Propos recueillis par Natacha Polony, Hadrien Mathoux et Soazig Quéméner
A la veille d'un scrutin décisif pour le projet européen, le leader de La France insoumise détaille ses orientations sur l'UE, la laïcité ou l'écologie. En ligne de mire de Jean-Luc Mélenchon : 2022.
Marianne : En 2017, votre message était : « L'Europe, on la change ou on la quitte ». Désormais, vous dites : on discute et si les discussions n'aboutissent pas, on désobéit pour appliquer le programme…
Jean-Luc Mélenchon : Un paramètre est pour moi essentiel : je crois à la puissance de la France. Le point de départ de mon raisonnement est l'état du rapport de force entre Français et Allemands. Tout se joue là, entre deux visions de l'Europe construites au fil du temps. A chaque étape, les gouvernements allemands ont affirmé leur ordolibéralisme. Ils n'ont rencontré aucune résistance des gouvernements français, moitié par faiblesse, moitié par désinvolture. D'autant que régnait le mythe du « modèle allemand ». Et quand on a ouvert l'Europe à 10 pays de plus, les Français l'ont fait avec angélisme, sans mesurer le déséquilibre ainsi créé. Puis les traités successifs ont donné force de loi à l'imperium ordolibéral allemand. Sortir de ces traités est notre objectif.
Mais jusqu'où peut-on aller dans ce rapport de force ? Et avec quels alliés ? Faut-il sortir du cadre européen ?
Le rapport de force est en train de basculer : les fondamentaux de l'Allemagne, sa démographie et son industrie, vacillent. Vingt pour cent de sa production industrielle, ce sont des voitures, ce qui crée les conditions d'une fragilité particulière. Car, pour que les voitures allemandes se vendent bien, il faut que les Chinois soient d'accord, les Américains aussi. Elle s'est rendue dépendante de la mondialisation, c'est-à-dire exactement la logique inverse de ce pour quoi a été créée l'Union européenne. Ce contexte peut être porteur pour la France si elle mène une politique décomplexée.
Il fallait faire peur en 2017. C'est moins nécessaire aujourd'hui.