960 d’une magistrale histoire des systèmes de pouvoir apparus il y a 5 000 ans, Le mythe de la machine. Mumford y utilise ce mot pour décrire des sociétés qui ressemblent à des machines, des sociétés hiérarchiques telles que celles créées depuis l’âge des pharaons.
De mon côté, tout en reprenant ce projet d’une histoire du pouvoir, j’utilise le mot dans un sens différent : il désigne le système-monde capitaliste vieux de 500 ans, donc plus récent. J’ai choisi l’image expressive de la mégamachine pour...