Océans
Greenpeace France dénonce le choix du Premier ministre norvégien, Jonas Gahr Støre, en visite à Paris à l’occasion du One Planet – Polar Summit, d’ouvrir les fonds marins de l’Arctique norvégien à l’exploitation minière. Si ce projet devait être confirmé par le Parlement norvégien en janvier 2024, il ajouterait de nouvelles pressions sur un écosystème déjà fragilisé et pourtant vital pour réguler le climat et faire circuler les courants marins.
Des militantes et militants de Greenpeace se sont mobilisé·es de mercredi à vendredi dans 17 villes françaises pour appeler Jonas Gahr Støre à renoncer à l’exploitation minière des grands fonds de l’Arctique. A Paris, un poulpe de 8 mètres de haut a été déployé sur le Champ de Mars. A Brest, Rouen, Lyon, Versailles, Lille, Chambéry, Annecy, Bordeaux, Nantes, Montpellier, Marseille, Dijon, Angers, Strasbourg, de grandes bannières avec les messages “Abysses : massacre imminent” et “Norway, Stop Deep Sea Mining” ont été déployées.
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« Envoyer des machines gigantesques pour racler les fonds de l’océan Arctique et y récupérer des métaux serait criminel. La Norvège reste sourde aux alertes des scientifiques sur les dommages irréversibles que pourrait causer l’exploitation minière en eaux profondes à des habitats uniques et des espèces méconnues et vulnérables », s’indigne François Chartier, chargé de campagne Océans à Greenpeace France.
Le démarrage de l’exploitation minière dans les grands fonds norvégiens pourrait établir un dangereux précédent, alors que de plus en plus d’Etats s’engagent contre cette industrie au niveau international. Ainsi, la dernière session de négociations de l’Autorité Internationale des Fonds Marins, qui s’est conclue mercredi à Kingston, en Jamaïque, a vu le Royaume-Uni rejoindre la coalition de 23 pays qui s’opposent à l’exploitation minière en eaux profondes.
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« La France doit jouer à plein le rôle qu’elle a endossé de défenseuse des grands fonds en menant un dialogue exigeant avec la Norvège » ...
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« La santé de notre agriculture dépend de la santé de l'Arctique » (Heïdi Sevestre)
INTERVIEW. « L'agriculture subit des gels précoces ou des dômes de chaleur parce que les vents ne tournent plus de façon circulaire en Arctique. » C'est le constat sous forme d'alerte dressé par la glaciologue française Heïdi Sevestre. Cette adepte de la médiation scientifique détaille à La Tribune les enseignements des dernières recherches climatiques pour l'avenir de l'agriculture.
03 Oct 2023, 6:17 / Propos recueillis par Maxime Giraudeau
En 2021, l'expédition des Sentinelles du climat a réuni des femmes glaciologues autour du cercle polaire arctique. (Crédits : DR)
LA TRIBUNE - Le glacier Conejeras en Colombie, que vous avez étudié, vient officiellement de disparaître. Est-ce le sort réservé à la majorité des glaciers de montagne d'ici la fin du siècle ?
HEÏDI SEVESTRE - Sans aucun doute. En Colombie, on parle de glaciers tropicaux, ceux qui sont proches de l'Équateur. Quand les températures sur Terre augmentent de plus d'1°C, on sait que c'est plié pour eux. Mais ils restent encore très importants pour les communautés locales autochtones. Pour nous scientifiques, il s'agit des premiers glaciers à tomber mais ce n'est pas inexorable pour ceux des Alpes, de l'Himalaya, de l'Alaska... On a beaucoup à apprendre des glaciers tropicaux pour éviter que les autres subissent la même chose, sachant que deux milliards de personnes en dépendent.
Personne ne s'attendait à ce que ce glacier colombien disparaisse dès cette année. La dernière fois que j'y suis allé, la glaciologue qui le surveille m'a dit « Je pense qu'on a quinze ans ». Je l'ai regardé et pour moi on avait cinq ans à tout casser. Et en fait on avait deux ans. Nous les scientifiques, sommes dans une course contre-la-montre : on sait que la situation n'est pas bonne du tout mais, parfois, on est encore assez conservateurs et les choses se révèlent être pires que ce que nos modèles mathématiques montrent.
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Pourquoi la disparition de glaciers géographiquement très éloignés de nous impacte notre économie ?
