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Pierre Boccon-Gibod, Mi-chômeur, mi-pigiste, armé d'une maîtrise en philosophie
À l'heure où Macron s'efforce de « rediaboliser » le FN, revenons sur la relation ambigüe du président sortant avec l'extrême droite. Au-delà de la proximité affichée entre l'extrême-centre libéral et l'extrême-droite ethnocapitaliste pendant le mandat, le but est ici de présenter la logique de cette relation. Si vous voulez faire barrage à l'extrême droite, cette lecture est pour vous.
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Politique
Coralie Delaume est essayiste. Elle collabore à Marianne et anime notamment le blog l’Arène nue. Elle a publié Le couple franco-allemand n'existe pas (Michalon, 2018), mais aussi, avec David Cayla, La fin de l’Union européenne, (Michalon, 2017) et 10 + 1 questions sur l'Union européenne (Michalon, 2019).
L’utilisation du 49.3 le rappelle crûment : les outils politiques à la disposition du peuple pour influer sur le cours des choses disparaissent peu à peu. Et c’est grave.
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Le référendum
On savait déjà que les référendums ne servaient plus à rien. L'épisode de celui sur la Constitution européenne en 2005 et de la victoire du « non » à près de 55 %, suivie trois ans plus tard par l'adoption du traité de Lisbonne, s'est chargé de nous l'enseigner. Car c'est bien le même texte qui a été imposé par Nicolas Sarkozy et voté par le Parlement en 2008. Pour qui serait tenté d'en douter, il suffit de se remémorer ce mot du père du Traité constitutionnel, Valéry Giscard d'Estaing. Dans Le Monde du 26 octobre 2007 https://www.lemonde.fr/europe/article/2007/10/26/vge-sur-le-traite-europeen-les-outils-sont-exactement-les-memes_971315_3214.html il affirmait: « dans le traité de Lisbonne, rédigé exclusivement à partir du projet de traité constitutionnel, les outils sont exactement les mêmes. Seul l'ordre a été changé dans la boîte à outils. La boîte, elle-même, a été redécorée, en utilisant un modèle ancien, qui comporte trois casiers dans lesquels il faut fouiller pour trouver ce que l'on cherche. ». Puis d'ajouter : « [le Traité] est illisible pour les citoyens, qui doivent constamment se reporter aux textes des traités de Rome et de Maastricht ». Quoi de mieux qu'un texte illisible, en effet, pour décourager toute velléité de vérification ?
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Le Parlement
... comme le déplorait déjà Guy Carcassonne dans son célèbre ouvrage sur La Constitution (Seuil, 2014), les modalités récentes d'usage du 49-3 constituent une dérive : « on a vu se banaliser une arme dont l’utilisation devait rester exceptionnelle. Elle était faite pour des gouvernements fragiles, elle est utilisée par des gouvernements forts […] Elle était faite pour conclure un débat, elle est utilisée pour y couper court. Elle était faite pour mettre les députés devant leurs responsabilités, elle est utilisée pour affranchir le gouvernement des siennes ». Il faut dire aussi, ô surprise, que l'opposition s'oppose. A défaut de pouvoir « dissoudre le peuple », finira-t-on par interdire l'opposition ?
La grève
... Le mouvement social dans les transports, notamment, s'est révélé comme le plus long qu'ait connu la France en trente ans. Plus long que celui de 1986-87 sur les salaires (28 jours) et que celui de 1995 (22 jours). Si l'on en croit les sondages, il était de surcroît très soutenu. Il n'en a été tenu aucun compte.
L'élection présidentielle
... que « l'extrême-centre » se nomme « Les Républicains », « Parti socialiste » ou « En marche », c'est toujours la même politique qui est menée. Une politique néolibérale faite d'européisme indépassable, d'austérité budgétaire, de libre-échange et de déflation salariale.
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Longtemps, le fhttps://www.marianne.net/debattons/entretiens/david-cayla-les-regles-europeennes-determinent-strictement-le-cadre-economiqueait que les candidats du « bloc bourgeois » aient été artificiellement répartis dans deux formations politiques, l'une de droite et l'autre se disant de gauche, a été l'assurance vie du statu quo. Les Républicains et le PS se partageaient équitablement le pouvoir, et en faisaient la même chose. La réunion, sous la bannière macroniste, des faux adversaires qu'étaient l'aile centriste du parti de droite et l'aile droite du parti de « gauche », a certes clarifié les choses. Le rôle d'assurance-vie du système est désormais joué par le Rassemblement national. En 2022, sa présence au deuxième tour pourrait assurer la victoire à l'un ou l'autre des « Macron » potentiels qui se trouvera en face, quels que soit son nom et son étiquette. Si les référendums ne servent plus à rien, si la grève est sans effet, si le Parlement est contourné et si l'élection présidentielle ne consiste plus qu'à choisir tantôt entre des clones, tantôt entre l'un des clones et le chaos, il ne reste plus rien de la démocratie. Aussi ne faudra-t-il pas s'étonner que les électeurs ne se précipitent plus aux urnes pour défendre celle-ci en « faisant barrage ». Ils pourraient même se dire qu'après tout, la dérive autoritaire, on y est déjà.
Lire aussi
"Les élections européennes ne changeront pas la nature des politiques européennes" https://www.marianne.net/debattons/entretiens/david-cayla-les-regles-europeennes-determinent-strictement-le-cadre-economique
Clés : démocratie ; Emmanuel Macron
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L'historien Pierre Serna, de la Sorbonne, inventeur de l’expression « extrême-centre », a montré dans un livre récent qu’Emmanuel Macron est un parfait représentant de cette tradition politique française née avec la Révolution et l’apparition de ceux qu’on appelait à l’époque « les « girouettes ».
Pierre Serna se réfère aux précédents historiques, nombreux en France de Napoléon Bonaparte à De Gaulle, pour montrer à quel point le macronisme au pouvoir aujourd’hui présente toutes les caractéristiques habituelles de l’extrême-centre, qui est foncièrement anti-démocratique :
– Le ralliement d’hommes politiques et de hauts fonctionnaires qui viennent de tous les bords politiques et ont retourné leurs vestes.
– Un discours de la modération, de l'ordre, de l'intérêt général, qui renvoie toutes les oppositions aux extrêmes pour les criminaliser, et qui s’accompagne dans la réalité d’une répression policière féroce, extrêmement violente contre les contestations sociales et politiques
– Une domination totale du pouvoir de l'exécutif (le gouvernement et l’administration, préfectorale notamment) sur le législatif, c’est-à-dire sur le Parlement, ce dernier étant réduit à une chambre d’enregistrement des décisions du chef et de son entourage. Cela signifie une perte totale de représentativité et donc de légitimité du pouvoir, quand bien même la légalité est (en apparence au moins) respectée. Autrement dit, c’est la fin de la démocratie.
Clés : #Macron #Extrême
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