#Aukus #Macron #Biden - 52 634 vues - 6,9 k - 49 - 232 k abonnés
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Tr.: ... Frédéric Piéruchi ex cadre d'Alstom ... questionner notre participation au commandement intégré de l'OTAN ... Naval Group en concurrence avec le groupe allemand thyssengroup n'ouvre pas à une défense européenne ...
Leurs histoires, touchantes, révoltantes, édifiantes ou inspirantes, nous disent quelque chose de notre actualité. Ils ont accepté de venir face à la caméra du Média pour les partager, et si possible nous bousculer et modifier nos perceptions.
Les relations diplomatiques franco-étatsuniennes battent de l'aile après l’annulation du "contrat du siècle" par l’Australie au profit des États-Unis. On décrypte avec Christophe « Politicoboy », journaliste et spécialiste de la politique américaine.
Camouflet international pour Emmanuel Macron et Jean-Yves Le Drian, dans la fameuse crise des sous-marins. Jeudi 16 septembre dernier, l’Australie annulait le « contrat du siècle ». Un contrat de 35 milliards d’euros concernant une douzaine de sous-marins conventionnels français. L’Australie a finalement préféré les sous-marins à propulsion nucléaires américano-britannique et s’est en même temps engagé dans une alliance militaire indo-pacifique avec les États-Unis et le Royaume-Uni.
Jean-Yves Le Drian n’a pas tardé à réagir en rappelant ses ambassadeurs présents en Australie et aux États-Unis. Il a également fustigé le gouvernement australien, allant jusqu’à parler de mensonge et de trahison, et compare Joe Biden à Donald Trump.
Mais comment cette crise est-elle perçue aux États-Unis ? Quelle place la France d’Emmanuel Macron a-t-elle dans l’agenda géopolitique de Joe Biden ? Où se situent les intérêts géostratégiques des États-Unis dans cette affaire ?
Pour décrypter tout ça notre journaliste Irving Magi a interviewé Christophe « Politicoboy », journaliste et spécialiste de la politique américaine.
L'entretien d'actu
Après deux décennies de surinvestissement militaire en Afghanistan, on assiste au retour des Talibans dans la capitale. Comment expliquer une telle déroute pour la première puissance mondiale ? On décrypte avec Alain Gresh, ancien rédacteur en chef du Monde Diplomatique et actuel directeur du site spécialisé Orient XXI.
Ces derniers jours, ce sont des images sidérantes qui nous parviennent d’Afghanistan. Des images de foules désespérées de personnes quittant ou essayant de quitter le pays. Des images de Talibans prenant leurs quartiers au palais présidentiel de Kaboul, un peu moins de 20 ans après avoir été chassés du pouvoir par une coalition internationale dirigée par les États-Unis.
Des États-Unis qui ont au final occupé l’Afghanistan et y ont englouti des milliards de dollars dans le cadre de ce qu’ils appellent le “state building”, c’est-à-dire la construction ou la reconstruction de l’État. Le retrait définitif des troupes américaines était prévu pour ce mois d’août 2021. Au final, on assiste à un retour à la case départ.
Les Talibans, ces combattants djihadistes obscurantistes désignés comme les ennemis publics du monde libre, punis pour avoir accordé l’hospitalité à un certain Ossama Ben Laden, sont de nouveau au pouvoir.
Face à cette actualité dont on sent confusément qu’elle marquera l’Histoire, on se pose des questions. Comment se fait-il qu’en dépit de 20 ans d’années de surinvestissement militaire, politique et économique des États-Unis, première puissance mondiale, les Talibans aient pu s’imposer aussi facilement ? Quelles sont les forces qui les soutiennent ? Sur le temps long, quelle est la signification de ce nouvel épisode, dont on ne sait pas très bien s’il est un épilogue ?
Pour en savoir plus, nous nous sommes adressés au journaliste Alain Gresh, ancien rédacteur en chef du Monde Diplomatique et directeur de l’excellent site spécialisé Orient XXI.
