Publié le jeudi 2 janvier 2025 (première diffusion le vendredi 27 septembre 2024)
Du "Monde selon Monsanto", au monde des microbes, il n'y a qu'un pas, l'enjeu de préserver la biodiversité et du vivant. Depuis 1989, Marie-Monique Robin a réalisé une quarantaine de films d’investigation, s'intéressant aux dictatures, au brevetage du vivant, aux solutions pour demain.
Avec Marie-Monique Robin Journaliste d'investigation, réalisatrice, écrivaine
Quelles sont les racines profondes de ses convictions et les moments-clé qui ont forgé ses engagements ou ses actions ? Quelles ont été les expériences et les influences marquantes, les sources d’inspiration et les rencontres décisives qui ont construit sa vision du monde ? L’occasion de découvrir comment son histoire personnelle résonne avec les grands enjeux de notre époque.
La journaliste Marie-Monique Robin reçoit le Prix Albert Londres en 1995 et le prix Rachel Carson en 2009. Elle est également l'auteure en 2008 du best-seller traduit en 22 langues, et du documentaire éponyme « Le monde selon Monsanto ».
Ses parents étaient des chrétiens de la JAC, un mouvement d’émancipation de la jeunesse rurale
"Mes parents se sont rencontrés dans ce cadre et j'ai toujours dit que la JAC était une énorme agence matrimoniale. Elle a très bien marché et donné beaucoup de militants de tout ordre. Mon père a créé une coopérative des CUMA ou troisième GAEC de France pour ce qui me concerne, c'est à dire un groupement agricole d'exploitation en commun. On était plusieurs familles sur la même ferme. Une vision assez communautaire"
Dans sa famille elle a toujours entendu qu'il était possible de changer le monde et a choisi le métier de journalisme pour cette raison-là. La journaliste est issue d'une famille de paysans (sur six générations) devenu exploitants agricoles. Puis en Allemagne, pendant ses études, elle est marqué par la figure de Petra Kelly, militante du mouvement de la paix qui a cofondé en 1979 le parti Vert allemand, Die Grunen.
À écouter
Toutes vos questions sur le microbiote / Grand bien vous fasse ! - 51 min
Les paysans victimes du système
Le père de Marie-Monique Robin le reconnaissait : "Les produits qu'on a mis dans les champs sur notre ferme avant qu'elle ne passe en bio, il n'était pas question de les mettre dans notre jardin potager". Mais la documentariste ne jette pas la pierre aux utilisateurs de pesticides : "Les paysans ont été véritablement embarqués dans un modèle où on leur a beaucoup menti, caché sur la toxicité des produits. Et puis ils se sont retrouvés endettés. Mon grand-père, il n'avait jamais emprunté 0,01 €. Et un jour, mon père me dit "Tu vois le premier tracteur qui est arrivé sur la ferme en 1953, ton grand-père a vendu deux vaches au marché de Parthenay." Puis on a calculé qu'il fallait 80 vaches... Ils travaillent de plus en plus, et sont très endettés. Je rappelle qu'un agriculteur se suicide tous les deux jours, donc c'est un beau désastre et ils en sont conscients. Mais c'est très difficile d'en sortir tout seul si on n'est pas accompagné."
"Vive les microbes !"
Marie Monique Robin a réalisé un documentaire sur les microbes : "Le point de départ, c'est une explosion de l'asthme, des allergies. On est passé de moins de 3 % de la population mondiale il y a 50 ans, à plus 35 %. Et l'OMS parle d'une personne sur deux. Les scientifiques ont cherché à savoir pourquoi. Ce qui a changé, c'est le contact des enfants des villes n’ont plus de contact avec les microbes de la ferme, notamment des fermes laitières, qui sont d'excellents protecteurs de ces maladies d'origine inflammatoires. Quand un enfant entre en contact avec les bactéries, les champignons… Cela enrichit son microbiote intestinal, et stimule son système immunitaire qui pour être bien éduqué, doit être confronté à plein de microbes. Grâce à cette confrontation, il fait la différence entre une molécule dangereuse et une molécule qui ne l’est pas".
À écouter
Marie-Monique Robin / L'humeur vagabonde
Après La fabrique des pandémies, Marie-Monique Robin enquête sur le rôle bienfaiteur de ces mal-aimés de la biodiversité, dont 99 % sont pourtant indispensables à la vie. Elle a réalisé « Vive les microbes ! » un documentaire sur Arte diff le Mardi 8 octobre 2024 à 20.55
« Vive les microbes. Comment les microbiomes protègent la santé planétaire » chez La Découverte. Autrice de « Ces animaux qui nous protègent » Rue de L’échiquier (livre illustré) sortie le 4 octobre.
À lire
Pourquoi il faut doper son microbiote
Tr.: ...
à 20:10 "je militerai de plus en plus"
et par rapport aux microbes / microbes et lait cru / allergies
Publié le mercredi 1 janvier 2025 (première diffusion le vendredi 11 octobre 2024)
...
Tr.: ... messages d'auditeurs : tiers-lieu l'usine végétale ...
Publié le mardi 31 décembre 2024 (première diffusion le vendredi 8 novembre 2024)
La terre au carré
A la tête de l'ONG Reclaim Finance, Lucie Pinson milite pour mettre la finance au service de la planète. Elle a remporté le prix Goldman considéré comme le "Nobel de l'environnement" en 2020.
Avec Lucie Pinson Fondatrice et directrice de l’ONG ‘Reclaim Finance’
Alors que les indicateurs du changement climatique atteignent des niveaux record, l’expansion pétrolière et gazière se poursuit, à travers des projets financés par de grandes banques notamment françaises…La finance dominante aujourd'hui demeure en effet aux antipodes des objectifs de justice sociale et climatique.
Avec son ONG Reclaim Finance Lucie Pinson œuvre à convaincre les institutions financières de cesser leurs investissements à certains projets. Et ça marche ! Grâce à sa mobilisation plusieurs groupes financiers français ont décidé de sortir du charbon. Après le charbon, elle voudrait faire sortir les banques du gaz et du pétrole... Quelle est sa stratégie ? Comment s'y prend-elle pour échanger avec les géants de la finance ? Quels sont ses prochains combats ?
Elle revient pour nous sur son parcours, ses victoires et son engagement pour la lutte climatique, un combat qu'elle ne considère jamais perdu à l'avance tant qu'on continue à se battre.
De l'Afrique du Sud aux Amis de la Terre : la naissance d'une vocation
Issue d'un milieu ancré à gauche et rétive au patronat, Lucie Pinson a toujours été prédisposée à l'engagement associatif et militant. Son expérience en Afrique du Sud, confrontée à l'injustice sociale, l'a confortée dans ses convictions. De retour en France, elle rejoint le mouvement altermondialiste et réalise un stage au sein de l'AITEC, où elle découvre l'importance des questions financières dans les problèmes de développement : "Je me rends compte que ça ne va pas du tout m'aller, que je n'ai pas envie de tomber dans le stéréotype de l'expatriée qui habite en Afrique complètement déconnectée des réalités locales et qui fait à la place des habitants."
C'est ainsi qu'elle intègre Les Amis de la Terre et se focalise sur le financement des énergies fossiles, un levier d'action sous-exploité.
À écouter
Banques et financement des énergies fossiles : est-ce que ça bouge ?
La Terre au carré - 55 min
Alpha Coal : une bataille initiatique et une victoire significative
En 2013, Lucie Pinson s'attaque au projet Alpha Coal, une mine de charbon en Australie soutenue par Société Générale. "C'est un peu ma bataille initiatique." Elle dénonce l'impact environnemental désastreux du projet et la responsabilité de la banque française. Elle revient notamment sur son combat, mené en collaboration avec l'association basque Bizi, car elle raconte : "le défi est majeur parce que le climat à ce moment-là, c'est un non-sujet. Le charbon, également."
Après un an et demi de mobilisation, Société Générale se retire du projet, une première victoire importante pour Lucie Pinson.
