Durée de lecture : 7 minutes - Alternatives Luttes
Désormais, elle vit dans une caravane et documente les luttes écologistes. Finie, la vie d’ingénieure « mortifère ». Via le collectif Désert’heureuses, elle accompagne celles et ceux qui veulent, à leur tour, bifurquer. [2/5]
« Ce n’était pas une bifurcation, mais vraiment une désertion. » Victoria Berni, 31 ans, a quitté son poste d’ingénieure en génie urbain et environnemental pour se consacrer aux luttes écologistes
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« Nous, Désert’heureuses, refusons de continuer à robotiser, accélérer, déshumaniser le monde »
Au début de l’année 2022, déclic : elle a rencontré plusieurs personnes avec un parcours similaire au sien, pas seulement « des ingénieurs qui se reconvertissaient pour faire des fresques du climat dans des entreprises, ce qui ne sert à rien ». Être avec des gens avec qui elle était enfin « raccord politiquement » lui a fait du bien. Un collectif, les « Désert’heureuses », est né peu de temps après. Elle y a tout de suite adhéré. « En étant entourée, je me suis sentie plus légitime à croire en ce que je crois », confie-t-elle. Elle n’était plus seule. « Nous, Désert’heureuses, refusons de continuer à robotiser, mécaniser, optimiser, informatiser, accélérer, déshumaniser le monde », peut-on lire dans leur manifeste https://desertheureuses.noblogs.org/manifeste/.
De là, sont nées des réflexions. Victoria Berni le reconnaît, certaines sont encore « balbutiantes ». Tous les ingénieurs et ingénieuses du pays ne vont pas démissionner demain, il y a d’ailleurs d’autres métiers « mortifères » à cibler, et la « désertion » n’est accessible qu’à une poignée de personnes qui ont les ressources financières pour le faire. Mais le collectif existe pour, déjà, montrer qu’il existe d’autres façons de vivre.
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« Déserter ne signifie pas seulement tout quitter individuellement, poursuit le manifeste. Les Désert’heureuses ont vocation à rendre cet acte collectif et politique. De le rendre désirable et plus accessible. » Et visible. Aujourd’hui, entre deux trajets pour aller manifester contre les mégabassines dans les Deux-Sèvres, ou contre le projet de stockage nucléaire dans la Meuse, Victoria Berni continue de « se raconter » sur les réseaux sociaux. De documenter les milieux militants qu’elle fréquente.
« C’est un travail d’information très important, se réjouit Johanna, membre des Désert’heureuses. Ça crée des ponts entre le monde des ingénieurs et celui des luttes, deux mondes qui communiquent très peu. »
« La médiatisation du militantisme et de leur radicalité, c’est ça qui m’a poussée à l’action, rappelle Victoria Berni. C’est ce que j’essaie de reproduire aujourd’hui. » Pour qu’en 2023, les Désert’heureuses soient encore plus nombreuses.
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Élections législatives 2022 dossier
Le député européen Place publique, qui soutient la Nupes, explique les raisons de son ralliement et souligne un problème de méconnaissance de l’Europe et de ses évolutions dans la gauche française.
Raphaël Glucksmann durant une manifestation en soutien à l'Ukraine au Parlement européen à Strasbourg, le 10 mars. (Roses Nicolas /ABACA)
Raphaël Glucksmann, député européen Place publique, a appelé à voter pour la Nupes à la surprise générale, la France insoumise défendant des positions sur l’Europe, la Russie, l’Ukraine ou la Chine à l’opposé des siennes. Pour la première fois, il explique les raisons de ce ralliement qui lui vaut de nombreuses critiques.
Comment un pro-européen peut-il se rallier à la Nupes alors que son programme est une reprise des positions anti-européennes de LFI ?
