Le bricolage ©Getty - Maria Korneeva
8 déc. • 54 min
Mesure-t-on l'importance du bricolage et de la maintenance dans notre monde où le jetable et l'innovation sont une obsession ? Donner plus d'attention aux objets et aux choses nous permettrait d'avoir un autre regard sur le monde et de réduire nos déchets.
Le soin des choses, pour un monde meilleur et non le meilleur des mondes. "Qu'ont en commun une chaudière, une voiture, un panneau de signalétique, un smartphone, une cathédrale, une œuvre d'art ou un tracteur ? Presque rien, si ce n'est qu'aucune de ces choses, petite ou grande, précieuse ou banale, ne perdure sans une forme d'entretien" précise Jérôme Denis professeur de sociologie et directeur du Centre de Sociologie de l’Innovation à Mines Paris PSL (Paris Sciences Lettres) et co-auteur du livre « Le soin des choses, politique de la maintenance » avec David Pontille chez La Découverte.
Ces choses ne traversent le temps que grâce à la maintenance et le reconnaitre nous permettrait de comprendre l’attachement de celles et ceux qui travaillent avec attention à les faire durer. Dans «Eloge du bricolage, Souci des choses, soin des vivants et liberté d’agir » Ed PUF, la docteure en philosophie Fanny Lederlin prône le bricolage contre la logique d’ingénieur qui épuise les ressources, dérègle le climat et étend son emprise sur la pensée et l’action humaine. "La praxis de bricoleur contre la praxis d’ingénieur, c'est une expérience menée « dedans » à l’intérieur d’un monde nature irrémédiablement défectueux et incurable, avec des possibles pour un monde meilleur et non le meilleur des mondes. Des objets, des choses, des trésors "dont la valeur, l’usage et la force tiendront pour partie au regard que nous poserons sur eux (c’est-à-dire à notre capacité d’interprétation), ainsi qu’à l’appropriation affectueuse, subjective et parfois subversive que nous saurons en faire".
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Le bricolage et la maintenance engagent les corps, comme dans tous ces métiers de l'ombre indispensables comme les métiers de la maintenance durant l'épidémie de Covid ou celui des hommes et des femmes de la maintenance dans le métro. Jérome Denis a rencontré Nadine exploitante de la station Quai de la gare sur la 6 qui inspecte chaque matin ses quais avec un regard, une attention particulière pour que le trafic et les usagers ne s'aperçoivent de rien. Il y a aussi José qui traque les graffitis et qui d'un geste jauge les panneaux , estime les réparations à faire. Ils sont des connaisseurs avec des compétences attentionnelles. C'est un autre rapport aux objets, donc au monde. Comme la collection, le recyclage est l’une des activités inhérentes au bricolage qui, s’arrangeant avec les moyens du bord, doit aussi « faire avec » les déchets.
Soigné les objets et le vivant
Jérôme Denis s’intéresse à la maintenance qu’il a découverte un peu par hasard, en réalisant une enquête sur la signalétique du métro : « On a découvert la face cachée de ces panneaux où il y avait un travail incessant de maintenance. La maintenance nous intéresse parce qu'elle donne à voir une forme très réaliste du monde qui nous entoure dans les pays riches où l’on vit à peu près correctement. La maintenance est une activité continue qui consiste à faire durer les choses, mais qui est pourtant largement déconsidérée. »
Un mot rassemble les deux ouvrages des invités, le soin, comme l’explique Fanny Lederlin : « Le point commun entre nos deux approches tient dans le fait que nous établissons une sorte de continuité entre le soin apporté aux choses et le soin apporté aux êtres vivants. C’est l'un des points de blocage de la pensée écologique jusqu'à encore aujourd'hui. Elle s'inscrit dans une forme de dualité qui voudrait, qui est le monde matériel et celui de la nature. Alors que ce n'est qu'en se saisissant ensemble et du monde et de la nature que nous pouvons nous orienter vers une société plus écologique. »
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"Être moderne, c’est bricoler dans l’incurable"