Toujours en recherche de victoires concrètes
En effet, l'activiste ne cesse de le répéter : "Je suis obsédée par l'efficacité. Il faut mener des batailles qui soient efficaces". Sa stratégie repose sur l'identification d'objectifs atteignables à court terme et sur une intensification progressive du rapport de force. Elle obtient des engagements de banques françaises à ne plus financer des projets charbonniers en Australie, une avancée significative dans la lutte contre le financement des énergies fossiles.
Reclaim Finance : un nouvel outil pour cibler la finance climaticide
Forte de ses succès, Lucie Pinson crée en 2020 l'ONG Reclaim Finance, qui se concentre sur les acteurs de la finance, "l'angle mort de la lutte pour contre le réchauffement climatique". Son action lui vaut de remporter le prix Goldman pour l'environnement en 2020, reconnaissant son engagement sans faille et ses victoires face aux puissances financières qui alimentent la crise climatique.
Car "Nous pouvons gagner la guerre climatique", assure Lucie Pinson.
► En apprendre plus sur son parcours et ses convictions, ainsi que son approche déterminée de la lutte contre le réchauffement climatique, en écoutant l'intégralité de son intervention au micro de Mathieu Vidard.
À lire
Les banques françaises en première ligne du financement des nouveaux projets fossiles, dénoncent des ONG
Chroniques Le bateau IMOCA DeVenir de Violette Dorange, à quelques heures du départ pour le Vendée Globe
Une famille autochtone pêche, à Camopi, en Guyane, en 2014 ©AFP - BRUSINI Aurélien/hemis.fr
Droits de la nature : une histoire guyanaise
Publié le jeudi 26 décembre 2024 (première diffusion le mercredi 23 octobre 2024)
La terre au carré
9 décembre 1984, Awara, Guyane. Félix Tiouka, prononce un discours face aux officiels de l‘État français qui lancera la lutte pour la défense des droits des peuples autochtones. Le droit à leurs coutumes, basé sur l’équité entre humains et non humains, un droit du vivant, un droit de la nature.
Avec Marine Calmet Juriste
Dès le XVIe siècle, la Guyane subit les tentatives de colonisation par les Hollandais, les Portugais, les Anglais et les Français. Malgré une farouche résistance des populations autochtones, qui conduit un grand nombre de ces missions à l’échec, un véritable système colonial imposé par la France s’installe à partir du XVIIe siècle, et avec lui, ses codes juridiques.
Les conséquences sont nombreuses : chute démographique des populations autochtones décimées par les maladies importées par les colons, implantation d’un système esclavagiste, spoliation des terres, morcellement administratif… À l’aube du XXe siècle, en devenant un département français, la Guyane s’ouvre à un système administratif et juridique unique. Comme le veut la Constitution, les règles applicables y sont les mêmes que pour tout département ou toute région française et, même si quelques aménagements hérités des accords du passé sont possibles, les représentants garants des droits coutumiers ont, au fil du temps, été exclus de toute reconnaissance institutionnelle.
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Dans les années 1980, et alors que le recul de leurs droits s’est accéléré, les Amérindiens s’organisent. En décembre 1981, l’Association des Amérindiens de Guyane française (AAGF) est créée, devenant ainsi la première association de représentation et de promotion des droits autochtones guyanais. Félix Tiouka, alors jeune militant de la cause amérindienne, en deviendra le premier président.
"L'équité entre toutes et tous, humains et non humains"
Le 9 décembre 1984, le village d’Awara accueille le premier rassemblement des Amérindiens de Guyane organisé par l’AAGF, qui donne le coup d’envoi des luttes amérindiennes. Présentant le rassemblement comme une grande fête culturelle, avec chants et danses folkloriques, l’association invite les représentants de l'État (élus locaux, député de la Guyane, président du conseil régional, etc). Après ce premier temps festif, ils en profitent pour prononcer un discours politique, par la voix de Félix Tiouka, réclamant une restitution du territoire, une reconnaissance de l'identité amérindienne, et la possibilité pour les peuples amérindiens de développer leurs propres institutions. Ce discours marque l’histoire des relations entre la France et le département de la Guyane.
Pour Marine Calmet, juriste engagée dans les droits de la nature et présidente de Wild Legal, qui s’est rendue plusieurs fois sur place et connait très bien le dossier guyanais, Félix Tiouka « exprime le fait que notre modèle fondé sur la propriété privée et l’exploitation de la terre et des êtres ne peut dériver que vers des inégalités et des injustices, et vers l’appropriation par un petit nombre des richesses de la terre. Il y dit que tout leur modèle social autochtone repose sur l’équité entre toutes et tous, humains et non humains. C’est au cœur de la réflexion des droits de la nature : quelle société construit-on avec le droit ? »
Car pour la juriste, il s’agit bien d'établir un droit de la nature qui pourrait empêcher l'application sans limites de législations héritées de la période coloniale. « Ce sont les acteurs économiques qui définissent ce qui est important ou pas, ce qui existe ou pas, dans le mépris de ce qui existe déjà. »
À écouter
Prospérité et résistance autochtone en Guyane / C'est bientôt demain - 16 min
Les intérêts de l’environnement
Utopie jusqu’à il y a peu, l’idée commence à faire son chemin. Des événements comme la suspension du projet de la Montagne d’or, en Guyane, montre que la mise en avant des intérêts de l’environnement peut être un frein à l’utilisation de différentes législations – le Code minier ou le Droit des affaires –, contre les intérêts des populations autochtones et de leur territoire. Pour Marine Calmet, il est tout à fait nécessaire qu’émerge un droit de la nature, « un droit ou l’axiome de base n’est pas l’individu, mais le milieu. Car l’idée au fond, c’est bien celle d‘un droit fondé sur la réalité des écosystèmes et des modes de vie, et non pas sur une fiction, celle d’un individu abstrait placé au bout de la chaine alimentaire isolément et de façon artificielle.
En somme, un droit de la nature qui permettrait un meilleur équilibre dans les rapports de force entre intérêts du monde du vivant et intérêts économiques et stratégiques.
À écouter
Christopher Stone : la nature reprend ses droits / Sciences chrono - 29 min
Tr.: Minamata, Japon ... BLOOM...
26 septembre 1985, Coluche annonce la création des Restos du Cœur. Qu'est-il advenu de son projet de grande cantine gratuite ouverte à tous sans conditions ?
Avec Bénédicte Bonzi Doctorante en anthropologie à l'EHESS
Quarante ans bientôt après l’appel de Coluche, les Restos du Cœur, ce sont plus de 70 000 bénévoles, 2 200 centres, des centaines de millions de repas distribués et environ 1,3 million de personnes accueillies chaque année. Ce qui aurait dû être un éphémère dispositif d’urgence a fini par s’installer dans le paysage comme le mode d’approvisionnement de millions de personnes. Bénédicte Bonzi a participé entre 2017 et 2022 aux maraudes des Restos du Coeur, en Seine Saint-Denis, et elle en a fait le terrain de sa thèse et de son livre La France qui a faim. Le don à l'épreuve des violences alimentaires (Seuil, coll. Anthropocène, mars 2023).
"Nous sommes face à un système alimentaire violent, car les structures d'aide alimentaire, comme les Restos du Cœur, le Secours populaire ou d'autres acteurs, n'ont plus les moyens de faire ce pour quoi elles ont été constituées, affirme Bénédicte Bonzi. L'État français a ratifié des traités qui l'engagent sur la question du droit à l'alimentation, et malgré tout, un droit fondamental humain n'est pas respecté." Avec ce livre, elle veut montrer "le dessous de carte de l'aide alimentaire aujourd'hui en France, et qui prend les décisions".
Contraints de refuser des bénéficiaires
En septembre 2023, le président des Restos du Coeur, Patrice Douret lance un cri d'alerte : submergés, les Restos du Coeur sont contraints, pour la première fois, de refuser des bénéficiaires, et risquent de mettre la clé sous la porte.
