Sous-titre Se nourrir sans pesticides, faire revivre la biodiversité
Xavier POUX
Marielle COURT
Pierre-Marie AUBERT
Olivier DE SCHUTTER Préfacier
Le temps est venu pour l’agroécologie de changer d’échelle : une production intégralement agroécologique, exempte de pesticides et d ’engrais de synthèse, est aujourd’hui envisageable à travers toute l’Europe. Au cœur de ce modèle porté par une nouvelle génération d’agriculteurs et d’agronomes : la disparition de l’élevage industriel qui rend possible l’autonomie fourragère et améliore la contribution de l’Europe aux équilibres alimentaires mondiaux. Loin d’être réservée à quelques fermes pionnières, l’agroécologie peut transformer en profondeur nos paysages pour le plus grand bénéfice du climat, de notre santé ainsi que celle de la faune et de la flore. Appuyant son propos sur une modélisation quantifiée, cet ouvrage explore également les modes d’organisation sociale et économique et les choix politiques qui peuvent rendre ce scénario plausible et désirable.
On a dix ans pour lancer l’Europe sur les rails de l’agroécologie afin qu’en 2050 l’hypothèse devienne réalité.
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Ndlr : connu / son intervention au FORUM EAU à Angoulême le 5/10/24
- Valoriser ACT
- a pris le parti de l'anthropocène ? Vérifier mais hypothèse OUI ACT
Agriculture biologique et Alimentation
Pour l’heure, seulement 9 % des surfaces agricoles européennes sont cultivées. ©AdobeStock
La guerre en Ukraine nous rappelle douloureusement notre hyperdépendance alimentaire tandis que les épisodes climatiques extrêmes nous enjoignent à revoir notre système agricole pour protéger la planète. L’agriculture bio est sur toutes les lèvres, mais peut-elle seulement satisfaire les besoins alimentaires à l’échelle mondiale ?
L’échec du productivisme
Car jusqu’ici, le modèle productiviste a failli à bien des égards : déforestation, altération de la biodiversité, appauvrissement des sols, pollution de l’eau, émissions significatives de gaz à effet de serre – 22 % du total des émissions selon le dernier rapport du GIEC. « En ajoutant la fabrication des engrais à partir de gaz naturel, le stockage, le transport, le conditionnement et la transformation des aliments, on dépasse les 30 % », ajoute Olivier De Schutter, juriste belge, professeur de droit international et ancien rapporteur spécial pour le droit à l’alimentation de 2008 à 2014. Sans compter que le méthane issu du bétail a un pouvoir de réchauffement bien plus élevé que le CO2. Mais l’agriculture industrielle a également échoué à nourrir les populations : d’après l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), en 2017, 821 millions de personnes souffraient de sous-alimentation – alors même que les pertes alimentaires représenteraient 14 % de la production agricole mondiale. Quant au gaspillage alimentaire, il représenterait selon le Programme des Nations unies pour l’environnement (PNUE) 17 % de la production agricole mondiale.
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Xavier Poux, ingénieur agronome à l’Institut du développement durable et des relations internationales. Il faut sortir de cette logique selon laquelle il faut impérativement compenser la perte de rendement », estime-t-il. Il rappelle que ces pertes sont déjà à l’œuvre malgré nos modèles industriels, et qu’il faut s’y adapter.
Penser circulaire et sortir des logiques de marché
C’est chose faite dans une étude publiée dans Nature Communications en 2017 https://www.nature.com/articles/s41467-017-01410-w, qui assure qu’atteindre 100 % d’agriculture bio d’ici 2050 est possible à condition de réduire le gaspillage alimentaire et de modifier nos habitudes de consommation – moins de viande notamment, afin de libérer des terres cultivables pour l’alimentation humaine – et ainsi compenser une perte de rendement estimée à 30 %. « D’autant que certains pays pourraient être avantagés par le mode d’agriculture biologique, notamment en Asie ou en Afrique, particulièrement pauvres et affamés », ajoute Xavier Poux. Dès 2008, des chercheurs des Nations unies avaient démontré que des exploitations de vingt-quatre pays africains en conversion ou déjà converties au bio avaient vu leur productivité augmenter de 116 % après trois à dix ans de culture https://unctad.org/system/files/official-document/ditcted200715_en.pdf.