J'avais posé cette question à une de mes anciennes étudiantes qui travaille maintenant sur les glaciers de l'Himalaya. Pourquoi est-ce que des gens en France devraient s'intéresser aux glaciers de l'Himalaya ? Elle m'a dit : « C'est vite vu. Est-ce que tu manges du riz et est-ce que tu portes des vêtements avec du coton ? La plupart du riz et du coton produits ont besoin de l'eau des glaciers de l'Himalaya. » Elle m'a expliqué, en un tour de phrase, que la global supply chain sur Terre est directement connectée à ces glaciers. Il y a non seulement ce problème de ressource en eau mais il y aussi un problème lié aux extrêmes météorologiques avec des sécheresses, des canicules, des périodes au contraire très humides ou bien très froides. Ce chaos climatique affecte directement l'agriculture où on a besoin d'une certaine stabilité, ce qui n'est plus possible avec des pluies intenses, des grêlons, des gels précoces ou tardifs. On est dans un chaos climatique. À chaque dixième de degré qui augmente, ces phénomènes vont devenir de plus en plus fréquents et intenses.
La global supply chain sur Terre est directement connectée à ces glaciers.
Heïdi Sevestre au chevet du glacier Conejeras en Colombie en décembre 2021. (crédits : Nina Adjanin)
Les températures sont maintenues froides en Arctique grâce à un vent circulaire autour du pôle Nord que vous appelez le « wavy polar vortex ». Pourquoi notre agriculture est-elle menacée par son dérèglement ?
On se rend compte que ces vents-là sont directement connectés aux écarts de température entre l'Europe par exemple et le pôle Nord. Pour qu'ils restent circulaires, il faut qu'il y ait des écarts importants de température entre ces régions. Mais aujourd'hui les écarts de températures se réduisent : l'Arctique est la région qui se réchauffe le plus vite sur Terre avec +6°C en 60 ans. Cette rivière de vent froid dans l'air commence à osciller, à faire des méandres. Ça créé des phénomènes de masses d'air qui remontent du Sud vers le Nord et inversement ! L'agriculture subit ainsi des gels précoces ou des dômes de chaleur parce que les vents ne tournent plus de façon circulaire en Arctique. La santé de notre agriculture dépend de la santé de l'Arctique en quelque sorte. Les deux sont intimement liés.
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Scientifique et médiatrice
À 35 ans, Heïdi Sevestre n'est plus habitée de la timidité maladive qu'elle subissait adolescente, comme elle le raconte dans son livre Sentinelle du climat. En consacrant plusieurs mois par an à donner des conférences, la glaciologue de métier s'est faite médiatrice scientifique, comme le 19 septembre dernier en répondant à l'invitation de la startup charentaise Elicit Plant. Originaire des Alpes, Heïdi Sevestre vit désormais au Svalbard, non loin du Pôle Nord, d'où elle mène des expéditions et travaille au programme de développement et de surveillance du Conseil de l'Arctique.
Vous montrez aussi que de nouvelles terres arables vont apparaître avec le dégel du permafrost, ce sol gelé des pays de l'extrême nord. Pourquoi leur mise en culture serait-elle inquiétante ?
Des études très récentes nous montrent que si les hautes latitudes vers le nord se réchauffent, des terres gelées complètement inadaptées à l'agriculture risquent de devenir accessibles pour un tas d'activités au Canada, en Russie et en Scandinavie. Le problème est que ces sols ont séquestré du carbone depuis des milliers voire des millions d'années. Que va-t-il se passer si on commence à labourer ces terres et changer la structure du sol ? On risque d'avoir des régions aujourd'hui puits de carbone qui deviendront des sources d'émissions carbone !
heïdi sevestre
La glaciologue a été invitée par Elicit Plant pour présenter les dernières évolutions connues du climat, à l'occasion de la journée mondiale de prévention des risques climatiques. (MG / La Tribune)
L'enjeu de l'eau est crucial pour l'agriculture et pour le maintien de la végétation. Mais quelles sont les autres problématiques qui pèsent ?
Le pouvoir des végétaux à stocker du carbone peut atteindre des limites quand les températures augmentent trop. C'est pareil pour les océans. La nature en elle-même est notre meilleure alliée, mais on sait qu'elle a ses limites. La glace a ses limites et c'est la même chose pour les océans, nos sols, nos zones humides ou nos forêts. Tant qu'on n'attaque pas le problème à la source, qui est de brûler des énergies fossiles, on ne va pas y arriver. Il n'y a aucun doute là-dessus.
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La limite planétaire sur la disponibilité de l'eau douce vient d'être franchie. Ces points de bascule sont-ils définitifs ?
On est vraiment au pied du mur. Pour sauver la banquise de l'Arctique en été, on pense que c'est plié. Mais ce n'est pas parce qu'on a franchi des points de bascule qu'il faut tout lâcher, au contraire ! Des gens disent que c'est trop tard. Mais pas du tout, il faut se battre pour chaque solution et pour chaque centième de degré. Derrière chaque centième de degré dépendent des millions de personnes et des écosystèmes gigantesques dont nous avons besoin. On a une chance de dingue d'être nés à ce moment-là dans l'histoire de l'Humanité. Nous on se lève le matin et on a quand même la possibilité tous ensemble de sauver l'Humanité en mettant notre pierre à l'édifice.