Les structures de l'aide alimentaire subissent, elle aussi, l'inflation, explique Bénédicte Bonzi. Mais il n'y a pas que ça : elles reçoivent aussi toutes sortes d'injonctions. "Comme si ça ne suffisait pas de devoir lutter contre la pauvreté, on va utiliser ces structures pour lutter contre le gaspillage alimentaire et aujourd'hui, pour aller vers une agriculture vertueuse. Ce qui, en soi, me va très bien. Sauf que si on vient flécher des budgets sur des produits qui sont plus coûteux, on va avoir moins de produits par rapport à une file d'attente qui augmente."
Selon elle, le problème réside aussi dans la façon de penser l'agriculture :"Pour produire assez, il faut produire trop. Donc, on encourage au gaspillage, aux déchets". Depuis 2008, l'aide alimentaire est présentée comme un débouché pour les agriculteurs. Ce qui peut sembler être une bonne idée... Mais attention, souligne Bénédicte Bonzi, "cette construction ne permet pas une rémunération juste des producteurs. On n'est pas sur une agriculture vertueuse pour l'environnement, on est sur un modèle agro-industriel qui se tire une part belle. Et derrière, on va avoir des miettes à redistribuer pour donner l'illusion de la vertu..."
À écouter : "La lutte contre la pauvreté et la grande pauvreté doit être une priorité nationale" - L'invité de 8h20 : le grand entretien - 24 min
Clés Bien-être Société Associations – ONG Alimentation Restos du Cœur Pauvreté - Précarité Coluche
Vendredi 6 septembre 2024
Militante écologiste en guerre contre les industriels de la pêche, Claire Nouvian défend les océans depuis 2009 avec son ONG Bloom, qui lutte contre la destruction des fonds marins en alertant sur la surpêche.
Avec Claire Nouvian Directrice de l’association Bloom
...
"Nous n'avons pas assez peur du changement climatique"
...
Une réponse pénale
Elle parle de "globocide" pour décrire la destruction de l'ensemble du Système Terre. Un terme utilisé par le philosophe allemand Gunther Anders pour désigner l'extermination des êtres humains par la bombe atomique. "Le monde est en train de s'effondrer sous nos yeux, comment ne pas agir en conséquence ?"
Pour Claire Nouvian, la réponse doit désormais être juridique : elle en appelle aux magistrats pour faire évoluer le code pénal et contraindre les multinationales de cesser leurs activités, qu'elle qualifie de "criminelles" pour la planète. Sans quoi "la plupart de l'humanité ne pourra pas survivre".
Image ©Getty - rbkomar
Faut-il planter un milliard d'arbres à marche forcée ? - Lundi 3 juin 2024 / La terre au carré
54 min - émission en partenariat avec le média Reporterre.net
Fin octobre 2022, après un été marqué par des incendies exceptionnels, Emmanuel Macron a annoncé vouloir planter un milliard d'arbres en dix ans pour renouveler 10 % de la forêt française. Sur le papier, la promesse semble séduisante. Mais rapidement après cette annonce, des associations de protection de la nature, des scientifiques et des forestiers s'inquiétaient des conditions de la mise en œuvre d'un tel projet, en dénonçant même pour certains, une supercherie qui servirait en réalité à financer des coupes rases et à industrialiser la filière bois. À l'heure où les forêts sont en première ligne du réchauffement climatique, où en est ce projet de plantation d'un milliard d'arbres ? Pourquoi suscitent-ils la polémique ? C'est le dossier de la Terre au carré, en partenariat avec Reporterre net, le quotidien de l'écologie.
À écouter : Faire pousser plus vite les arbres dans les villes
L’Esprit d’initiative
3 min
« Un milliard d’arbres », une formule qui claque
Gaspard d’Allens qui a signé l’enquête explique qu’un milliard d'arbres, « la formule est très séduisante, c’est un bel élément de langage. Comme un spot publicitaire, on a envie d'y croire. Deux ans plus tard, la réalité est plus complexe. Ce plan d'un milliard d'arbres se révèle être une prime à l'industrialisation de la filière qui coûtera un pognon de dingue : huit à 10 milliards d'euros d'ici 2032. Et en plus, c'est contre productif d'un point de vue climatique. ». Pour Sylvain Angerand, ingénieur forestier et cofondateur de l’association Canopée - Forêts vivantes : « Ce plan provient d’une demande des coopératives forestières qui ont fait pression sur le président de la République, pour qu’il finance les coupes rases. Les incendies de l’été 2022 n’ont été qu’un prétexte. »
Pourquoi planter ?
Sylvain Angerand explique la priorité n’est pas de planter des arbres, « mais de les laisser grandir. Un bon forestier va juste venir couper les grands arbres arrivés à maturité et joue sur la lumière pour permettre à la régénération naturelle de prendre le relais même en cas d'incendie. La doctrine par exemple de l'ONF dans le Sud-Est, est de laisser repousser, c'est laisser revenir. Les pins maritimes ou les pins d'Alep germent après le feu… ». Ce que confirme Emelyne Faure, gestionnaire forestière, indépendante dans le limousin « La plantation reste un outil de gestion pour les propriétaires forestiers : 80 % de la forêt française se renouvelle naturellement. »
À écouter : La forêt française sous pression ne peut plus stocker autant de CO2
Planète verte
3 min
Une logique industrielle
En France, on plante déjà chaque année, on plantait de l'ordre de 60 à 70 millions d'arbres. Emmanuel Macron propose en moyenne de passer à 100 millions d'arbres. Donc on passerait de 850 millions en gros à 1 milliard. Mais le problème n’est pas la quantité, mais la qualité. Sylvain Angerand : « La forêt française est constituée aux deux tiers de feuillus : des chênes, des hêtres, des merisiers, des charmes… Il y a plus de 140 espèces différentes d'arbres en France. Donc il y a de la diversité, et un tiers des arbres sont des résineux. Or, l’industrie du bois a besoin de résineux. D’où ce plan pour remplacer les feuillus par des douglas ou des pins maritimes… »
Une forêt française pas si en forme
Pour Gaspard d’Allens l’état de santé de la forêt française s’est dégradé : « Les arbres français sont frappés par le réchauffement climatique avec 80 % de mortalité en plus, le puits de carbone a diminué de moitié. Comme la surface de la forêt grandit, c'est un tiers de la surface nationale, 17 millions d'hectares, mais ce n’est pas forcément un indicateur de bonne santé de la forêt. » Mais en aucun cas, son état nécessite de coupe rase. Sylvain Angerand : « Les coupes rases ne font pas de distinction entre les arbres qui pourraient rester et les autres… » Or pour atteindre l’objectif du gouvernement, Gaspard d’Allens explique : « qu’un rapport du Conseil supérieur de la Forêt et du bois, un organisme ministériel, les plantations l’ont été après coupe rases à 80 %. Or après les coupes rases, les écolos disent que c’est Verdun qu'elles sont à l’origine d’une chute pour la biodiversité. »
La suite : les causes de l'augmentation de la demande de bois, les solutions pour lutter contre l'appauvrissement des forêts... Sont à écouter dans l'émission.
À écouter : Ernst Zürcher : un scientifique au cœur de la forêt
Une journée particulière
49 min
Avec
- Gaspard d’Allens, journaliste à Reporterre.net, il a signé le 15 mai une enquête sur la promesse faite par Emmanuel Macron fin 2022 de planter un milliard d’arbres en une décennie : Planter 1 milliard d’arbres : comment le plan de Macron rase des forêts (reporterre.net). Au mois d’avril il a publié Des forêts en bataille aux éditions du Seuil. "Ce livre propose de réactualiser la critique de l’industrialisation des forêts et de présenter le mouvement populaire de défense des forêts qui émerge. La forêt, par son dynamisme et sa richesse, nous réapprend ce que peut être la coopération, la solidarité et l’attention."
- Emelyne Faure , gestionnaire forestière indépendante dans le limousin. En avril 2016 à Saint Léonard de Noblat (Haute-Vienne) avec son compagnon Emmanuel Nicolas elle a fondé le cabinet de gestion forestière ARBOGEST. Elle est membre de Pro Silva qui promeut la gestion des bois et forêts sans coupe rase : "Grâce à cette association j’ai réellement pris conscience de pourquoi j’étais devenue forestière et j’ai pu me former à la sylviculture que je pratique aujourd’hui".