Pour l’heure, seulement 9 % des surfaces agricoles européennes sont cultivées en bio, avec un objectif de 25 % d’ici 2030 fixé par la Commission européenne dans sa stratégie « De la fourche à la fourchette » adoptée fin 2021
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les politiques publiques doivent sortir des logiques de marché. Et mettre en place un plan. C’est ce que propose le scénario Afterres2050 pour la France https://afterres2050.solagro.org/. Construit sur le modèle du scénario négaWatt par Solagro, entreprise associative qui réunit des agriculteurs et des citoyens, ce projet propose un plan pour maintenir la production agricole en divisant par trois l’ensemble des intrants et impacts, tout en garantissant le fait de bien nourrir les Français. Mais Xavier Poux pointe aussi les limites du bio : « Si le fumier est acheminé par camion depuis des pays étrangers – comme c’est le cas pour de nombreux agriculteurs en France –, on passe à du bio industriel. »
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Les nouvelles voies de l’agroécologie
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Xavier Poux propose un modèle d’agroécologie nommé TYFA qui permettrait de nourrir le continent européen – les données manquent à l’échelle mondiale – à surface agricole constante, tout en limitant le risque de rupture en approvisionnements. Pour cela, nous devons agir tant sur nos techniques agricoles que sur notre régime alimentaire
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Benoît Biteau, député EELV au Parlement européen et agriculteur en Charente-Maritime sur 210 hectares (céréales, légumineuses, bétail, prairies), ces « techniques culturales simplifiées » donnent « des résultats économiques très satisfaisants » ... alors que son père, qui travaillait ces mêmes champs en conventionnel, mobilisait 7 calories fossiles pour produire 1 calorie alimentaire, Benoît Biteau produit 2,4 calories alimentaires avec 1 calorie fossile [2].
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Philippe Pointereau, coauteur du scénario Afterres2050, confirme : « Il est temps de raisonner en termes de système alimentaire durable. Le changement de régime alimentaire – produits de qualité, moins de viande et de produits laitiers – est un puissant levier de transition, il est dans les mains de tous les consommateurs mais aussi des collectivités locales. »
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[1] Pierre-Marie Aubert et Xavier Poux, Demain, une Europe agroécologique, Actes Sud, 2021.
[2] Les calories fossiles représentent l’énergie fossile dépensée pour la production agricole ; les calories alimentaires l’énergie récupérée sous forme de nourriture. Cette comparaison vise à mesurer l’empreinte énergétique des différents modèles agricoles.
Connu / https://wegreen.fr/post/196684
La méthanisation suggère des évolutions dans les pratiques agricoles, et modifie ainsi l’équilibre de l’agrosystème existant. Comment cet agrosystème évolue-t-il ? Devient-il nécessairement plus intensif ? Quelles incidences sur la fertilité des sols ? Sur les choix culturaux ? Sur le bilan environnemental global de l’exploitation ? Des retours de terrain et des études importantes menées ces dernières années nous donnent des éléments de compréhension et des premières réponses pour approfondir ces enjeux.
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cet article présente les résultats de l’étude MéthaLAE1. Cette étude est la seule qui ait à ce jour posé les bases d’une comparaison entre « l’avant » et « l’après méthanisation » pour les systèmes agricoles.
Au regard de l’ensemble des retours des agricultrices et agriculteurs sondés dans cette étude, la méthanisation représente avant tout un levier vers le développement d’une agriculture plus écologique.
Certaines situations, telles que le développement possible de cultures dédiées à la production d’énergie, nécessitent cependant de la vigilance afin d’éviter une utilisation peu vertueuse et non durable de la méthanisation.
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Achevée en 2018, MéthaLAE1 a enquêté pendant 3 ans, auprès de 46 exploitations qui ont fait le choix de la méthanisation. ... 23 méthaniseurs en voie liquide (19 unités individuelles et 4 collectives), d’une large gamme de puissance (30 kilowatts à 2,1 mégawatts).