Un coup dans l’eau pour Valeurs actuelles. La pseudo-fiction illustrée dépeignant Daniele Obono en esclave dans l’Afrique du 18e siècle a suscité un tollé. Parmi de nombreuses réactions, le président de la République et le premier ministre ont assuré la députée de la France insoumise de leur soutien. L’expression de cette indignation était nécessaire, car contrairement à ce que pense l’historien Pierre Nora, la radicalité aujourd’hui n’est pas à gauche, mais à droite. Entre émergence d’un terrorisme suprémaciste blanc, infiltration des services de police par l’extrême-droite, contamination de la gauche républicaine par le racisme islamophobe, radicalisation des chaînes d’info, c’est bien du côté d’une pensée de l’affrontement des civilisations que se joue aujourd’hui la recomposition des forces politiques. Dans ce paysage, la partition assurée par le magazine consiste à multiplier les ballons d’essais et à banaliser les idées qui s’élaborent dans les coulisses de la fachosphère.
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le racisme négrophobe européen n’a pour seule finalité que d’exonérer les Blancs des crimes de la traite atlantique, en métamorphosant en détermination «naturelle» un destin prescrit par la recherche du profit. A tous ceux qui, comme l’a illustré la polémique sur le retitrage du roman d’Agatha Christie, n’ont pas les idées claires sur la nature du racisme, une synthèse récemment publiée apporte heureusement un éclairage saisissant, et permet de faire la part entre une histoire générale de l’esclavage, mise en avant par l’extrême-droite pour mieux diluer la responsabilité blanche, et la spécificité du «commerce triangulaire»2. Inventée par le Portugal au XVe siècle et développée au cours des siècles suivants, la traite atlantique change fondamentalement la nature du trafic d’êtres humains, industrialisé et rationalisé par le capitalisme naissant, soutenu les Etats et les banques européennes, au point de devenir un facteur essentiel de la richesse et du développement de l’Occident. En cinq siècles, près de 35000 expéditions négrières traversent l’Atlantique, déportant aux Amériques plus de 12 millions d’hommes, de femmes et d’enfants africains, dans des conditions atroces.
Parmi les instruments forgés par les Européens pour effacer une responsabilité qui a toujours été moralement indéfendable, l’invention de la fiction du «nègre» joue un rôle de premier plan, explique Aurélia Michel. Issu du portugais «negro», ce terme n’est pas un simple synonyme péjoratif du mot «noir», mais l’essentialisation de l’Africain comme esclave: «Dès lors, l’association entre peau noire et esclavage est scellée par le vocable et, par extension, fait de l’Afrique le pays des esclaves.»
Selon Aurélia Michel, au moment même où culmine le système esclavagiste et où l’Europe des Lumières promeut la pensée d’une humanité comme un tout, la figure du nègre est la fiction nécessaire «qui représente la destruction permanente de son humanité». Et comme l’esclave se rebelle contre le statut qui lui est imposé, il faut constamment «le négrifier et le renégrifier» – «la fiction nègre est un procédé actif, toujours à refaire».
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1 Danièle Obono a reproduit l’intégralité du texte sur son compte Facebook. [↩]
2 Aurélia Michel, Un Monde en nègre et blanc. Enquête historique sur l’ordre racial, Paris, Seuil, 2020.
POLITIQUE Enquête
Alors que Laetitia Avia présente mercredi 13 mai en dernière lecture à l’Assemblée nationale sa proposition de loi de lutte contre la haine sur Internet, cinq ex-assistants parlementaires de la députée LREM dénoncent, preuves à l'appui, des humiliations à répétition au travail, ainsi que des propos à connotation sexiste, homophobe et raciste. L’élue « conteste ces allégations mensongères ».
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Connu / https://twitter.com/Maitre_Eolas/status/1260282818422280194
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Julien a retweeté Maitre Eolas @Maitre_Eolas · 8h
Lisez-la vite, cette enquête sera supprimée comme incitation à la haine dès la promulgation de la loi Avia.
Marine Turchi @marineturchi · 7h - 20 - 348 - 671
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51 min Ce programme est disponible en vidéo à la demande ou DVD
Un cadre usé par le chômage part en guerre contre le système qui l’a trahi... Adaptée du roman "Cadres noirs" de Pierre Lemaitre, cette série interroge les dérives libérales sous l’angle d’un thriller haletant, avec, dans le rôle principal, un Éric Cantona inattendu et attachant.