Connu / mel du 6/11/23
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Dans quelques semaines, le ministre des Affaires du Nord, Dan Vandal, prendra une décision concernant l'expansion d'une mine de fer au Nunavut, un projet auquel s'opposent fermement les défenseur·ses des terres inuit. La compagnie minière Baffinland est à l'origine de cette expansion, et va de l'avant avec cette dangereuse proposition concernant sa mine de fer. [1]
Cette expansion minière constitue une grave menace pour les Inuit de la région et la faune dont ils et elles dépendent pour leur alimentation, leur subsistance et leur culture.
En fait, la propre agence d'évaluation environnementale du gouvernement du Nunavut a recommandé de pas donner feu vert à cette expansion en raison du potentiel d'effets négatifs importants sur la faune et les Inuit. [2]
Les Inuit dénoncent vigoureusement ce projet. [3] L'année dernière, des défenseur·ses des terres inuit ont bloqué pacifiquement la mine pour s'opposer aux plans d'expansion, et des manifestations de solidarité ont eu lieu dans tout le Nunavut. [4]
Les Inuit ont maintenant besoin de votre voix pour les soutenir. Il est CRITIQUE que le plus grand nombre possible de personnes s'expriment en faveur des droits des Inuit et de la faune arctique.
Dites au ministre Vandal d'écouter les défenseur·ses des terres inuit, de protéger la faune arctique et de dire NON à cet dangereux projet d'expansion minière.
[1] Le projet d’expansion de la mine Mary River cause toujours des divisions au Nunavut
[2] Nunavut Impact Review Board rejects proposed Baffinland expansion
[3] Community reps oppose mine expansion at final day of Baffinland hearing
[4] Les manifestants ont quitté le site minier de Mary River, au Nunavut
La couverture minimale estivale fait maintenant la moitié de l’étendue observée il y a 40 ans. Quatre records d’étendue minimale ont été battus depuis 2000, le plus récent datant de septembre 2012. Cependant, depuis cette date, aucun nouveau record n’a été établi. Une nouvelle étude de Jennifer Francis suggère qu’un changement dans la circulation atmosphérique pourrait expliquer la tendance récente.
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Francis et Bingyi Wu indiquent cependant que les relations statistiques et les hypothèses avancées nécessiteront des expériences de modélisation ciblées pour vérifier les mécanismes de causalité. Les tendances de pression atmosphérique de 2010 à 2020 présentent des anomalies de pression au niveau de la mer négatives dominant l’océan Arctique ainsi que des tendances positives sur les zones continentales des hautes et moyennes latitudes. D’après les auteurs de l’étude, la pression de surface au-dessus de l’Arctique pourrait encore diminuer à mesure que les gaz à effet de serre continuent de s’accumuler dans l’atmosphère, fournissant éventuellement une rétroaction négative sur le rythme de la perte de glace de mer dans un monde en réchauffement.
Connu / https://jeremybouchez.wordpress.com/2020/12/09/glace-de-mer-arctique-pourquoi-cette-absence-de-record-depuis-2012/
Quand une mine de charbon géante engloutit un village en Allemagne, quand des Amérindiens sont chassés de leurs terres par un oléoduc, quand les compagnies pétrolières s’attaquent à l’Arctique, quand des millions de tonnes de CO2 supplémentaires s’apprêtent à être répandues dans l’atmosphère, c’est un peu, et bien malgré nous, grâce à notre argent. Voici douze projets méga-polluants dans lesquels l’Etat investit une partie de notre épargne et de nos cotisations retraites. Pour que la finance soit au service de « l’action climat », comme le souhaite Emmanuel Macron, il y a encore du travail !
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une première décision raisonnable serait de ne plus financer de nouveaux projets pour extraire du charbon, du pétrole et du gaz, ces sources fossiles qui sont de loin les premières sources de gaz à effet de serre. Une analyse effectuée par l’Observatoire des multinationales et l’ONG 350 France (lire notre article présentant cette étude) montre qu’en réalité, l’argent des Français continue aujourd’hui de financer des nouveaux projets d’énergies fossiles partout dans le monde. Ces projets sont incompatibles avec les objectifs de l’Accord de Paris, car ils contribuent à ouvrir de nouveaux territoires à l’industrie pétrolière et gazière, comme l’Arctique ou les gisements pétroliers au large du Brésil.
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