- Sylvain Angerand , ingénieur forestier et cofondateur de l’association Canopée - Forêts vivantes
Chroniques Camille passe au vert - 5 min Projet de kérosène vert à Lacq : touche pas à ma forêt ! 75.000 tonnes de biocarburant destinés à l’aviation, soit 1% du kérosène actuellement consommé en France, devraient être produits en 2028 à Lacq, dans les Pyrénées-Atlantiques. Le collectif « Touche pas à ma forêt » ne compte pas laisser faire, et appelle à une mobilisation le samedi 15 juin, à Pau.
Valérie Masson-Delmotte ©AFP - FRANCK FIFE
Très investie dans la recherche fondamentale en sciences du climat et le partage des savoirs, Valérie Masson-Delmotte revient sur son parcours au sein du GIEC et insiste sur l'importance de porter la connaissance scientifique auprès de la société dans le cadre de la lutte pour le climat…
Valérie Masson-Delmotte est directrice de recherche CEA au Laboratoire des Sciences du Climat et de l'Environnement / Institut Pierre Simon Laplace (Université Paris Saclay).
Ses recherches portent sur la variabilité climatique, l'évolution des climats passés et leur impact sur le climat futur. Dans un petit livre intitulé Face au changement climatique publié aux éditions du CNRS, elle restitue notamment son expérience au sein du GIEC, en tant que co-présidente d’un des groupes de travail, de 2015 à 2023.
Tout au long de son parcours professionnel, elle a pris conscience de la nécessité de s’engager pour la démocratisation et l’appropriation des connaissances scientifiques vis-à-vis du changement climatique, et des leviers d’action permettant d’en limiter les risques.
Depuis, elle multiplie les prises de parole publiques, œuvre à la formation des décideurs, et mène des actions au quotidien.
Elle a ainsi co-présidé le groupe de travail sur les bases physiques du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat pendant 8 ans, et est toujours membre du Haut Conseil pour le Climat (2018-2024).
Elle est également membre du Comité Consultatif National d'Éthique (depuis 2022) et vient d’être nommée au Comité Éthique en commun INRAE–Cirad–Ifremer–IRD.
Elle vient d’être nommée au Comité Éthique en commun INRAE–Cirad–Ifremer–IRD.
À écouter : Le chaud et le froid du climat - Les Savanturiers 55 min
Continuer ses recherches sur le climat
La semaine dernière, on apprenait que la France avait enregistré en 2023 une baisse de 5,8 % de ses émissions de gaz à effet de serre par rapport à 2022. Un chiffre meilleur que celui qui était attendu, mais perçu comme conjoncturel par des associations environnementales en raison d'un hiver doux et du ralentissement économique. La semaine dernière, toujours, dans un appel lancé dans l'Obs, 70 personnalités réclamaient davantage de justice environnementale pour lutter contre les atteintes à la nature. Parmi les personnalités signataires du texte, Valérie Masson-Delmotte, climatologue qui, après huit ans passés au GIEC en tant que coprésidente du groupe un, a passé la main l'année dernière, sans pour autant cesser son engagement et ses recherches autour du climat. Valérie Masson-Delmotte vient de publier au CNRS éditions Face au changement climatique, un livre dans lequel elle raconte son parcours et l'importance des sciences du climat.
Une baisse remarquable des émissions de gaz à effets de serre
Valérie Masson-Delmotte note que cette baisse des émissions de gaz est remarquable, elle est encore en train d'être analysée en vue du prochain rapport du Haut Conseil pour le climat : « Par rapport aux anciens hivers doux et la pandémie, c'est le troisième épisode de baisse le plus fort, mais il y a encore des facteurs conjoncturels, comme les hivers doux, l'inflation, le pouvoir d'achat et la production industrielle. Mais il faut aussi se réjouir que cela s'inscrit dans le cadre d'une baisse des émissions de gaz à effet de serre dans une vingtaine de pays dans le monde. En France, les émissions de gaz à effet de serre ont permis d'éviter d'émettre dans le monde plusieurs milliards de tonnes de gaz à effet de serre, et les trajectoires de très fortes hausses à venir ou de très fort réchauffement sont considérées comme moins plausibles. Par contre, ce qui est aussi notable, c'est qu'on voit des résultats qui peuvent sembler encourageants, mais des tendances préoccupantes comme par exemple la forte hausse du transport aérien qui est de 15 %. »
Il reste encore beaucoup à faire pour baisser ces émissions à effets de serre
Malgré ces chiffres encourageants, Valérie Masson-Delmotte note qu'il reste encore beaucoup d'efforts à faire : « Il y a encore énormément à faire d'une part pour construire la décarbonation de nos activités économiques et aussi pour être mieux protégé face à un climat qui va continuer à changer. Nous sommes devant un bilan net des émissions de gaz à effet de serre qui pourrait ne pas tenir les objectifs que la France s'est fixés. Il y a ce qu'on émet, mais il y a aussi les forêts gérées ; on misait en partie sur l'accroissement des forêts pour contrebalancer une partie des émissions et ce puits de carbone des forêts a été divisé par deux sur dix décennies, ce qui montre l'importance de préserver les écosystèmes et leurs services et notamment le fait de pouvoir capter du carbone. »
À écouter : Vents et tempêtes, attention zone de turbulences à venir - La Terre au carré
52 min
2025, une année importante pour réaffirmer l'engagement de l'Europe face au climat
Le changement climatique souligne aussi la mise en œuvre du Green Deal européen qui est important dans tous les pays : « L'année 2025 sera essentielle pour réaffirmer quel sera l'engagement des pays européens dans le cadre de l'Accord de Paris. Ce sera aussi le moment pour préparer les caps qu'on se donnera collectivement, notamment entre 2030 et 2040. C'est une période qui va vraiment être critique en fonction de ce qui sera engagé pour aller vers la neutralité carbone ou non. »
Un risque de recul de l'ambition politique climatique ?
Corinne Le Quéré, présidente du Haut Conseil pour le climat, notait que ces 6 % de baisse étaient encourageants, mais qu'il allait falloir renouveler l'exploit chaque année et dans tous les secteurs. Alors que le Premier ministre affirme qu'il n'a de leçons à recevoir de personne en matière d'efficacité écologique et environnementale, le Haut Conseil pour le climat s’inquiète lui du risque de recul de l'ambition politique climatique : « On a besoin de garder le cap et le calendrier qui était prévu, notamment pour la programmation énergie climat, mais aussi la trajectoire pour l'adaptation. On voit bien que la France est touchée de plein fouet par les conséquences d'un climat qui se réchauffe. Dans le cadre du comité consultatif d'éthique, on travaille sur la préfiguration d'un avis sur les enjeux éthiques, santé et climat. Ce matin, la présidente de la Croix-Rouge faisait le point sur l'aide d'urgence aux 65 000 personnes déplacées lors des inondations dans le Pas-de-Calais. Il y a beaucoup de choses à apprendre des vulnérabilités qu'on voit déjà aujourd'hui. »
À écouter : Valérie Masson Delmotte, paléoclimatologue - Une semaine en France
41 min
Des pluies plus fréquentes et intenses en France dans le futur
Dans un climat qui se réchauffe, on s'attend à avoir des pluies extrêmes, plus fréquentes et plus intenses avec une tendance à l'augmentation des précipitations plutôt au nord de l'Europe : « Les récentes études d'attribution sur les tempêtes ont suggéré que les records de pluie ont été dopés dans un climat qui se réchauffe et comme on a construit en zone inondable et qu'en plus la mer monte, ce serait le moment pour évacuer l'excès d'eau sur le continent, mais c'est une fenêtre qui se réduit un peu chaque jour. Au moment des marées basses, on observe que c'est le début de configurations qui vont être plus compliquées à gérer dans le futur et qui concernent autant les habitants de la métropole, des Outre-mer et de toutes les régions du monde. »
La justice, un levier majeur pour la lutte climatique
... comme le rappelle Valérie Masson-Delmotte : « Par exemple, la semaine dernière, le Tribunal international qui porte sur le droit de la mer a posé un avis en rappelant l'obligation des États par rapport aux conséquences des émissions de gaz à effet de serre sur l'état de l'océan et son acidification qui fragilise les écosystèmes marins. Ce qui est intéressant, c'est qu'on voit que les enjeux du changement climatique percolent à travers les autres aspects du droit, de l'environnement, de la mer, et ce qui en ressort, c'est un rappel aux obligations des États. »
Pour en savoir plus, écoutez l'émission... Quel climat pour nos enfants ? La Terre au carré 52 min
Chroniques Camille passe au vert Conversation avec Michael E. Mann, le climatologue le plus célèbre du monde Leonardo DiCaprio dit s’être inspiré de lui pour le personnage de scientifique qu’il joue dans Don’t look up : Michael E. Mann, climatologue américain, alerte sur le réchauffement climatique depuis la fin des années 90, il vient de gagner un procès contre des climato-dénialistes …
5 min
Clés : Environnement Écologie Biodiversité Valérie Masson-Delmotte Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC) Écologie politique
31 178 citoyens ont apporté leur soutien à Mathieu Vidard, Camille Crosnier et aux journalistes de la Terre au carré.
