Manifestation en Israël, près de Jérusalem, pour la libération des otages du Hamas ©Maxppp - Jim Hollander/UPI
François Ducrocq : "Un événement traumatique, il marque le sujet à jamais" - Jeudi 23 novembre 2023 / L'invité de 6h20
Quelles sont les séquelles psychologiques d'anciens otages ? François Ducrocq psychiatre au CHU de Lille, coordinateur national adjoint des CUMP (cellules d'urgence médico-psychologique).
Avec François Ducrocq Psychiatre au CHU de Lille
Alors que les premières libérations d'otages israéliens du Hamas devraient avoir lieu dans les heures qui viennent, zoom ce matin sur ce qui attend ces otages une fois libérés : des médecins vont les examiner, ils auront droit à toute une batterie d'examens, mais il faudra gérer aussi le traumatisme psychologique qu'ils ont vécu. Une procédure que connait bien François Ducrocq, qui a notamment travaillé avec des victimes des attentats du Bataclan et de Nice.
Des troubles qui peuvent survenir "dans les années" qui suivent
Quand on est libéré, explique-t-il, "il y a évidemment quelque chose de l'ordre d'un soulagement et d'une libération, au sens propre du terme". "Mais on sait également qu'il y a très souvent des réactions un peu particulières, qu'on appelle des réactions dissociatives, avec l'impression que ce n'est pas la réalité, un sentiment de dépersonnalisation, l'impression d'être détaché de son corps. Des symptômes qui sont perçus, à la fois par le sujet lui-même et par son environnement, comme assez atypiques."
D'autant que ces séquelles peuvent ne pas apparaître immédiatement, mais faire l'effet de bombes à retardement. "Ces pathologies, qui tournent essentiellement autour de ce qu'on appelle le trouble stress post-traumatique, sont susceptibles de survenir dans les jours, dans les semaines, dans les mois et parfois même dans les années qui suivent un événement traumatique."
"C'est un trouble qui s'articule autour de quatre grands axes", précise le psychiatre. "Des symptômes de répétition, le fait de revivre les scènes traumatiques, le jour au travers d'intrusions, de flashbacks, la nuit au travers de cauchemars traumatiques. Un deuxième groupe s'articule autour des conduites d'évitement des situations, des conversations, des lieux... Il y a également des problèmes d'humeur, de cognition, un sentiment de honte, de perte d'intérêt. Et enfin, un quatrième groupe très parlant, qui provoque d'ailleurs souvent l'accès aux soins, d'hyper-éveil, avec des sentiments d'hyper-vigilance, un sentiment d'insécurité qui peut devenir permanent."
"On va leur apprendre à vivre avec"
Ces symptômes peuvent toucher toutes les victimes, qu'il s'agisse d'hommes, de femmes, ou d'enfant, sans réelle spécificité. "Chez l'enfant, il y a des symptômes un peu particuliers, notamment autour de ces réactions dissociatives, et des symptômes parfois assez atypiques, qui peuvent ressembler à de la dépression ou à de l'anxiété générale. Mais globalement, même si les grilles de lecture divergent un peu, l'approche et la prise en charge est à peu près la même."
Est-ce qu'à terme, certains parviennent à tout effacer, à ne plus y penser ? "Effacer, ce n'est pas le terme le plus adéquat", explique François Ducrocq. "Et pourtant, c'est souvent la demande des patients, qui nous disent qu'ils veulent effacer tout ça, vivre sans. On leur répond souvent qu'on va plutôt leur apprendre à vivre avec. Ce qui peut s'effacer, ce sont les symptômes. Ce trouble de stress post-traumatique peut guérir et va guérir si la prise en charge est adaptée. C'est vrai que ça dépend d'un tas d'éléments, cette médecine est complexe. Mais l'événement traumatique, j'ai envie de dire qu'il est gravé à jamais, qu'il marque le sujet à jamais, au point de fausser son destin psychique."
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