Entretiens et débats
"Nous ignorons l’initiative populaire. Il nous faut un chef puissant qui nous donne la permission d’aller danser."
Article abonné
Chantal Delsol : "Lorsque la gauche aura compris qu'elle n'est pas détentrice du Bien, le pays ira mieux" - Publié le 10/07/2024 à 17:00 / Isabelle Vogtensperger
Entretien
Au lendemain des élections législatives, l'académicienne Chantal Delsol déplore l'anathème jeté sur le RN durant la campagne d'entre deux tours, quand « le wokisme et le racisme anti-blanc de LFI sont élevés à la dignité de progrès ». La démocratie, rappelle la philosophe, ne consiste pas à s’exhiber en héros en luttant contre un ennemi qui fait l'affiche.
Marianne : Que vous inspire la victoire du NFP ? Assiste-t-on à un blocage démocratique ?
Chantal Delsol : Non je ne vois pas cela comme un blocage démocratique. C’est plutôt une série d’arrangements ou de combines pas bien claires pour parvenir finalement, avec succès, à évincer le courant qui a eu le plus de voix. Ce courant est considéré comme l’ennemi, et à cet égard, il s’agirait plutôt d’une méconnaissance de ce qu’est la démocratie.
Celle-ci ne connaît que des adversaires, avec lesquels on débat au sujet de la teneur du bien commun. Lorsqu’un courant est considéré comme un ennemi, il faut le sortir du jeu démocratique et l’interdire. Les Allemands après-guerre ont interdit les post-nazis, les États-Unis ont interdit en son temps le Parti communiste. Il n’y a pas de honte à interdire un parti, car il y a des courants de pensée qui n’attendent que de pouvoir abolir la démocratie quand ils arriveront au pouvoir (c’était le cas des nazis et des communistes). La démocratie doit se défendre. ...
Ndlr : tout à fait d'accord sur la démocratie mais pas d'accord avec son point de vue sur LFI. Et pourquoi ce moralisme ? Dénoncer ACT
L'entretien d'actu
Clés : Amérique du Nord ; Capitalisme ; Critique des médias ; Culture ; Démocratie
Les algorithmes des grosses plateformes numériques nous manipulent-ils ? Font-ils de la politique ? Choisissent-ils à notre place les contenus que nous consommons et comment s’y prennent-ils ? Font-ils courir des risques à la démocratie ?
Notre invité, Marc Faddoul est chercheur en intelligence artificielle, diplômé de la prestigieuse université de Berkeley aux Etats-Unis. Il a également bossé pour Facebook. Marc Faddoul a cofondé une organisation à but non lucratif dénommée AI Forensics. Il travaille principalement sur deux projets passionnants : le premier vise à débusquer les secrets des algorithmes de recommandation de YouTube, Facebook, Amazon ou Pornhub ; et le second est un plugin qui permet de proposer un autre système de suggestions à ceux qui regardent nos vidéos sur Youtube et qui ont téléchargé le plugin en question.
Le plugin s’appelle YouChoose AI. Les constats de Marc Faddoul sont à la fois de bon sens et préoccupants. “YouTube décide ce que le monde regarde. Mais personne ne sait comment”, par exemple. L’algorithme de Tik Tok peut s’avérer dangereux pour l’équilibre mental des plus jeunes. Celui d’Amazon est construit pour créer un univers de concurrence déloyale au profit de la firme dirigée par Jeff Bezou. Et Pornhub promeut des catégories sexuelles problématiques. Voyage dans un univers où règne la loi de la jungle, de l’argent roi et du temps de cerveau disponible.
Tr.: ... logiciel libre ... ambivalence ... curation... YouChoose, système de recommandation alternatif, future plateforme de recommandation ... aller chercher les gens là où ils sont et les amener sur les alternatives ... interopérabilité adversarielle ++
... à la rentrée du Médiatv émission à 18 h "toujours debout !"
Ndlr :* aussi dispo sur peertube à https://tools.immae.eu/Shaarli/ind1ju?MVRI_A
Notre chroniqueur des livres replonge dans la pensée d’André Gorz, « adversaire irréductible du productivisme » et de Jacques Ellul, pour qui « le bluff technologique fait de nous des automates obéissants ». Bref, des visionnaires.
...
Pour Gorz, la crise économique des années 70 et l’envolée du chômage née dans son sillage n’était pas conjoncturelle. À ses yeux, c’était une erreur de parler de « crise », c’est-à-dire d’un dérèglement temporaire. Elle annonçait, selon lui, la mise en place d’un nouveau système où le travail tel qu’on le connaissait jusqu’ici serait aboli. C’est dans ce sens qu’il pronostiquait « la fin du travail ». L’expression lui fut reprochée par ses amis politiques de gauche lorsque fut publié dans les années 80 Adieux au prolétariat (Éd Galilée).
Il y avait un quiproquo sur le sens des mots. En réalité, ce que Gorz voulait signifier c’était la mort de la notion de « travail salarié à plein temps », ce qui fit de lui par la suite l’avocat infatigable du « partage du travail » et le chantre de relations sociales nouvelles. Quarante ans avant l’ubérisation de l’économie, ça n’était pas mal vu.
Il est l’un des premiers à avancer l’idée d’une allocation universelle d’un revenu d’existence
...
Que l’on s’interroge sur l’intelligence artificielle, sur les outils scientifiques supposés vaincre le réchauffement climatique, sur l’émergence des réseaux sociaux, les OGM, l’omniprésence des plastiques ou le bilan de la société numérique… « On retrouve un questionnement déjà au cœur de toute [la] réflexion [d’Ellul] », fait observer Chastenet.