Fanny Lederlin a, dans sa réflexion, beaucoup travailler sur le soin des objets, mais aussi des déchets : « C’est une illusion de croire que l'on peut se débarrasser des objets et des déchets. J'inclus dans la notion de soin des objets, celle des déchets et des rebuts dont nous ne pourrons sans doute plus nous séparer. Il y a une citation qui m'a beaucoup inspirée dans le cadre de ma réflexion qui vient de Cioran dont l'un des aphorismes dit : "être moderne, c'est bricoler dans l'incurable". Ce monde qui est le nôtre aujourd'hui ne pourra pas être guéri. Il n'y a pas de solution à la crise que nous à laquelle nous faisons face. Cependant, il faut faire avec et il faut y répondre le mieux possible. Il faut réfléchir à la manière dont nous nous comportons avec les choses. »
La lutte contre l’obsolescence programmée
Pour Jérôme Denis, on assiste à un mouvement autour de la question de la longévité des objets à la fois aux États-Unis avec le droit à la réparation, mais aussi en Europe autour de la lutte contre l'obsolescence programmée qui est une lutte très importante : « Il y a eu récemment avec la campagne de vidéo de l'ADEME sur les vendeurs, un enjeu à penser la durée de vie des choses et donc des formes de consommation qui sont très différentes et qui ne sont pas simplement l'achat et ensuite l'abandon. On a perdu la capacité à faire durer les choses et c'est ça qu'il faut réapprendre aujourd'hui. Il suffit d'aller un peu à la campagne ou dans les quartiers populaires, il y a des gens qui savent très bien faire durer les choses. En revanche, il y a un enjeu qui est celui de la constitution d'une forme d'insouciance. Il faut réapprendre à travailler avec des compétences perdues. »
Avec :
Fanny Lederlin est Docteure en philosophie, autrice de «Eloge du bricolage, Souci des choses, soin des vivants et liberté d’agir »" Ed Puf et Jérôme Denis est professeur de sociologie et directeur du Centre de Sociologie de l’Innovation à Mines Paris PSL (Paris Sciences Lettres) Et co-auteur « Le soin des choses, politique de la maintenance" avec David Pontille chez La Découverte.
Tous les jours à 14h35 durant la COP28 , retrouvez Loup Espargilière , rédacteur en chef de Vert le méd
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Prendre part à un chantier collectif quand on n’a aucune compétence de bricolage, est-ce vraiment possible ? Notre journaliste a tenté l’expérience, et a été agréablement surprise. [SÉRIE 2/4]
Vous lisez la seconde partie de notre série « Le chemin de l’autonomie ». La première est ici https://tools.immae.eu/Shaarli/ind1ju?0nNeVA, la troisième ici https://tools.immae.eu/Shaarli/ind1ju?wvwQEg et la dernière là https://tools.immae.eu/Shaarli/ind1ju?e93PxQ.
Au programme : du bricolage entre femmes, un chantier participatif, une cueillette sauvage et l’éloge de la lenteur.
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il existe des chantiers partout en France https://fr.twiza.org/, qu’ils sont gratuits, et qu’un hébergement est souvent mis à disposition des bénévoles. Cet été, un « appel pour des reprises de savoirs » a même été lancé https://www.reprisesdesavoirs.org/lappel/ par des activistes, des chercheurs et des enseignants (entre autres) pour organiser un maximum de chantiers collectifs et retrouver « une autonomie politique et matérielle »
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Frédéric, architecte et animateur du chantier participatif, m’accueille et m’emmène dans le quartier des docks découvrir le fameux Hangar Zéro [1]. Là, le grand entrepôt aux briques rouges fait face au canal. Quelques goélands le survolent.
Frédéric m’explique qu’en 2016, des habitants se sont réunis pour fonder l’association LH-Ø (devenue une coopérative en 2019) et investir cet ancien hangar de stockage. Le but : le transformer en un lieu ouvert à tous, « un laboratoire citoyen de la rupture écologique ». « À terme, il y aura une ressourcerie, des ateliers partagés pour aider les gens à réparer leurs objets du quotidien », développe Frédéric. Ainsi qu’un potager, une salle de documentation, un restaurant, une boutique et des bureaux. « On veut que les gens du quartier s’approprient le lieu, on ne veut pas faire un truc de bobos hors-sol », précise Brice, ingénieur impliqué dans le projet.
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Notes
[1] Pour Hangar « zéro déchet, zéro énergie carbonée et zéro exclusion ».
[2] Avec du polystyrène et des dalles de faux plafond de réemploi, recouvertes de toiles de jute enduites de terre.
Connu / https://tools.immae.eu/Shaarli/ind1ju?1rIA-g
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