Je ne me suis rallié à personne, n’ai signé aucun accord et n’ai négocié aucune circonscription. J’ai simplement appelé à faire élire le maximum de députés de gauche et écolos à l’Assemblée parce qu’il est urgent que le Parlement vive, vibre à nouveau et qu’y soient défendues la justice sociale et la lutte pour le climat. Les élites dirigeantes, politiques et médiatiques, sous-estiment l’impatience qui monte dans la société en général et la jeunesse en particulier. Impatience sur le climat, impatience sur l’explosion des inégalités, impatience face au verrouillage de la démocratie aussi. Nous ne pouvons pas repartir pour cinq années de plus avec une Assemblée de godillots, une chambre d’enregistrement des projets concoctés par le Président et son équipe de technocrates. Vu les positions de Jean-Luc Mélenchon sur la Russie, la Chine ou l’Europe, cette décision a été dure à prendre. Je savais bien que mon soutien, même critique, allait me valoir une levée de boucliers. Mais comment rester sourd à ces impatiences lég…
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Le 12 mars, ce sera à nouveau le jour d’une marche climat. Chez Radio Parleur, on est toujours impressionné·es par la capacité de ces défilés à mettre du monde dans la rue. Comme beaucoup, on se pose aussi des questions en constatant l’inaction politique qui suit ces mobilisations. Mais depuis quelques mois de nouvelles modalités d’action semblent émerger au sein des luttes climatiques. Ce sont ces évolutions, ces changements dans les méthodes sur le terrain, que l’on vous propose d’interroger cette semaine dans l’Actu des Luttes avec celle et ceux qui se mobilisent
“La bassine, elle a été désarmée, neutralisée !” Le 6 novembre 2021, sur un char-bateau-pirate, un militant célèbre le sabotage d’une réserve d’eau artificielle illégale ... assumant ainsi l’action, elle aussi illégale ...
Résistance et sabotage
La nécessité d’actions plus radicales, c’est ce que défend Laura, qui milite avec les Soulèvements de la Terre dans laquelle la mobilisation contre les bassines s’inscrit ... Notre colère grandit. Ça vaut la peine d’avoir une action plus impactante, qui a des conséquences concrètes sur la planète” analyse-t-elle. Sa réponse pourrait directement s’adresser à l’auteur et maître de conférence suédois Andreas Malm. Dans Comment saboter un pipeline https://lafabrique.fr/comment-saboter-un-pipeline/, il se demande pourquoi, face à l’ampleur de la crise en cours, un mouvement massif de sabotage n’a pas encore vu le jour.
Sur le même thème : Contre les bassines, paysan·nes et militant·es pour une autre agriculture https://radioparleur.net/2021/11/10/conte-les-bassines-paysan-nes-et-militant-es-luttent-agriculture/
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aussi le pari de l’association Terres de luttes https://terresdeluttes.fr/. Grâce à une étude https://terresdeluttes.fr/les-davids-sorganisent-contre-goliath/ commandée avec d’autres associations, elle a identifié les besoins de collectifs locaux en lutte contre des projets polluants. L’association souhaite maintenant y répondre en proposant des temps de rencontre, de formation et des outils de communication. Cela constitue un virage stratégique pertinent pour la lutte, d’après la militante Léna Lazare https://www.lemonde.fr/campus/article/2021/06/07/lena-lazare-23-ans-nouveau-visage-de-l-ecologie-radicale_6083131_4401467.html. Après plusieurs années d’activisme en Île-de-France, elle s’investit aujourd’hui dans Terre de luttes. Le recensement de victoires récemment obtenues au niveau local semble confirmer son analyse.https://reporterre.net/La-lutte-paie-mine-de-rien-les-ecologistes-remportent-de-nombreuses-victoires
Des branches ont été plantées sur la retenue d’eau sabotée le 6 novembre 2021 près de Mauzé-sur-le-Mignon. Photographie: Lou Bonnefoy pour Radio Parleur.
Si les écologistes assument de plus en plus d’actions de sabotage, la pratique n’est cependant pas nouvelle. Ce mode d’action n’a, par exemple, jamais vraiment cessé d’être utilisé dans le mouvement antinucléaire. Cela a encore récemment été le cas en marge du camp des Rayonnantes https://reporterre.net/A-Bure-un-camp-festif-et-feministe-contre-le-nucleaire. Le débat est cependant vif https://reporterre.net/Paquets-de-sucre-ouverts-pneus-degonfles-les-ecolos-s-interrogent-sur-les-petits-sabotages chez celles et ceux qui, depuis 2015, occupent la scène médiatique concernant les enjeux climatiques. Avec des évolutions notables: pour Elodie Nace, porte-parole d’Alternatiba et d’ANV-COP21, des actions de sabotage d’industrie sont aujourd’hui plus envisageables qu’il y a quelques années. Elles recueillent en effet davantage l’adhésion du public d’après elle. Reste à voir quelles en seront les conséquences pour le climat.
Un reportage de Lou Bonnefoy pour l’Actu des Luttes. Photographie de une : Coline Rivet. Identité sonore Actu des Luttes : Etienne Gratianette (musique/création) et Elin Casse, Antoine Atthalin, Romane Salahun (voix). Photo de Une : Coline Rivet pour Radio Parleur.
TAGS climat Ecologie
Tr.: ... bois de la Colombière à La Clusaz, blocage des travaux jusqu'au printemps ...
