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Les 15 jours consacrés à l'Assemblée Nationale aux mesures sur les retraites ont été marqués par la stratégie des députés insoumis. Nous avons assisté pour la première fois depuis longtemps à une sorte de dérèglement méthodique de tous les rituels parlementaires pour faire entrer enfin dans cette enceinte la politique à l'état pur, la vraie, la politique non domestiquée par des formes fictives.
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L’idée de débat et d’échange parlementaire est un mythe. Toute personne qui a déjà regardé des séances de l’Assemblée nationale sait qu’aucun argument, même le plus rationnel, ne fait jamais changer le moindre vote ... des prises de parole qui se déroulent dans l'indifférence générale
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La stratégie de la montée en tension a permis de relayer dans l'assemblée la colère qui s'exprime dans la rue. Elle a permis aussi d'empêcher les macronistes de voter tranquillement, avec bonne conscience, ces mesures de régression sociale et d'exercer, assis sur leur siège rouge, une extrême violence sur la vie des autres, avant de rentrer chez eux en ayant le sentiment du devoir accompli et d'avoir été de bons parlementaires. Etre une opposition non violente (discursivement), domestiquée, c'est faire le jeu de la majorité et lui être loyal. C'est lui permettre de se dire : j'ai débattu, j'ai écouté, j'ai voté, tout va bien. Faire exploser ce rituel, faire bouillir l'assemblée, en faire un lieu de tension, les bousculer, c'est rappeler à chaque député de la majorité la violence que représente le fait de voter ces Lois pour celles et ceux qui vont voir les conditions de leur vie et de leur mort s'aggraver. C'est leur retirer la bonne conscience (et c'est déjà quelque chose). Et c'est aussi accroître le rejet à leur encontre qui sera susceptible, dans le futur, d'être la base d'un mouvement de conquête de l'appareil d'Etat.
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Les macronistes voulaient contrôler le temps politique. Les insoumis ont subverti ce dispositif, ils se sont appropriés le temps - et c'est une conquête décisive.
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moment de véridiction. Il y a eu des polémiques sur Thomas Portes posant avec un ballon sur lequel était collé un masque du ministre du travail ou Aurélien Saintoul le traitant d'«assassin» et d'«imposteur».. Si certains se sont empressés de dénoncer cela comme des "excès", il faut au contraire les voir comme les pièces essentielles d'une opération stratégique visant à mettre en question la déréalisation qu'opèrent les rituels politiques et à rappeler la vérité de ce qui se joue sur la scène dite politique. Il n'est pas indifférent que Thomas Portes soit cheminot et que la présidente de l'assemblée nationale qui l'a exclu possède 1,5 million d’euros d’actions chez l’Oréal, 40 000 euros d’actions émanant de plusieurs multinationales (LVMH, Kering, Axa, Total, BNP Paribas…) C'est comme si la lutte des classes avait fait irruption de manière quasi-parfaite au sein de l'assemblée
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si le 7 mars est une réussite, ce sera en grande partie grâce aux députés insoumis.