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la taille du méthaniseur ne dit rien du modèle agricole dans lequel il s’inscrit. Un « gros » méthaniseur peut être au service d’un collectif de petits éleveurs et un « petit » méthaniseur peut être construit par un seul agriculteur à la tête d’un troupeau de 300 vaches qui ne pâturent jamais.
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n’a pas entraîné sur les fermes enquêtées un agrandissement massif des fermes
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a permis aux fermes de reconquérir des marges d’autonomie en azote, facteur clé des rendements, et donc des résultats économiques
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moins de fuites d’azote dans l’environnement
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méthaniser les fumiers et les lisiers / composter
... Tous deux sont des amendements et des fertilisants intéressants. Le compostage s’adresse plutôt à des matières ligneuses, la méthanisation s’adresse à des matières plus facilement biodégradables et fermentescibles, riches en azote.
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études depuis 2012 par l’INRA3 -> n’appauvrit pas les sols
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l’azote méthanisé est plus rapidement assimilable par les cultures et peut être apporté aux moments clés de la croissance des plantes.
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une voie d’accès intéressante [à l'AB] ... démarche d’optimisation et de pilotage fin de la fertilisation
Sur la production d’énergie et les émissions de gaz à effet de serre
... substitution d’énergies fossiles par des énergies renouvelables ... [MAIS] tous les paramètres ne peuvent pas s’améliorer en même temps, compte tenu de la profondeur des changements à opérer ...
Sur les pratiques et les systèmes
... diversifié leurs assolements et allongé leurs rotations. La surface fourragère est restée stable, ou a augmenté. ... des couverts d’inter-culture ... parfois récoltés pour l’énergie (on parle alors de cultures intermédiaires à vocation énergétique, ou CIVES, cf. encadré ci-dessous) ... Pour justifier le coût de la récolte, la production de biomasse doit être de l’ordre de quatre tonnes de matières sèches par hectare. Les CIVES peuvent atteindre des rendements bien plus élevés (de 10-12 tonnes de MS/ha selon les régions). ... tous les minéraux exportés par la CIVE sont récupérés dans les digestats.
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Les CIVES, comme les couverts, n’entrent pas en concurrence avec les cultures alimentaires. ... généralisation des couverts végétaux d’ici à 2050, soit le double des surfaces couvertes aujourd’hui.
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Sur le stockage du carbone par les sols
... enrichissement en carbone du retour au sol, via le digestat, et du fait du foisonnement racinaire produit par les CIVES. ... les pratiques (travail du sol, diversité des assolements, etc. ) semblent plus impactantes que le fait de méthaniser ou pas. Ces travaux exploratoires doivent toutefois être consolidés.
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Sur la dissémination d’éléments traces métalliques
... fait partie des sujets d’inquiétude ... déjà présents dans les matières entrantes ... les engrais phosphatés de synthèse apportent pour leur part du cadmium dans les sols. ... => des contrôles, de la transparence, des mesures
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Sur le bien-être animal
... augmentation de la fréquence des curages des bâtiments, l’enjeu étant de faire entrer les effluents le plus tôt possible en méthanisation. Cette pratique réduirait la mortalité juvénile et l’occurrence de certaines maladies du cheptel, du fait d’une meilleure hygiène générale des étables.
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Vers une méthanisation plus végétale ?
Dans les bassins traditionnels céréaliers ... Les méthaniseurs digèrent des couverts, des déchets verts, des tontes de bord de route, des résidus de cultures, des grains déclassés. ... récupérer un engrais organique de proximité [AB] ... -> rendements ~idem conventionnel.
Points de vigilance
... Outre-Rhin années 2000 maïs ... a fragilisé les élevages traditionnels et la production alimentaire. Apprenant de leurs erreurs, les pouvoirs publics allemands ont révisé leur système d’aide depuis.
En France, ... ~NON
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Un agriculteur peut-il essayer de contourner la législation et mettre des cultures principales dans son méthaniseur en cas d’effondrement des cours par exemple ?