Tribune — Nucléaire - Durée de lecture : 7 minutes
Alors que s’ouvre le procès de sept militants opposés au projet d’enfouissement des déchets nucléaires Cigéo, à Bure, une vingtaine d’associations, organisations et collectifs pour le climat appellent dans cette tribune à sortir du nucléaire pour aller vers une transition écologique, énergétique et démocratique profonde.
... dont Greenpeace, Alternatiba, Les Amis de la Terre France, ANV-COP21 ou Attac France ... pour sortir du nucléaire.
Le nucléaire pour sauver le climat ? Le croire est au mieux une illusion techniciste, au pire une terrible hypocrisie. Si la filière nucléaire tente plus que jamais de se repeindre en vert, cela n’a rien d’un souci sincère ou vertueux. C’est le fruit d’un choix stratégique et foncièrement politique. La filière sait qu’elle joue sa survie en vantant ses faibles émissions de CO2, au moment où des centaines de milliers des personnes ont repris la rue le 9 mai dernier pour dénoncer l’inaction climatique du gouvernement et le sabotage des propositions de la Convention citoyenne pour le climat. Acculée après la faillite d’Areva, le scandale Uramin et les déboires d’EDF sur ses chantiers de construction d’EPR, elle a trouvé dans l’argument climatique le nouveau moyen d’assurer sa pérennité et son emprise.
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Face à l’incendie climatique, Emmanuel Macron préfère allumer des contre-feux et fait comprendre depuis des mois son intention de relancer l’industrie nucléaire. En faisant diversion avec le nucléaire, le gouvernement cherche à diviser les forces au sein même du mouvement social et du mouvement écologiste.
Une technologie lente, vulnérable, polluante et chère
... nous, associations, organisations, collectifs ne sommes pas dupes. Nous luttons pour le climat et contre le nucléaire parce que nous savons que cette technologie et le modèle qui l’accompagne n’est pas une solution valable pour faire face aux urgences climatiques, sociales et démocratiques.
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pollution des mines d’uranium, qui contamine des territoires entiers. https://reporterre.net/Les-dechets-radioactifs-des-mines-d-uranium-empoisonnent-la-Bretagne À l’autre bout de la chaîne, des centaines de milliers de tonnes de matières et déchets radioactifs s’accumulent dans des hangars, dans les sous-sols et débordent bientôt des piscines. Les pires déchets ultimes, radioactifs durant des centaines de milliers d’années, n’ont aucune solution de gestion satisfaisante à ce jour, ni à Bure, en France, ni ailleurs. On ne peut pas vouloir sauver le climat dans les dix prochaines années en léguant aux générations futures des déchets radioactifs pour cent mille ans. Et que dire de la pollution des terres en cas d’accident ?
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Nous refusons le chantage malsain entre risque climatique et risque nucléaire. Nous ne choisirons pas entre la peste et le choléra. Le monde que porte en lui le nucléaire est inconciliable avec toute forme de transition écologique réelle. Le nucléaire n’est d’ailleurs pas seulement une énergie, c’est un ordre social et économique fondamentalement autoritaire.
Cela fait plus de cinquante ans que nos aînés le disent. Certains comme Vital Michalon ou Fernando Pereira l’ont même payé de leur vie. Partout où il s’impose, l’atome est incompatible avec la démocratie. Il s’étend par la violence et méprise les opinions des populations. Encore aujourd’hui, la manière dont le nucléaire continue de s’implanter en France est inadmissible.
À Bure, contre le projet de poubelle nucléaire, les militant·e·s subissent une répression brutale, indigne d’un État de droit. Des séries de perquisitions ont été menées, des manifestations ont été interdites et sept militant·e·s passeront en procès les 1, 2 et 3 juin pour « association de malfaiteurs ». Ils risquent plusieurs années de prison alors que leur dossier judiciaire est vide, comme l’ont révélé plusieurs enquêtes journalistiques. Le 29 juin, trente-quatre activistes de Greenpeace doivent être jugés à Valence pour le démontage symbolique de la centrale de Tricastin. En 2020, des dizaines d’activistes climatiques ont été poursuivis par un bureau de lutte antiterroriste pour avoir décroché symboliquement des portraits de Macron.
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se battre pour dépasser un système productiviste, extractiviste et néocolonial, où le mythe de « l’énergie bon marché » s’accompagne du pillage des ressources et de la dévastation des écosystèmes et des sociétés des pays des Sud et des zones vues comme « périphériques ». Total s’arrange avec la junte militaire en Birmanie, Orano fait son business au Niger et des délits d’initiés en Namibie avec Uramin.
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