La Terre au carré, émission emblématique de France Inter dédiée aux questions écologiques est en sursis dans sa forme actuelle.
Début mai, certains journalistes de l’émission ont été reçus par la direction de Radio France qui leur a annoncé la suppression de leur chronique. Cette décision est notamment justifiée par le fait que le ton de l’émission amplifierait une certaine forme d’éco-anxiété… Dit autrement, parler sérieusement d’écologie serait plombant !
À l’heure où une poignée de milliardaires acquièrent à tour de bras tendus des médias, afin de distiller haine de l’autre et climato-scepticisme, nous avons besoin d’émissions posant honnêtement le diagnostic écologique et laissant la parole aux acteurs et actrices proposant des solutions. Depuis près de cinq ans, La Terre au carré est une émission de radio quotidienne qui ne renonce pas à l’exigence de rigueur et d’honnêteté.
Parce que les crises écologiques ne se résoudront pas en faisant taire les lanceurs d’alerte et journalistes engagés, nous vous proposons de poster un mini message de soutien à Mathieu Vidard, Camille Crosnier et aux journalistes de La Terre au carré.
Comment penser l'adaptation au changement climatique en fonction des différents scénarios climatiques et dans un monde profondément transformé par les chocs présents et à venir ?
Hausse des températures, montée du niveau de la mer, augmentation des tempêtes, des inondations ou encore des sécheresses, l’adaptation aux impacts du changement climatique est aujourd’hui un défi majeur pour nos sociétés. Consistant à anticiper les effets du changement climatique et à mettre en place des mesures pour s'adapter
... complémentaire à l'atténuation, qui vise à réduire les émissions de gaz à effet de serre pour limiter le réchauffement climatique
...
sortir d’une vision technique de l’adaptation pour aller vers un nouveau projet en lien avec une vision globale du territoire.
À écouter : Les côtes françaises et les îles du Pacifique face à l'élévation du niveau de la mer / La Terre au carré
Faut-il déplacer des villes, des villages, des ports, des stations balnéaires ou des industries situées en bord de mer et qui seront les premières à devoir faire face à la montée des eaux ? Voilà une question concrète que de nombreux territoires doivent déjà se poser et qui sont au cœur de la réflexion sur l'adaptation. Mais qu'est-ce que cela veut dire s'adapter aux changements climatiques dans un monde qui se réchauffe ? Entre la montée des eaux, la hausse des températures, les incendies, les événements extrêmes ? Comment les territoires peuvent-ils rester habitable dans les prochaines décennies ?
Avec :
- Magali Reghezza-Zitt géographe, ancienne membre du Haut Conseil pour le climat.
- Gonéri Le Cozannet chercheur au BRGM (Bureau des recherches géologiques et minières) sur les risques côtiers et le changement climatique et co-auteur du volet II du 6ème rapport du GIEC.
...
certaines villes de France comme Strasbourg, Lyon, ou Grenoble connaîtront plus d'un mois de canicule par an ... Les sécheresses, plus violentes. Et quand l’eau tombera du ciel, elle sera très concentrée avec du ruissellement urbain. Le réchauffement aura des conséquences sur le travail et les revenus. En 2035, votre budget, votre maison, votre véhicule, seront impactés par le changement climatique. De nouvelles maladies apparaîtront. On a déjà cette année 1600 cas de dengues autochtones. Le moustique qui transmet la maladie et vit normalement dans les tropiques, est né en métropole. »
À lire aussi : Agriculture, urbanisme : le Giec recommande d'accélérer les efforts pour s'adapter au changement climatique
...
Des programmes de végétalisation pour atténuer la chaleur sont mis en place pour lutter contre ces îlots. Cela passe par un changement de matériaux, pour avoir des surfaces blanches qui réfléchissent la chaleur. L'adaptation passe par l’encouragement de la marche et du vélo : des gens en meilleure santé sont moins sensibles à ces vagues de chaleur. »
...
Les forêts sont des puits de carbone naturels et de bons alliés pour capter le carbone et atteindre la neutralité. Aujourd'hui, elles sont menacées par les incendies, les espèces invasives, et les sécheresses. Magali Reghezza-Zitt : « On assiste déjà à des substitutions d'essences d'arbres. Certaines essences disparaissent et d'autres apparaissent. Des recherches ont lieu pour avoir des espèces plus résistantes. Des travaux étudient comment maintenir les vieux arbres, et des réflexions sur la plantation des arbres sont menées. C’est une véritable course contre la montre pour protéger nos forêts. »
...
adopter des comportements de prévention, de bien nettoyer autour des maisons, de sécuriser les points d'eau
...
on ne pourra pas lutter contre la submersion par la protection ... fondés sur la nature ... écosystèmes côtiers ...
Clés : Environnement Écologie Climat Changement climatique Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC) Catastrophe écologique
Les humains face aux microbes ©Getty - SERGII IAREMENKO/SCIENCE PHOTO LIBRARY
Les humains face aux microbes - Jeudi 2 mai 2024 / La terre au carré
Maladies émergentes, bactéries, virus et autres pathogènes… Depuis toujours l'espèce humaine a été confrontée aux microbes de toute sortes. Comment a-t-elle appris à les comprendre et à s'en protéger ? Quel est notre rapport aux microbes aujourd'hui ?
Ancien professeur à l'Institut Pasteur et au Collège de France, Philippe Sansonetti est un spécialiste internationalement reconnu des vaccins et des bactéries pathogènes. Dans son livre Microbes sans frontières (éditions Odile Jacob) il retrace l'histoire des connaissances actuelles sur les microbes et sur les moyens de nous en défendre.
Il nous rappelle que notre modèle de santé publique fondé sur l'hygiène, les vaccins, antibiotiques, et l'épidémiologie est relativement récent. En effet, si les virus, bactéries, champignons, parasites nous accompagnent depuis la nuit des temps, ce n’est que depuis un siècle et demi que la science et la médecine ont permis de pouvoir lutter contre les maladies infectieuses....
Or depuis quelques années, certaines maladies infectieuses et épidémies font leur retour en raison de l'antibiorésistance, la défiance vaccinale, l'émergence de nouveaux pathogènes, mais aussi du réchauffement climatique.... Philippe Sansonetti recense et analyse ces menaces qui ignorent les frontières nationales, géographiques, sociales et même les frontières entre espèces humaine et animales.
Les humains entretiennent avec les microbes une relation complexe, et il est urgent d'en comprendre les mécanismes et de développer de nouvelles stratégies face aux risques pandémiques.
Avec :
Philippe Sansonetti, professeur émérite à l’Institut Pasteur et au Collège de France, où il a été titulaire de la chaire « Microbiologie et maladies infectieuses », membre de l’Académie des sciences. Il publie Microbes sans frontières aux éditions Odile Jacob.