...
Il appelle « bluff » ce discours séducteur justifiant l’expansion illimitée de l’empire technicien et qui nous plonge, avec notre consentement, dans un univers de diversion et d’illusion (…) Le génie technicien est d’avoir suscité une adhésion de fond de tout le corps social à l’éthique technicienne en produisant une rassurante banalité. »
...
À sa façon Ellul est un combattant. Son constat est rude mais il ne baisse pas les bras. Il croit à l’espérance, à la liberté et prône la décroissance avant l’heure.
...
Il rêve de citoyens prenant localement leur destin en mains, de sobriété volontaire avant l’heure.
« Penser global, agir local » : Jacques Ellul n’est pas le père de cette formule fameuse énoncée en 1977 par René Dubos. Mais elle colle parfaitement à la pensée du penseur écologique que fut Ellul.
...
Une atténuation significative du changement climatique est, fondamentalement, un défi technologique. En dehors de changements technologiques en profondeur, il n’existe pas de chemin crédible qui conduise à une atténuation significative du changement climatique.
(texte extrait du manifeste éco-moderniste.)
...
Les réacteurs à sels fondus utilisent une technologie totalement différente des centrales nucléaires actuelles, pour être sûrs, fiables, propres et moins chers, ce qui permet de proposer une alternative à la combustion des carburants fossiles.
La transition vers un monde alimenté par des sources d’énergie zéro-carbone nécessitera des technologies énergétiques avec une densité de puissance élevée, capables d’évoluer vers plusieurs dizaines de térawatts, afin d’alimenter une économie humaine croissante et de laisser plus de place à la nature sauvage.
...
La production efficace de chaleur et d’électricité fait des réacteurs à sels fondus un outil puissant et polyvalent pour stimuler la croissance économique et parvenir à une décarbonation profonde.
Dans ce type de réacteur le combustible est un liquide, un mélange de sels fondus (typiquement des fluorures ou des chlorures), plutôt que le combustible solide utilisé exclusivement dans les réacteurs conventionnels. Les sels fondus sont thermiquement et chimiquement stables et sont d’excellents fluides de transfert de chaleur, idéaux pour capturer et dissiper la chaleur du processus de fission.
...
Dans ce mélange de sels fondus, on dissout une matière fissile :
Uranium 235
Plutonium 239 issu du cycle Uranium – Plutonium
Uranium 233 issu du cycle Thorium – Uranium
ou un mélange d’actinides mineurs issu des déchets nucléaires actuels
…de sorte que le combustible et le liquide de refroidissement sont un et le même.
Ce type de combustible a de multiples avantages sur le plan de la sûreté, permettant d’éliminer ou de réduire certains dangers de la technologie actuelle, comme la pression, le terme source volatil, le contrôle actif de la réactivité, le refroidissement actif, la réactivité chimique, la prolifération, la réserve de réactivité, ou les transformations de liquides en gaz. Par exemple, une fusion du cœur est impossible dans un réacteur à sels fondus – le combustible est déjà un liquide.
Avec ces avantages de sûreté intrinsèques aux combustibles liquides, il est possible de proposer des concepts de réacteurs avec une réduction importante de coût par rapport à la technologie actuelle des réacteurs à eau pressurisée.
Sur le plan des déchets, utiliser un combustible liquide permet d’améliorer le taux d’utilisation du combustible, donc d’utiliser moins de combustible et produire moins de déchets. L’état liquide facilite le retraitement et permet pour certains concepts de séparer les actinides mineurs des produits de fission et de fermer le cycle nucléaire en sortant du système uniquement les « vrais » déchets du nucléaire, les produits de fission.
Les réacteurs actuels ont une seule utilisation – produire de l’électricité – parce que leur température de fonctionnement est limitée à un peu plus de 300°C. Un réacteur à sels fondus fonctionne à une température beaucoup plus élevée – environ 650 ~ 700°C, ce qui permet d’envisager de nouveaux marchés comme la chaleur industrielle, la production de carburants de synthèse, ou le dessalement de l’eau de mer. Avec une excellente capacité de suivi de charge, les réacteurs à sels fondus sont le partenaire idéal pour accompagner les énergies renouvelables intermittentes.
Testés avec succès dans les années 1960 aux Etats-Unis, les réacteurs à sels fondus sont aujourd’hui un des six concepts retenus dans le cadre du Forum International Génération IV. Malgré le multitude de différents concepts possibles dans la grande famille des réacteurs avec combustible liquide, c’est le concept français de réacteur nucléaire rapide à sels fondus (Molten Salt Fast Reactor, MSFR) qui a été retenu en tant que concept central pour la recherche sur cette 4ème génération.
A côté de ces avantages, les réacteurs à sels fondus sont confrontés à un certain nombre de challenges. La technologie n’a jamais été disponible dans le commerce. L’approbation réglementaire sera un processus long et coûteux. L’expérimentation sera nécessaire pour certains nouveaux concepts et applications de matériaux. Et l’obtention de financement est difficile en raison de l’engagement à long terme requis et du risque élevé de mettre en œuvre une technologie de rupture dans un environnement hautement réglementé.
ndlr : la sobriété n'est pas leur option, ils en sont les adversaires vu qu'ils sont croissantistes (sous-ensemble de l'ultralibéralisme ?). Vérifier ACT