Opinion - 6 min / Eloi Laurent Economiste, professeur à Sciences Po et à l’université de Stanford
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après l’hiver de la sobriété énergétique, vient l’été de la sobriété hydrique.
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à l’été 2022, la France est entrée et pour longtemps dans l’ère des chocs écologiques et des doutes économiques : eau, énergie, climat, alimentation, toutes les ressources essentielles à la vie sont touchées ces derniers mois et toutes sont concernées par la nécessaire réinvention du modèle économique dominant.
Pédagogie de la catastrophe
... l’Ademe indique que « les Français sont désormais 51 % à déclarer avoir subi "souvent ou parfois" les conséquences de désordres climatiques (contre 27 % en 2015) » et que « 93 % désireraient revoir en partie ou complètement le système économique et sortir du mythe de la croissance infinie ». ... expérience intime de la déstabilisation de la biosphère ... d’un côté la sobriété désigne positivement une situation dans laquelle des ressources limitées (limites planétaires) sont utilisées pour satisfaire des besoins raisonnés (l’économie essentielle), ce qui peut se traduire par un état défini normativement comme un niveau de vie universel décent compatible avec les limites de la biosphère ; de l’autre, que les politiques de sobriété sont des mesures visant à assurer cette compatibilité.
https://www.calameo.com/read/000215022b1d91911d274
La sobriété peut ainsi être appliquée à un large éventail de dimensions du bien-être humain (santé, nutrition, éducation, mobilité, etc.) et les politiques de sobriété porter aussi bien sur l’offre que sur la demande ce qui permet de combiner transformations structurelles et conversions individuelles. On comprend immédiatement que cette sobriété-satiété est une sobriété-partage, qui devient d’ailleurs le point de convergence des courants de la post-croissance (décroissance, économie du donut, économie du bien-être) qui se retrouveront en mai au Parlement européen.
Retour à Epicure
... dans sa Lettre à Ménécée ... détournement de pensée qui consiste à présenter l’épicurisme comme une école de la jouissance sans contrainte. Le chercheur Ian Gough a récemment actualisé la pensée épicurienne en définissant trois principes au sujet des besoins humains :
- les besoins humains sont universels ...
- ces besoins universels diffèrent des processus visant à les satisfaire ...
- les « nécessités » désignent alors l’ensemble des biens et services considérés comme un minimum acceptable pour satisfaire les besoins humains dans une société donnée, ce qui les distingue du luxe ...
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Pour espérer maîtriser nos crises écologiques dans la justice, il nous faudra une débauche de sobriété-partage.