... dérives et des dévoiements sont toujours possibles ... n’ont pas réellement d’intérêt économique ... les cultures énergétiques dédiées représenteraient 8 % des apports, et les CIVES 30 %.
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CONCLUSION
... Comme toute technologie, c’est l’usage qui permettra d’évaluer sa durabilité. Chaque projet est unique, et il doit être évalué au cas par cas. ... il semble que le choix d’un système plutôt qu’un autre – stabulation versus pâturage – soit déconnecté de la méthanisation.
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La méthanisation semble s’adapter au système en place, plus qu’elle ne l’induit. En revanche, elle peut le faire évoluer, et accompagner positivement les agriculteurs qui souhaitent s’engager dans une démarche de transition agroécologique.
Il revient à l’ensemble des acteurs – aux agriculteurs, aux associations citoyennes, institutions et organismes techniques, chercheurs -, de promouvoir et défendre ensemble un modèle de méthanisation durable, basé sur le dialogue, la transparence, transparence sans laquelle il ne peut y avoir de confiance.
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Cet article est issu d’un travail collectif mené par Enercoop, Énergie Partagée et Terre de liens pour comprendre et donner des clés de réponse sur les liens entre transitions agricole et énergétique, en s’appuyant sur le travail de décryptage de l’Association négaWatt et Solagro, et avec le soutien de l’Ademe. En savoir plus https://energie-partagee.org/transition-agricole-transition-energetique-les-citoyen-ne-s-font-le-lien/.
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Sources et références
- Retrouvez l’étude sur le site de Solagro https://solagro.org/travaux-et-productions/references/methalae-comment-la-methanisation-peut-etre-un-levier-pour-lagroecologie
- Carte des unités de méthanisation et de biogaz https://carto.sinoe.org/carto/methanisation/flash/
- Outil SIMEOS – simulation de l’évolution des teneurs et stocks en carbone organique des sols http://www.simeos-amg.org/ – INRA, Agro-Transfert RT, Arvalis, le LDAR, et avec la collaboration de Terres Innovia depuis 2016.
- Projet Opticive soutenu par l’Ademe mené par ARVALIS, avec EURALIS, Terres Univia et Terres Inovia.
- Règlement (CE) n°1069/2009 (abrogeant le règlement (CE) n°1774/2002). Règlement (UE) n°142/2011. Note de service du 26 août 2013, portant dérogation sur l’hygiénisation des lisiers sur avis de la DDCSPP (Direction départementale de la cohésion sociale et de la protection des populations). Arrêté du 8 décembre 2011 sur le contenu des dossiers d’agrément sanitaire : BPH (bonnes pratiques d’hygiène) un dossier HACCP (Hazard Analysis Critical Control Points ou analyse des dangers et des points critiques pour leur maîtrise).
- Retour Ademe et témoignages à dire d’expert.
. Voir dans la médiathèque méthanisation de l’Ademe : Suivi technique, économique et environnemental d’installations de production et d’injection de biométhane dans les réseaux de gaz naturel, ENEA Consulting, APESA, Ademe, 2017 / Suivi technique, économique environnemental et social d’installations innovantes de petite méthanisation à la ferme. S3D, APESA, Biomasse Normandie, 2016 / Suivi technique, économique, environnemental et social d’installations de méthanisation : Installations à la ferme, centralisées, industrielles et en station d’épuration, APESA, Biomasse Normandie.
Clés : agriculture ; méthanisation ; gaz à effet de serre ; méthane
Connu / https://twitter.com/nWassociation/status/1267383418838540289
Ndlr : cet article semble HONNÊTE ET SINCÈRE confirme mes ressentis : très utile pour la "transition agricole" mais [/but zéro fossile en 2050 et même AVANT SI POSSIBLE] fait-elle le "poids" par rapport à une approche intégrant mieux l'agroforesterie ou mieux, l'approche intégrée des indiens d'amazonie, sachant que cela doit dépendre de la latitude ? => Questionner ACT
- mis en cause par Xavier Poux / modélisation Tyfa Vérifier ACT