Durée de lecture : 9 minutes Clés : Économie Quotidien
Dans le monde occidental, des millions de personnes quittent leur travail. L’offensive néolibérale, la catastrophe écologique et la pandémie ont attisé cette fugue massive. Enquête [1/3]
Vous lisez le premier volet de notre enquête « La grande démission ». Le second volet se trouve ici et le troisième sera publié demain.
L’appel à déserter lancé le 10 mai par les étudiants d’AgroParisTech a agi comme un détonateur. Visionnée plus de 12 millions de fois, leur vidéo a libéré la parole et révélé un mouvement de fond qui remet en cause frontalement les modèles de la réussite sociale
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Aux États-Unis, des sociologues ont baptisé ce phénomène « Great Resignation » ou « Big Quit » : « la grande démission ». En 2021, plus de 38 millions d’étasuniens ont quitté leur emploi. 40 % n’ont toujours pas repris de travail. Un tsunami qui touche tous les âges, tous les métiers. Et qui renverse le rapport de force entre salariés et entreprises.
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En Angleterre, les seniors démissionnent en masse. 300 000 travailleurs âgés de 50 à 65 ans ont rejoint la catégorie des « économiquement inactifs ». Leur désir principal, selon le résultat d’une vaste étude ? Prendre leur retraite et s’échapper définitivement du monde professionnel.
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D’après un récent sondage, publié en mai, plus d’un tiers des sondés (35 %) affirme n’avoir jamais eu autant envie de démissionner. Une proportion qui monte à 42 % chez les moins de 35 ans. Les observateurs parlent de « révolution sociétale », et de « menace pour l’économie française ».
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En suspendant, un temps, le fonctionnement dont nous étions tous les otages, le virus a révélé l’aberration de la « normalité » ... lutter contre ce que David Graeber appelait « les bullshit jobs » ... en quête de sens ... forme de maltraitance sociale
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L’An 01, ce film de Jacques Doillon, emblématique de la contestation libertaire des années 1970, au slogan éloquent : « On arrête tout, on réfléchit et ce n’est pas triste. » ... sociologue Geneviève Pruvost. ... Arthur Gosset, l’ex étudiant de centrale Nantes qui a réalisé le film Rupture(s) — dans lequel il évoque la bifurcation de ses camarades déserteurs — estime qu’ils représentent environ 30 % des promotions ... Romain Boucher. Cet ancien data scientist diplômé de l’École des mines a quitté son métier en 2018 ... l’association Vous n’êtes pas seul https://vous-netes-pas-seuls.org/ pour inciter ses ex-collègues à démissionner ... L’écrivaine Corinne Morel Darleux y voit même « une forme de sabotage symbolique » ...
Ndlr : idem que "refus de parvenir" ? ACT
55 minutes
Comment réorganiser la société de telle façon que l'on ne soit plus déconnectés du monde vivant ? La sociologue Geneviève Pruvost s'attèle à explorer les alternatives écologiques et anticapitalistes qui renouent avec des savoir-faire permettant de refonder la fabrique du quotidien.
Comment réorganiser la société de telle façon que l'on ne soit plus déconnectés du monde vivant ? © Getty / Oliver Strewe
Dans un premier temps, la nature du travail de Geneviève Pruvost repose sur une analyse critique de notre modèle social et économique par l'exploration de textes écoféministes, sur la sociologie des professions et ceux de certains théoriciens marxistes.
Mais c'est aussi et surtout une enquête ethnographique, qui a pour finalité de présenter des alternatives écologiques et anticapitalistes, et de dresser des portraits de personnes appartenant à des communautés qui s’ancrent dans des lieux et expérimentent des modes de vie, renouent avec des savoir-faires en lien avec leur territoire et qui ont pour but de tisser la “fabrique” de leur quotidien.
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L’enquête sur ces “alternatives rurales” visent à saisir ceux et celles qui explorent les possibilités pour relocaliser ce qui fait leur quotidien. L’autrice déplore l’abstraction dans laquelle les sociétés occidentales industrialisées et modernes sont plongées du fait de ces chaines de fabrication déterritorialisées, délocalisées.
L’autrice pointe la fabrication d’objets de consommation et de services massivement délégués à d’autres personnes, alors qu’ils pourraient entrer dans notre quotidien si notre rapport au monde était plus local et égal.
“La quotidienneté ne peut pas être détachée d’un milieu de vie nourricier, et toute politique qui entend s’en départir ne peut pas être égalitaire...”
Geneviève Pruvost invite donc à s’interroger sur ce qu’est le travail dans notre société et parle de “travail de subsistance” comme moyen de resensibiliser à l’écologie, car faisant appel à des savoir-faire paysans et artisanaux.
Elle articule cette critique et cette analyse de la société de consommation avec ce qu’elle appelle le “féminisme de subsistance” clé de voute d’une reconfiguration de la société.
L’autrice invite à s’appuyer sur une critique de la façon dont on lie notre quotidien à la dimension nourricière pour penser une réorganisation de la société. C’est par des bascules que les changements vont s’opérer et ces bascules se matérialisent dans plusieurs lieux sur lesquelles des communautés de personnes expérimentent de nouvelles façons de vivre le quotidien plus en lien avec les logiques environnementales et écologiques. Notre-Dames-des-Landes est un des exemples d'expérimentation de ce quotidien qui réinvestit concrètement nos liens au monde vivant.
“Dans les sociétés industrielles, le concernement pour l’environnement et les injustices environnementales ne peut être qu’abstrait et l’éthique écologique se focalise le plus souvent sur quelques articles de consommation.”
On en parle avec
Geneviève Pruvost, sociologue du travail et du genre au Centre d’étude des mouvements sociaux , elle co-dirige un master avec un parcours en Etudes environnementales et est autrice de “Quotidien politique Féminisme, écologie, subsistance” Ed. La Découverte collection l’Horizon des possibles.
14h29
Camille passe au vert du mercredi 29 décembre 2021 Par Camille Crosnier
Les invités Geneviève Pruvost sociologue du travail et du genre au Centre d'études des mouvements sociaux (CEMS/EHESS)
L'équipe Thierry Dupin Programmateur musical Valérie Ayestaray Réalisatrice Chantal Le Montagner Chargée de programmes Lucie Sarfaty Chargée de programmes Anna Massardier Attachée de production Camille Crosnier Journaliste et chroniqueuse
Connu / la radio du jour et https://tools.immae.eu/Shaarli/ind1ju?Y72kRQ