À écouter : Génie du vivant : microbes et virus avec Patrice Debré, médecin immunologiste Les Savanturiers 56 min
S’en défendre et préserver les microbes
Les virus, bactéries ou champignons et les microbes ignorent les frontières géographiques et sociales, mais aussi les frontières entre espèces humaine et animales. La pandémie de Covid nous a rappelé qu'à tout moment des micro-organismes peuvent menacer la santé des populations et bouleverser l'organisation de nos sociétés modernes. Cette menace potentielle, avec l'émergence de nouvelles maladies infectieuses, est un sujet de préoccupation majeure, amplifié par la mondialisation, les échanges environnementaux, et l'évolution des pratiques médicales et agricoles. Comment faire face à cette réalité microbienne pour protéger efficacement la santé humaine à l'échelle de la planète ? C'est l'objet d'un livre, Microbes sans frontières qui paraît chez Odile Jacob et dont l’invité de cette émission, Philippe Sansonetti, en est l’auteur. Dans cet ouvrage, il montre comment se défendre des microbes, mais aussi comment les préserver pour maintenir les équilibres de notre planète.
Quatre ans depuis l’apparition du Covid-19
... tournant dans la communauté scientifique : « Pour beaucoup, il a fallu se mettre à la virologie de manière à ne pas dire de bêtises. Ça a été une sorte d’aspiration dans la mesure où il devenait urgent, dans une atmosphère qui était hystérique, de mettre de l'ordre, de la sagesse et du rationnel scientifique dans ce qui se disait. On était en présence de quelque chose qui se transmettait de manière très efficace par voie aérienne. Et nous n’avons d’ailleurs pas tout de suite très bien perçus le danger alors qu'il était connu depuis la grippe espagnole et le SRAS de 2003. Clairement, la perception du danger de la transmission aérienne n'était pas au rendez-vous lors de l'émergence du Covid-19. »
À écouter : Philippe Sansonetti, titulaire de la chaire « Microbiologie et maladies infectieuses » au Collège de France
Une semaine en France
37 min
Des efforts considérables depuis la moitié du XXe siècle
Cet ouvrage de Philippe Sansonetti, c’est aussi une histoire des maladies infectieuses, des virus avec les pères fondateurs de la microbiologie. Ce qu'on constate, c'est que malgré le progrès, nous n’avons pas pour autant arrêté l'apparition de nouvelles maladies infectieuses : « Le thème de ce livre, c'est de dire qu'on a mis en place au XXᵉ siècle, sur la base des découvertes de nos pères fondateurs, un paradigme de santé publique miraculeux. Quand on regarde en particulier dans les pays à haut niveau de vie, on a éradiqué, ou éliminé, un certain nombre de maladies qui étaient la plaie des populations et qui pesaient très lourd, pas uniquement en mortalité, mais aussi en poids psychologique, ce qui était un quotidien en particulier avec la mortalité infantile. Il y a eu aussi un effort considérable à partir du milieu du XXᵉ siècle pour partager avec les pays à bas revenus, un programme élargi de vaccination et l'amélioration des soins primaires. »
Les antivax, une très vieille histoire
Dans son ouvrage, Philippe Sansonetti évoque aussi la défiance vaccinale à l’heure du Covid. Il rappelle que les antivax sont nés avec les vaccins : « Les premières ligues anti-vaccinales sont apparues au Royaume-Uni au milieu du XIXᵉ siècle, après la mise en place du Vaccin Act du parlement anglais, c'est-à-dire l'obligation vaccinale pour la variole pour tous les enfants de moins de trois ans. Dès cette époque, on a vu naître les ligues anti-vaccinale au Royaume-Uni. Ce qui est intéressant, c'est qu'elles ne sont pas nées à Londres, mais dans les villes du Nord comme Manchester, Liverpool, des zones loin du pouvoir avec une population prolétarisée par la révolution industrielle, et on a l'impression que, très vite, ce réflexe antivax est né à la fois sur une peur du vaccin parce qu’il avait aussi des effets secondaires, mais aussi un malaise social. Avec le Covid et le refus vaccinal du personnel hospitalier dans certaines régions, j'ai l'impression d'avoir retrouvé cette fusion du malaise social et du vaccin. L’anti-vaccination est quelque chose de beaucoup plus complexe qu'on ne le pense. »
Pour en savoir plus, écoutez l'émission...
À écouter : Exploration du système immunitaire avec l'immunologiste Yasmine Belkaid
15' de plus
12 min
Chroniques Camille passe au vert 4 min Les poules rougissantes Comme nous et tous les animaux, les poules ressentent des émotions. Mais comment les expriment-elles physiquement ? Une équipe d’Inrae a mené des recherches et établi que les poules domestiques rougissent, oui, elles piquent des fards, dans certaines situation de stress, ou de joie !
Clés : Environnement Écologie Biodiversité Coronavirus – Covid-19 Virus Philippe Sansonetti Collège de France
L'équipe Mathieu Vidard Production, etc
Tr: ... appauvrissement de la diversité du monde microbien ... les thérapeutiques sont de plus en plus ciblées ... système immunitaire ... variants des virus ... depuis 2010, panne des antibiotiques ... antibiorésistance ... H5N1, virus de la grippe aviaire, doute sur sa transmissibilité entre humain ... est-t-on prêts à ce que ça arrive ? Pas tout à fait, mais grace à l'arn messager, ça devrait faciliter la production de vaccins, on le voit avec les animaux ... tests au chevet du malade ... cistite ... éviter ou faire plus attention à la prescription ... donner le temps de guérir ... action collective pour sauver les antibiotiques ... mauvaises pratiques en élevage / antibiotique se retrouve dans les écosystèmes ... rejets des usines d'antibiotiques ... la moitié dans antibiotiques non dégradés part dans les eaux usées ... faire entrer ça dans la législation et chercher des solutions, dégrader les antibiotiques ... ex inde ... le réchauffement climatique facteur défavorable ... +10% infections anthériques ... les vecteurs des microbes comme les moustiques, premier tueur de la planète ... dingue, paludisme, épidémies possibles ... on va avoir des vaccins ... le risque est là ... réduction de la biodiversité ... épidémie de ?? porc et chauve-souris ... anthropocène ... alimentation moderne responsable par moins de fibres, etc liens de causalité microbiote ... biodiversité aussi pour les microbes ...
Nature et préjugés - Mardi 5 mars 2024 / La terre au carré
Comment recréer notre lien aux vivants pour nous sauver de nos errements ? Dans "Nature et préjugés" le biologiste Marc André Selosse propose une balade en histoire naturelle pour déconstruire les idées reçues sur la nature.
"Nature et préjugés" est le titre du dernier essai du biologiste Marc-André Selosse. Il nous invite à replonger dans l'histoire naturelle pour comprendre et ainsi mieux penser la nature. Des idées reçues sur la nature, Il en a glanées lors des conférences et rencontres avec le public... Par exemple “L'intelligence des plantes” ou “la nature est bien faite !”, “l’entraide est une loi naturelle” ou encore “vivre, c’est être autonome ”. Mais cela nous a empêché de voir la nature telle qu'elle est. Dans "Nature et préjugés, Convier l'humanité dans l'histoire naturelle" édité chez Actes Sud, Marc-André Selosse propose d' étonner et d'émerveiller sur le vivant, d'éclairer notre avenir en transcendant des idées reçues et de dessiner l’humanité en filigrane de la nature. " En positionnant les humains dans la biosphère actuelle (grâce à l’écologie) et dans les temps passés et à venir (grâce à l’évolution biologique), je conterai une histoire naturelle qui nous enracine étroitement dans le monde vivant. Je veux montrer comment l’humanité est née en nature et combien cela donne un sens à nos existences" ajoute t il. La nature est une boite à outils dans laquelle il y a toutes les solutions pour vivre mieux en respectant notre environnement.
Il est Biologiste spécialisé en mycologie et professeur du Muséum national d’histoire naturelle, auteur de « Nature et préjugés. Convier l’humanité dans l’histoire naturelle » Actes Sud.
Le 16 mars Marc André Selosse donnera « une leçon de bio écologie "au MK2 Austerlitz à 11H et présentera « Nature et préjugés » » comme une séance de cinéma !
