A la faveur du rachat de Twitter par Elon Musk (voir mes 2 articles d’analyse : “L’oiseau, le milliardaire et le précipice” et “Free as a Capitalist Bird. Quand dire c’est défaire“) et des diverses annonces et décisions totalement erratiques qui s’en sont suivies (licenciements en nombre jusqu’à diviser par 2 la masse salariale de l’entreprise, annonce d’une certification payante à 8 euros par mois, cadences infernales imposées …) je suis retourné sur Mastodon, un environnement venu du monde du logiciel libre, avec une architecture décentralisée et qui est une partie importante du “Fediverse” (Federated Universe).
Je veux livrer ici quelques éléments de ressenti et d’analyse.
Mastodon a été créé en 2016, 10 ans après la création de Twitter, et a toujours été présenté comme son alternative libre : c’est un réseau social de micro-publications (les “pouets” ou “toots” en anglais), on peut suivre des gens, et partager ce qui s’y dit (re-pouets). Le tout sans publicité (Ô joie). Et dans un cadre décentralisé, c’est à dire qu’il n’y a pas de serveur unique mais des “instances” que chacun peut créer, héberger et administrer, auxquelles on peut s’inscrire, et qui sont inter-reliées (le fait d’être inscrit à une instance permet de suivre aussi ce qui se dit dans les autres instances liées).
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Pour l’instant l’expérience Mastodon (la mienne en tout cas)
comprend une limite et une promesse.
- La limite c’est que beaucoup de comptes (dont le mien) sont “vierges” ou quasiment de toute publication (pouet). Or la dynamique d’adhésion à un compte tient souvent à la lecture (rapide) de ce qu’il raconte ...
- La promesse c’est celle d’une rupture avec “l’immersion informationnelle contrainte”. J’entends par là que nos comptes Twitter et surtout nos “fils” (feeds) Twitter sont une membrane poreuse et transparente à l’actualité la plus brute et la plus immédiate. C’est d’ailleurs le principe même de Twitter, et ce fut son affordance principale dès son commencement, que d’être en capacité de documenter directement et immédiatement le réel, en tout cas les effets de réel les plus susceptibles d’être repris dans les médias. L’expérience actuelle de Mastodon, son affordance informationnelle, est à ce titre tout à fait singulière au regard de ce qui constitue nos environnements informationnels numériques “standards”. Le contenu de l’instance à laquelle on appartient (“fil public local”) ou le contenu “public” de l’ensemble des instances reliées (“fil public global”) ne ressemble pour le coup à … pas grand chose de connu.
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Le hiatus cognitif entre mon fil Twitter et mon fil Mastodon est abyssal. Twitter est la métabolisation écrasante et invariante d’une homophonie globale, là où Mastodon demeure pour l’instant une polyphonie troublante et variante
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L’un des enjeux sera de voir si ce hiatus cognitif finit par se combler et de quelle manière il le fera
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Sur Mastodon apparaissent 3 fils de discussion
- Accueil : comme sur Twitter, il montre les publications de toutes les personnes que vous suivez quelle que soit l’Instance ;
- Fil public local : montre les publications publiques des membres de votre Instance ;
- Fil public global : montre les publications publiques des membres de votre Instance ainsi que les publications publiques des comptes suivis par les membres de votre Instance.
... la sérendipité fonctionne à plein régime https://affordance.framasoft.org/2010/02/ingenieries-de-la-serendipite/ et en dehors de déterminismes algorithmiques ne répondant qu’à des enjeux de maximisation d’audience au service de la plateforme qu’ils (des)servent.
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pouvoir sortir au moins un peu d’un continuum numérique fait uniquement de la juxtaposition d’architectures techniques toxiques. Et de retrouver un peu du rêve initial d’univers discursifs ouverts et décentralisés. Et cela, quoi qu’il advienne, est déjà une excellente nouvelle.
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Ndlr : fait par https://mamot.fr/@affordance