Alain Delambre, ancien DRH, est au chômage depuis six ans. Il multiplie les boulots ingrats pour faire face à la précarité, mais une altercation avec un employeur met fin à ce fragile équilibre. Malgré le soutien de sa femme Nicole, il commence à perdre pied. L’espoir renaît lorsque sa candidature retient l’attention d’un cabinet de recrutement pour un poste de DRH. Derrière ce mystérieux cabinet officie Alexandre Dorfmann, PDG d’Exxya, une multinationale en difficulté qui prépare un important plan de licenciement…
Humour du désespoir
À l’origine de cette fiction ambitieuse, il y a d’abord l’écriture experte et incisive de Pierre Lemaitre (prix Goncourt pour Au revoir là-haut), qui signe, avec la scénariste Perrine Margaine, l’adaptation de son roman Cadres noirs. Résultat : un thriller à teneur sociale non dénué d’humour noir, qui nous plonge dans la tête d’Alain Delambre, antihéros aussi ambigu que sympathique. Poussé à bout par six années de chômage, cet homme ordinaire va répondre à l’humiliation d’une manière toute personnelle. Le récit, haletant, se fait tour à tour pamphlet, polar, feuilleton judiciaire et drame familial. Dans ce rôle d’homme en colère qui déborde du cadre, Éric Cantona se révèle idéal. Son dérapage à moitié contrôlé se nourrit d’une énergie du désespoir qui n’exclut pas l’autodérision. Tout en tension, mouvement et lignes de fuite, la mise en scène de Ziad Doueiri (L’insulte, Baron noir) emboîte le pas au personnage. Une galerie de seconds rôles bien croqués complète ce tableau noir et réjouissant : Alex Lutz à contre-emploi, Suzanne Clément en épouse pas si dépassée, Alice de Lencquesaing en fille avocate embarquée dans la bataille, sans oublier Gustave Kervern, parfait en compagnon de galère drôle et philosophe.
Réalisation : Ziad Doueiri Scénario : Pierre Lemaitre Perrine Margaine Production : Mandarin Télévision ARTE F Producteur/-trice : Gilles de Verdière Image : Tommaso Fiorilli Montage : Camille Toubkis Musique : Eric Neveux
Avec : Eric Cantona (Alain Delambre) Suzanne Clément (Nicole Delambre) Alex Lutz (Alexandre Dorfmann) Gustave Kervern (Charles Bresson) Alice de Lencquesaing (Lucie Delambre (Lucie Delambre) Louise Coldefy (Mathilde Delambre) Nicolas Martinez (Grégory Ziegler) Xavier Robic (Bertrand Lacoste) Cyril Couton (Jean-Marie Guéneau) Carlos Chahine (Paul Cousin)
Costumes : Pierre Canitrot Décors de film : Françoise Dupertuis Chargé(e) de programme : Isabelle Huige Pays : France Année : 2019
Dans une tribune publiée par le journal Le Monde (20/11/2018), le sociologue Pierre Merle écrit que « le mouvement des « gilets jaunes » rappelle les jacqueries de l’Ancien Régime et des périodes révolutionnaires ». Et il s’interroge: « Les leçons de l’histoire peuvent-elles encore être comprises ? »
Je suis convaincu, moi aussi, qu’une mise en perspective historique de ce mouvement social peut nous aider à le comprendre. C’est la raison pour laquelle le terme de « jacquerie » (utilisé par d’autres commentateurs et notamment par Eric Zemmour, l’historien du Figaro récemment adoubé par France Culture dans l’émission d’Alain Finkielkraut qui illustre parfaitement le titre de son livre sur « la défaite de la pensée ») ne me paraît pas pertinent.
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Dans mon Histoire populaire de la France, j’ai montré que tous les mouvements sociaux depuis le Moyen Age avaient fait l’objet d’une lutte intense entre les dominants et les dominés à propos de la définition et de la représentation du peuple en lutte.
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J’ai montré dans mon livre, en m’appuyant sur des analyses de Pierre Bourdieu, que la Réforme protestante avait fourni aux classes populaires un nouveau langage religieux pour nommer des souffrances qui étaient multiformes. Les paysans et les artisans du XVIe siècle disaient : « J’ai mal à la foi au lieu de dire j’ai mal partout ». Aujourd’hui, les gilets jaunes crient « j’ai mal à la taxe au lieu de dire j’ai mal partout ». Il ne s’agit pas, évidemment, de nier le fait que les questions économiques sont absolument essentielles car elles jouent un rôle déterminant dans la vie quotidienne des classes dominées. Néanmoins, il suffit d’écouter les témoignages des gilets jaunes pour constater la fréquence des propos exprimant un malaise général.
