La distance sociale. Voilà ce qui restera de la crise au lendemain de la crise. La distance qui devient distanciation, suffixe qui marque l'action, l'action de prendre ses distances, de les garder, d'en prendre soin de ces distances, puisqu'elles seules semblent prendre soin de nous.
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Le dernier (kilomètre) sera le premier (mètre).
Du dernier kilomètre de livraison au premier mètre de distanciation sociale, ce qui frappe aujourd'hui, à l'estomac, c'est que ce sont peu ou prou les mêmes acteurs techno-industriels qui sont à la fois prescripteurs, utilisateurs, concepteurs et fournisseurs de ces technologies de contrôle des corps en mouvement, de contrôle des sociabilités.
Et comme pour le dernier kilomètre, la question que pose la surveillance et le contrôle du premier mètre est celle de l'annihilation de toute possibilité de déviance, celle de la normalisation du contrôle, et celle de l'asservissement à la trace déjà laissée.
Du premier mètre au dernier kilomètre, une automatisation de la surveillance. Qui comme toutes les autres est également et d'abord l'automatisation de la surveillance des inégalités. Une surveillance, une mise à leur place, un contrôle des déplacements qui touche en priorité les plus pauvres, les plus exposés, les plus démunis, les plus asservis ; nous en faisons déjà l'observation quotidienne.
"La crise sanitaire ne fait qu’aggraver les inégalités et les violations des droits des personnes les plus vulnérables."
Comme le rappelait Cécile Coudriou, présidente d’Amnesty international France, au journal Le Monde. Et la revoilà, la boucle de rétroaction de l'injustice que pointe Virginia Eubanks
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