Chroniques Camille passe au vert - 5 min Les chauves-souris et leur pénis surdimensionné en forme de cœur : mystère élucidé ! La sexualité des chauves-souris est mystérieuse pour la science, mais des chercheurs ont découvert comment les sérotines communes se reproduisent, alors que les organes génitaux semblent incompatibles, le pénis des mâles étant énorme, et dispropotionné face à un vagin minuscule chez la femelle.
Clés : Environnement Écologie Biodiversité
Le monde de demain est-il déjà là ? ©Getty - MR.Cole_Photographer
54:58
Agissant à l’échelle individuelle, les acteurs du changement n’ont pas conscience qu’ils sont en train de dessiner les bases d’une nouvelle société.
La petite musique qui entoure l'écologie est souvent teintée de fatalisme et de restrictions, laissant croire à un avenir où les sacrifices personnels et les pertes de confort seraient inévitables. Difficile donc, évidemment, de mobiliser avec de telles perspectives. Alors comment sortir de cette vision peu engageante, changer de récit pour à la fois nous permettre de modifier notre empreinte écologique mais aussi nous encourager à des actions efficaces pour la planète ?
Notre modèle de développement n'est pas durable et face aux crises écologiques, sanitaires et géopolitiques, l’invention d’un nouveau modèle de société est un défi majeur. Comment imaginer que les choses sont en train de bouger dans le bon sens en ce moment ? Pourquoi avons-nous le sentiment que notre société ne change pas ?
Pourtant, partout autour de nous, une bataille est engagée pour changer nos sociétés. Le monde de demain est en train de se construire sous nos yeux, sans que nous en ayons conscience. C’est l’idée développée par l’économiste Aurélie Piet dans son livre 2 milliards de réenchanteurs publié chez Actes Sud : le changement de civilisation est déjà en route et il vient d’en bas. Déjà des milliers de citoyennes et de citoyens réalisent des révolutions tranquilles à travers la planète.
Notre société change à tous les niveaux
Des citoyens, mais aussi des entreprises et des collectivités, sont en ordre de marche, mettent en valeur des initiatives et fédèrent ceux qui les portent, et cela peut aider à faire émerger ce nouveau monde.
Pour Aurélie Piet, on le voit à tous les niveaux, au niveau des entreprises, des collectivités territoriales, mais aussi au niveau des citoyens sur le terrain. Pour elle, ça ne bouge sans doute pas assez vite et pas suffisamment, mais le changement est enclenché. Ce dernier est néanmoins compliqué à documenter. Aurélie Piet : "Ce qui a été marquant pour moi dans mes recherches au départ, c'est de constater qu'il y avait une triple révolution dont on n'avait pas conscience, qui est en train d'émerger, à la fois une révolution scientifique, une révolution technologique, une révolution sociétale." La révolution sociétale est faite de nouvelles valeurs qui sont en train d'émerger.
Elle donne pour exemple des entreprises à missions qui se développent et qui sont de plus en plus nombreuses. En France, elles sont 1 000 aujourd'hui. Ce sont des entreprises qui incluent dans leur statut juridique le fait, au-delà du profit, d'aller vers des objectifs sociaux et environnementaux. Pour elle, il y a certainement du greenwashing, mais il y a véritablement des avancées dans cette démarche. Elle explique aussi qu'on se tourne davantage vers ce qu'on appelle l'économie de la fonctionnalité, l'économie régénérative, l'économie circulaire aussi. Des entreprises s'engagent dans ces modèles de production beaucoup plus sobres. Selon elle, ce sont des marqueurs, des signaux faibles, qui témoignent que ces entreprises avancent et que les choses évoluent.
Le réalisateur Cyril Dion explique que la démarche qu'il essaie d'avoir avec ses documentaires, c'est de montrer des choses qui fonctionnent et de montrer qu'il ne s'agit pas simplement de les faire à petite échelle, mais qu'il s'agit ensuite de changer l'architecture, le système. Il ajoute : "On peut faire de la permaculture, on peut faire des énergies renouvelables, mais ensuite il faut repenser le système économique. On parlait du système monétaire. Il faut aussi penser le système éducatif. C'est pour ça qu'on avait été dans les écoles. Il faut penser le système démocratique parce qu'il faut pouvoir voter pour des gens qui vont être d'accord pour mettre en place ce type d'initiative-là, en fait c'est à tous ces niveaux-là."
L'art, pour accompagner le changement
Pour Cyril Dion, raconter une histoire qui fait du bien serait une bonne façon d'aider à résoudre les crises écologiques, économiques et sociales que traversent nos pays.
Il écrit de la poésie, notamment dans son dernier livre La Nuit est une page blanche aux éditions Les Heures Brèves. Pour lui : "L'art, c'est ce qui nous connecte d'une certaine manière à ce qui est le plus essentiel en nous, ce qui nous donne envie d'être vivants. Et donc c'est une façon de résister à une sorte de vision du monde qui voudrait nous cantonner à un rôle de producteur consommateur et de retrouver une forme de dimension. Ce qu'Henry Miller a appelé 'le cauchemar climatisé'. Pour moi, tout l'enfer de ce monde moderne, c'est faire qu'on soit juste des petits agents productifs d'un système qui veut faire de la croissance. La poésie et l'art redonnent tout le souffle, toute la dimension, toute la finalité à notre existence, à mon avis."
-> Des changements interviennent aussi dans d'autres domaines, pour en savoir plus, écoutez l'émission...
À écouter :
- La jeunesse sauvera-t-elle le monde ? L'Invité(e) des Matins 42 min
- Ecologie : pourquoi est-ce si difficile de changer de comportement ? La Terre au carré 55 min
Avec
- Aurélie Piet, économiste, autrice et enseignante à l’Ecole nationale des arts et métiers et sciences po bordeaux.
2 milliards de réenchanteurs, le manifeste des acteurs du changement, publié en février 2023 chez Actes Sud.
Et Quand l'homo-économicus saute à l'élastique... sans élastique (Plon, 2019)
Cyril Dion, réalisateur, écrivain, poète. La Nuit est une page blanche aux éditions Les Heures Brèves
Chroniques
- Camille passe au vert Barcelone à sec 5 min La Catalogne a déclaré l’état d’urgence jeudi dernier en raison d’une sécheresse historique. Depuis 3 ans, les réservoirs d’eau de pluie ne se remplissent plus, et leur niveau est trop bas. Des restrictions touchent l’agriculture, l’industrie et la population de Barcelone et des alentours.
Clés : Environnement Écologie Biodiversité Écologie politique Jeunesse Permaculture Cyril Dion Fictions Poésie
...
Tr.: ... croissance qualitative ... comment on met les gens en mouvement ? ... changer les règles ... point de bascule ... résistance ...
Liens étroits avec les exploitations céréalières, export à l’international via le port de La Rochelle... Des documents exclusifs sur les mégabassines des Deux-Sèvres montrent que ...
Alors que le bâtiment est le premier secteur d’émissions de gaz à effet de serre en France, les habitats légers représentent une alternative intéressante. Mais qu’appelle-t-on habitat léger ? Que dit la loi, et quels sont les obstacles à l'installation ?
Les habitats légers, intégré dans la législation grâce à de nombreuses luttes, mobilisations et travaux académiques, seulement depuis 2014 avec la loi ALUR, se définit comme “résidences démontables constituant l’habitat permanent de leurs utilisateurs” avec plusieurs critères :
- sans fondation disposant d’équipements intérieurs ou extérieurs,
- destinées à l’habitation et occupées à titre de résidence principale au moins huit mois par an
- les résidences et leurs équipements extérieurs sont, à tout moment, facilement et rapidement démontables."
Les habitats légers peuvent également ne pas être raccordées au réseau.
Mais l'habitat léger n'est pas seulement écologique, il peut également être accessible financièrement, et c'est ce pour quoi milite l'association Hameaux Légers, en privilégiant le bail emphytéotique avec les communes, un bail de 18 à 99 ans qui confère au locataire les mêmes droit sur le terrain que le propriétaire, mais sans pouvoir le revendre. Être propriétaire de son habitat mais pas du sol, pour accéder plus facilement à un logement tout en respectant la terre : sans fondation ni matériaux émetteurs comme le béton, ces habitats peuvent laisser le terrain comme ils l'ont trouvé (ou presque) s'ils déménagent un jour.