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« Avoir mal partout » signifie aussi souffrir dans sa dignité. C’est pourquoi la dénonciation du mépris des puissants revient presque toujours dans les grandes luttes populaires et celle des gilets jaunes n’a fait que confirmer la règle. On a entendu un grand nombre de propos exprimant un sentiment d’humiliation, lequel nourrit le fort ressentiment populaire à l’égard d’Emmanuel Macron. « Pour lui, on n’est que de la merde ». Le président de la République voit ainsi revenir en boomerang l’ethnocentrisme de classe que j’ai analysé dans mon livre.
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La première différence avec les « jacqueries » médiévales tient au fait que la grande majorité des individus qui ont participé aux blocages de samedi dernier ne font pas partie des milieux les plus défavorisés de la société. Ils sont issus des milieux modestes et de la petite classe moyenne qui possèdent au moins une voiture. Alors que « la grande jacquerie » de 1358 fut un sursaut désespéré des gueux sur le point de mourir de faim, dans un contexte marqué par la guerre de Cent Ans et la peste noire.
La deuxième différence, et c’est à mes yeux la plus importante, concerne la coordination de l’action. Comment des individus parviennent-ils à se lier entre eux pour participer à une lutte collective ? Voilà une question triviale, sans doute trop banale pour que les commentateurs la prennent au sérieux. Et pourtant elle est fondamentale. A ma connaissance, personne n’a insisté sur ce qui fait réellement la nouveauté des gilets jaunes : à savoir la dimension d’emblée nationale d’un mouvement spontané. Il s’agit en effet d’une protestation qui s’est développée simultanément sur tout le territoire français (y compris les DOM-TOM), mais avec des effectifs localement très faibles. Au total, la journée d’action a réuni moins de 300 000 personnes, ce qui est un score modeste comparé aux grandes manifestations populaires. Mais ce total est la somme des milliers d’actions groupusculaires réparties sur tout le territoire.
Cette caractéristique du mouvement est étroitement liée aux moyens utilisés pour coordonner l’action des acteurs de la lutte. Ce ne sont pas les organisations politiques et syndicales qui l’ont assurée par leurs moyens propres, mais les « réseaux sociaux ». Les nouvelles technologies permettent ainsi de renouer avec des formes anciennes « d’action directe », mais sur une échelle beaucoup plus vaste, car elles relient des individus qui ne se connaissent pas. Facebook, twitter et les smartphones diffusent des messages immédiats (SMS) en remplaçant ainsi la correspondance écrite, notamment les tracts et la presse militante qui étaient jusqu’ici les principaux moyens dont disposaient les organisations pour coordonner l’action collective ; l’instantanéité des échanges restituant en partie la spontanéité des interactions en face à face d’autrefois.
Toutefois les réseau sociaux, à eux seuls, n’auraient jamais pu donner une telle ampleur au mouvement des gilets jaunes. Les journalistes mettent constamment en avant ces « réseaux sociaux » pour masquer le rôle qu’ils jouent eux-mêmes dans la construction de l’action publique. Plus précisément, c’est la complémentarité entre les réseaux sociaux et les chaînes d’information continue qui ont donné à ce mouvement sa dimension d’emblée nationale. Sa popularisation résulte en grande partie de l’intense « propagande » orchestrée par les grands médias dans les jours précédents. Parti de la base, diffusé d’abord au sein de petits réseaux via facebook, l’événement a été immédiatement pris en charge par les grands médias qui ont annoncé son importance avant même qu’il ne se produise. La journée d’action du 17 novembre a été suivie par les chaînes d’information continue dès son commencement, minute par minute, « en direct » (terme qui est devenu désormais un équivalent de communication à distance d’événements en train de se produire). Les journalistes qui incarnent aujourd’hui au plus haut point le populisme (au sens vrai du terme) comme Eric Brunet qui sévit à la fois sur BFM-TV et sur RMC, n’ont pas hésité à endosser publiquement un gilet jaune, se transformant ainsi en porte-parole auto-désigné du peuple en lutte. Voilà pourquoi la chaîne a présenté ce conflit social comme un « mouvement inédit de la majorité silencieuse ».
