La politique environnementale de Total et celle de Vinci comme cours aux lycéens ? C’est ce que propose un site de ressources pour les sciences économiques et sociales (SES). Il est validé par l’Éducation nationale. Des professeurs protestent.
...
site Melchior, qui propose aux élèves et professeurs de SES des ressources pédagogiques. L’affaire est sérieuse : les cours sont rédigés par des inspecteurs et enseignants de l’Éducation nationale (la Melchior Team) avec l’aide de chercheurs en sciences économiques et de gestion (les Melchior Angels). Le tout est contrôlé par un inspecteur de l’Éducation nationale. Melchior est issu d’un partenariat entre la vénérable institution et l’Institut de l’entreprise, un think tank regroupant plus d’une centaine de grandes entreprises françaises, dont Vinci, Air Liquide, Sanofi, Sodexo…
...
Association des professeurs de SES (Apses) ... « L’utilisation de ces ressources est régulièrement conseillée par des courriels de notre inspection, précise Solène Pichardie, coprésidente de l’Apses. On sait qu’elles sont utilisées notamment par les jeunes collègues qui démarrent dans le métier. » ... « Comment évaluer le modèle de la concession d’autoroutes ? Le cas de l’entreprise Vinci ». « On trouve ainsi un document de l’Association française des sociétés d’autoroutes (Afsa) qui affirme que “la privatisation a été une excellente affaire pour l’État” » ... L’« étude de cas » sur Total et le climat les a également interpellés. « Est-ce bien sérieux de mettre en avant cette entreprise sur ce sujet ? » ... Philippe Ciais, du Laboratoire des sciences du climat et de l’environnement (LSCE), déplore des chiffres « datant de douze ans ». « Les émissions ont depuis augmenté de 45 %, donc les efforts de réduction des émissions à faire dans le futur sont beaucoup plus importants qu’indiqué dans le cours », souligne-t-il. Hervé Le Treut, directeur de l’Institut Pierre-Simon-Laplace, appelle à la vigilance sur la question du gaz méthane utilisé comme source d’énergie ... « Le gaz peut avoir un rôle dans la transition mais n’est pas une solution », réagit le scientifique. « Le parti pris de Total se confond avec l’exercice pédagogique. » ... sur « Carrefour et la question de la biodiversité » développe « les actions de lutte pour la préservation de la biodiversité » menées par le distributeur. L’interdiction du traitement après récolte (mais de nombreux traitements ont lieu avant récolte) sur les fruits et légumes et le choix du label MSC (Marine Stewardship Council) pour les poissons sont mis en avant. « Ce label demande peu d’engagements », explique Yann Laurans, directeur du programme biodiversité et écosystèmes à l’Iddri (Institut du développement durable et des relations internationales). « Par ailleurs, la question de la viande, du lait et des œufs n’est pas abordée alors que le premier problème de la biodiversité est le changement d’usage des terres pour la production de protéines », dit-il.
« J’ai fait une thématique qui s’appelle climat et environnement justement pour ne pas avoir la seule vision des entreprises »
...
les deux scientifiques insistent surtout sur la nécessité d’une pluralité de sources et documents, qui permettraient « que les élèves soient capables de dire si Carrefour a une démarche de progrès ou si les efforts sont timides », conseille Hélène Soubelet.
Les professeurs de l’Apses défendent également la nécessité de cette pluralité de points de vue. ... Notre discipline a été particulièrement touchée par la réforme du lycée. Les nouveaux programmes, par exemple, présentent l’innovation comme l’unique solution à la crise environnementale. »
...
« On demande la fin de ce partenariat entre l’Institut de l’entreprise et l’Éducation nationale. La place des lobbys n’est pas dans l’école publique », poursuit Solène Pichardie. Questionnée par Reporterre, l’Éducation nationale ne nous a pas répondu.
Lire aussi : Total envahit les écoles avec la bénédiction du ministère de l’Education https://reporterre.net/Total-envahit-les-ecoles-avec-la-benediction-du-ministere-de-l-Education