Connu / TG le 16/06/24 à 22:44
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Une lecture trop rapide et basique des résultats électoraux peut laisser penser que Marine Le Pen est la candidate de la France rurale. La réalité est bien plus complexe.
Emmanuel Macron, président des villes, Marine Le Pen, candidate des champs. Au lendemain des scrutins électoraux en France, le même refrain résonne souvent. L’Hexagone serait divisé, fracturé même, entre deux entités irréconciliables : ses villes, réputées plus ouvertes et progressistes, et ses campagnes, cette « France périphérique »1 abandonnée à son triste sort.
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nouvelle définition fournie par l’Insee, qui se base depuis 2020 sur la grille communale de densité https://www.alternatives-economiques.fr/campagne-existe-t-statistique-publique/00095169#:~:text=La%20r%C3%A9ponse%20semble%20neutre%20%3A%20essentiellement,leur%20%C3%A9volution%20dans%20le%20temps.. D’après l’institut, « une commune rurale est une commune très peu dense ou peu dense et une commune urbaine est une commune très dense ou de densité intermédiaire ».
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pour Olivier Bouba-Olga, c’est moins la caractéristique du territoire que sa composition sociale qui explique le vote Le Pen.
Pour le comprendre, le professeur à l’université de Poitiers propose d’intégrer à son analyse des variables permettant de saisir les différences de composition sociale des territoires.
« La présence d’ouvriers et d’employés [réputés plus enclin à voter à l’extrême droite, bien qu’ils choisissent surtout l’abstention] dans une plus grande proportion à la campagne qu’en ville joue en effet beaucoup et peut effectivement expliquer une large partie des résultats de Marine Le Pen dans ces territoires », identifiait déjà le géographe Frédéric Gilli dans nos colonnes https://www.alternatives-economiques.fr/resultats-premier-tour-vraie-rupture-a-lieu-2017/00102980, au lendemain du premier tour de l’élection présidentielle.
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Connu / tg 2/5/22 à 23:48
Entretien Territoires zéro chômeur de longue durée : « Il faut assumer que ça coûte plus cher que prévu » Olivier Bouba-Olga économiste, professeur à l'université de Poitiers - 17/09/2020
Mercredi, la proposition de loi de la majorité pour étendre l’expérimentation « Territoire zéro chômeur de longue durée » (TZCLD) a été adoptée en première lecture par les députés. Lancée pour cinq ans sur dix territoires pilote, elle devrait être ouverte à 50 territoires de plus.
Le postulat porté par ATD Quart Monde reste le même : « Personne n’est inemployable, il y a du travail et il y a de l’argent ». Et le principe est simple : l’argent déboursé par les pouvoirs publics pour les allocations chômage ou les prestations sociales comme le RSA peut être utilisé pour embaucher ces personnes en CDI, dans des entreprises à but d’emploi (EBE) dont l’activité ne doit pas être en concurrence avec les services marchands sur un territoire. Sans obligation pour les personnes privées d’emploi toutefois, car on tomberait alors dans une logique de workfare, soit l’obligation d’effectuer des tâches d’intérêt général pour toucher une aide sociale.
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Les premiers résultats, qui ont fait l’objet d’un rapport intermédiaire fin 2019 https://www.alternatives-economiques.fr/avenir-territoires-zero-chomeur-de-longue-duree/00091113, sont encourageants, et près de 800 personnes sont aujourd’hui employées dans une EBE. Mais certains, comme l’économiste Pierre Cahuc https://www.lesechos.fr/idees-debats/cercle/opinion-le-vrai-cout-des-territoires-zero-chomeur-1241532, membre du comité scientifique, dénoncent le coût du dispositif, plus élevé que prévu.
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Le rapport Igas-IGF http://www.igas.gouv.fr/IMG/pdf/2019-050R.pdf met en évidence que, contrairement à ce qui était anticipé, l’expérimentation coûte plus cher à l’Etat que prévu. Les porteurs de l’expérimentation avaient calculé un coût par poste créé de 18 000 euros et un gain de dépenses sociales non réalisées (prestations comme le RSA, allocations chômage et externalités2 négatives résorbées) identique, de 18 000 euros. L’opération était donc censée être neutre pour les finances publiques. Le rapport Igas-IGF, lorsqu’il fait la somme de ce qui a été dépensé par les acteurs publics et le rapporte au nombre de salariés, obtient le chiffre de 25 000 euros par personne.
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Autre comparaison : le coût des emplois créés par le Crédit impôt compétitivité emploi (CICE), transformé en exonération pérenne : à 40 milliards d’euros, cela signifie 200 000 et 300 000 euros par emploi créé. On est loin du coût (même majoré) des emplois territoires zéro chômeur de longue durée.
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que ces territoires arrivent à mettre autour de la table tous les acteurs locaux, c’est-à-dire les autres agents économiques qui peuvent se sentir en concurrence, comme les acteurs de l’insertion par l’activité économique (IAE). Et ne pas oublier les représentants des entreprises privées car il y a un enjeu à ce que certaines personnes des EBE aillent ensuite vers l’emploi classique. Et enfin les collectivités locales, communes, intercommunalités, départements et régions qui peuvent répondre aux besoins de formation et d’accompagnement. On pourrait imaginer par exemple qu’un territoire candidat ait des lettres d’intention de la région sur le financement de la formation.
Un autre signe de « maturité » est que le territoire soit dans des logiques de coopération, que les acteurs travaillent bien ensemble, qu’il n’y ait pas de conflits.
La question du financement doit aussi être prise en considération.
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Enfin, il y a la question de l’encadrement intermédiaire, qu’il faut là aussi anticiper. Nous sommes de ce point de vue un peu en désaccord avec le fonds d’expérimentation qui était sur une logique très horizontale, sans hiérarchie et donc sans management intermédiaire. Sur le terrain, ce schéma ne fonctionne pas très bien. Nous plaidons pour des modes d’organisation moins innovants.
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On pourrait expérimenter contre le chômage un ensemble de réponses, et on obtiendrait ainsi une palette de solutions où piocher. C’est très puissant en termes de fabrique de la politique publique. Evidemment, on peut objecter qu’il y a rupture d’égalité entre les territoires. Néanmoins, je trouve cela pertinent à l’heure actuelle d’insister sur les possibilités de différenciation territoriale.
- Inspection générale des affaires sociales et Inspection générale des finances.
- Un agent exerce une externalité lorsqu’il crée, par son activité, un effet externe en procurant à autrui, sans contrepartie monétaire, une utilité ou un avantage de façon gratuite (externalité positive), ou au contraire une nuisance, un dommage sans compensation (externalité négative).
Propos recueillis par Céline Mouzon
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