Une étude qui comparerait la façon dont les médias ont traité la lutte des cheminots au printemps dernier et celle des gilets jaunes serait très instructive. Aucune des journées d’action des cheminots n’a été suivie de façon continue et les téléspectateurs ont été abreuvés de témoignages d’usagers en colère contre les grévistes, alors qu’on a très peu entendu les automobilistes en colère contre les bloqueurs.
Je suis convaincu que le traitement médiatique du mouvement des gilets jaunes illustre l’une des facettes de la nouvelle forme de démocratie dans laquelle nous sommes entrés et que Bernard Manin appelle la « démocratie du public » (cf son livre Principe du gouvernement représentatif, 1995). De même que les électeurs se prononcent en fonction de l’offre politique du moment – et de moins en moins par fidélité à un parti politique – de même les mouvements sociaux éclatent aujourd’hui en fonction d’une conjoncture et d’une actualité précises. Avec le recul du temps, on s’apercevra peut-être que l’ère des partis et des syndicats a correspondu à une période limitée de notre histoire, l’époque où les liens à distance étaient matérialisés par la communication écrite. Avant la Révolution française, un nombre incroyable de révoltes populaires ont éclaté dans le royaume de France, mais elles étaient toujours localisées, car le mode de liaison qui permettait de coordonner l’action des individus en lutte reposait sur des liens directs : la parole, l’interconnaissance, etc.
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L’une des questions que personne n’a encore posée à propos des gilets jaunes est celle-ci : pourquoi des chaînes privées dont le capital appartient à une poignée de milliardaires sont-elles amenées aujourd’hui à encourager ce genre de mouvement populaire ? La comparaison avec les siècles précédents aboutit à une conclusion évidente. Nous vivons dans un monde beaucoup plus pacifique qu’autrefois. Même si la journée des gilets jaunes a fait des victimes, celles-ci n’ont pas été fusillées par les forces de l’ordre. C’est le résultat des accidents causés par les conflits qui ont opposé le peuple bloqueur et le peuple bloqué.
Cette pacification des relations de pouvoir permet aux médias dominants d’utiliser sans risque le registre de la violence pour mobiliser les émotions de leur public car la raison principale de leur soutien au mouvement n’est pas politique mais économique : générer de l’audience en montrant un spectacle.
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Au-delà de ces enjeux économiques, la classe dominante a évidemment intérêt à privilégier un mouvement présenté comme hostile aux syndicats et aux partis. Ce rejet existe en effet chez les gilets jaunes. Même si ce n’est sans doute pas voulu, le choix de la couleur jaune pour symboliser le mouvement (à la place du rouge) et de la Marseillaise (à la place de l’Internationale) rappelle malheureusement la tradition des « jaunes », terme qui a désigné pendant longtemps les syndicats à la solde du patronat. Toutefois, on peut aussi inscrire ce refus de la « récupération » politique dans le prolongement des combats que les classes populaires ont menés, depuis la Révolution française, pour défendre une conception de la citoyenneté fondée sur l’action directe. Les gilets jaunes qui bloquent les routes en refusant toute forme de récupération des partis politiques assument aussi confusément la tradition des Sans-culottes en 1792-93, des citoyens-combattants de février 1848, des Communards de 1870-71 et des anarcho-syndicalistes de la Belle Epoque.
C’est toujours la mise en œuvre de cette citoyenneté populaire qui a permis l’irruption dans l’espace public de porte-parole qui était socialement destinés à rester dans l’ombre. Le mouvement des gilets jaunes a fait émerger un grand nombre de porte-parole de ce type. Ce qui frappe, c’est la diversité de leur profil et notamment le grand nombre de femmes, alors qu’auparavant la fonction de porte-parole était le plus souvent réservée aux hommes. La facilité avec laquelle ces leaders populaires s’expriment aujourd’hui devant les caméras est une conséquence d’une double démocratisation : l’élévation du niveau scolaire et la pénétration des techniques de communication audio-visuelle dans toutes les couches de la société. Cette compétence est complètement niée par les élites aujourd’hui ; ce qui renforce le sentiment de « mépris » au sein du peuple. Alors que les ouvriers représentent encore 20% de la population active, aucun d’entre eux n’est présent aujourd’hui à la Chambre des députés. Il faut avoir en tête cette discrimination massive pour comprendre l’ampleur du rejet populaire de la politique politicienne.