Victimes de nombreuses stigmatisations, les habitant.es de ces logements rencontrent de nombreuses épreuves, et s'installer en habitats légers relève souvent du parcours du combattant, et ne doit pas être idéalisé. Faute d'accord avec les mairies, et en situation d'urgence, beaucoup s'installent sans autorisation, et font face à de nombreux risques.
Qu'est-ce qu'un habitat léger ? Que dit la loi ? Quelles sont les réalités de ceux et celles qui habitent ces logement ? Est-ce une solution pour la transition écologique et énergétique du bâtiment ? On en parle avec nos invités.
Avec :
- Xavier Gisserot, cofondateur de l'association Hameaux légers
créée en 2017, est une association qui “accompagne la création d’éco-hameaux accessibles financièrement pour permettre à toutes et tous d’habiter de manière durable et solidaire", suivant trois modes d’action : accompagner les collectivités et collectifs d’habitants à monter un projet de hameau léger, transmission de ces connaissances (MOOC, livre, web formations), sensibilisation.”
Le livre “Guide pratique pour s’installer en habitat réversible” publié chez Ulmer en octobre 2023 est adapté du MOOC précédemment créé par l’association. - Béatrice Mesini, chargée de recherche au CNRS, en géographie et droit, (section 39 Espaces, territoires, sociétés) au laboratoire de sciences humaines et sociales TELEMMe, à Aix-Marseille Université.
- Nadine Roudil, enseignante chercheuse, professeure à l'École nationale supérieure d'architecture de Paris Val de Seine, rattachée au laboratoire centre de recherche sur l’habitat.
Le bricolage ©Getty - Maria Korneeva
8 déc. • 54 min
Mesure-t-on l'importance du bricolage et de la maintenance dans notre monde où le jetable et l'innovation sont une obsession ? Donner plus d'attention aux objets et aux choses nous permettrait d'avoir un autre regard sur le monde et de réduire nos déchets.
Le soin des choses, pour un monde meilleur et non le meilleur des mondes. "Qu'ont en commun une chaudière, une voiture, un panneau de signalétique, un smartphone, une cathédrale, une œuvre d'art ou un tracteur ? Presque rien, si ce n'est qu'aucune de ces choses, petite ou grande, précieuse ou banale, ne perdure sans une forme d'entretien" précise Jérôme Denis professeur de sociologie et directeur du Centre de Sociologie de l’Innovation à Mines Paris PSL (Paris Sciences Lettres) et co-auteur du livre « Le soin des choses, politique de la maintenance » avec David Pontille chez La Découverte.
Ces choses ne traversent le temps que grâce à la maintenance et le reconnaitre nous permettrait de comprendre l’attachement de celles et ceux qui travaillent avec attention à les faire durer. Dans «Eloge du bricolage, Souci des choses, soin des vivants et liberté d’agir » Ed PUF, la docteure en philosophie Fanny Lederlin prône le bricolage contre la logique d’ingénieur qui épuise les ressources, dérègle le climat et étend son emprise sur la pensée et l’action humaine. "La praxis de bricoleur contre la praxis d’ingénieur, c'est une expérience menée « dedans » à l’intérieur d’un monde nature irrémédiablement défectueux et incurable, avec des possibles pour un monde meilleur et non le meilleur des mondes. Des objets, des choses, des trésors "dont la valeur, l’usage et la force tiendront pour partie au regard que nous poserons sur eux (c’est-à-dire à notre capacité d’interprétation), ainsi qu’à l’appropriation affectueuse, subjective et parfois subversive que nous saurons en faire".
À lire aussi : Journées mondiales sans smartphone : six conseils pour chasser les mauvaises habitudes
Le bricolage et la maintenance engagent les corps, comme dans tous ces métiers de l'ombre indispensables comme les métiers de la maintenance durant l'épidémie de Covid ou celui des hommes et des femmes de la maintenance dans le métro. Jérome Denis a rencontré Nadine exploitante de la station Quai de la gare sur la 6 qui inspecte chaque matin ses quais avec un regard, une attention particulière pour que le trafic et les usagers ne s'aperçoivent de rien. Il y a aussi José qui traque les graffitis et qui d'un geste jauge les panneaux , estime les réparations à faire. Ils sont des connaisseurs avec des compétences attentionnelles. C'est un autre rapport aux objets, donc au monde. Comme la collection, le recyclage est l’une des activités inhérentes au bricolage qui, s’arrangeant avec les moyens du bord, doit aussi « faire avec » les déchets.
Soigné les objets et le vivant
Jérôme Denis s’intéresse à la maintenance qu’il a découverte un peu par hasard, en réalisant une enquête sur la signalétique du métro : « On a découvert la face cachée de ces panneaux où il y avait un travail incessant de maintenance. La maintenance nous intéresse parce qu'elle donne à voir une forme très réaliste du monde qui nous entoure dans les pays riches où l’on vit à peu près correctement. La maintenance est une activité continue qui consiste à faire durer les choses, mais qui est pourtant largement déconsidérée. »
Un mot rassemble les deux ouvrages des invités, le soin, comme l’explique Fanny Lederlin : « Le point commun entre nos deux approches tient dans le fait que nous établissons une sorte de continuité entre le soin apporté aux choses et le soin apporté aux êtres vivants. C’est l'un des points de blocage de la pensée écologique jusqu'à encore aujourd'hui. Elle s'inscrit dans une forme de dualité qui voudrait, qui est le monde matériel et celui de la nature. Alors que ce n'est qu'en se saisissant ensemble et du monde et de la nature que nous pouvons nous orienter vers une société plus écologique. »
À écouter : Et si demain vos appareils ne tombaient plus jamais en panne ?
Et si demain ?
2 min
"Être moderne, c’est bricoler dans l’incurable"
Fanny Lederlin a, dans sa réflexion, beaucoup travailler sur le soin des objets, mais aussi des déchets : « C’est une illusion de croire que l'on peut se débarrasser des objets et des déchets. J'inclus dans la notion de soin des objets, celle des déchets et des rebuts dont nous ne pourrons sans doute plus nous séparer. Il y a une citation qui m'a beaucoup inspirée dans le cadre de ma réflexion qui vient de Cioran dont l'un des aphorismes dit : "être moderne, c'est bricoler dans l'incurable". Ce monde qui est le nôtre aujourd'hui ne pourra pas être guéri. Il n'y a pas de solution à la crise que nous à laquelle nous faisons face. Cependant, il faut faire avec et il faut y répondre le mieux possible. Il faut réfléchir à la manière dont nous nous comportons avec les choses. »
La lutte contre l’obsolescence programmée
Pour Jérôme Denis, on assiste à un mouvement autour de la question de la longévité des objets à la fois aux États-Unis avec le droit à la réparation, mais aussi en Europe autour de la lutte contre l'obsolescence programmée qui est une lutte très importante : « Il y a eu récemment avec la campagne de vidéo de l'ADEME sur les vendeurs, un enjeu à penser la durée de vie des choses et donc des formes de consommation qui sont très différentes et qui ne sont pas simplement l'achat et ensuite l'abandon. On a perdu la capacité à faire durer les choses et c'est ça qu'il faut réapprendre aujourd'hui. Il suffit d'aller un peu à la campagne ou dans les quartiers populaires, il y a des gens qui savent très bien faire durer les choses. En revanche, il y a un enjeu qui est celui de la constitution d'une forme d'insouciance. Il faut réapprendre à travailler avec des compétences perdues. »
Avec :
Fanny Lederlin est Docteure en philosophie, autrice de «Eloge du bricolage, Souci des choses, soin des vivants et liberté d’agir »" Ed Puf et Jérôme Denis est professeur de sociologie et directeur du Centre de Sociologie de l’Innovation à Mines Paris PSL (Paris Sciences Lettres) Et co-auteur « Le soin des choses, politique de la maintenance" avec David Pontille chez La Découverte.
Tous les jours à 14h35 durant la COP28 , retrouvez Loup Espargilière , rédacteur en chef de Vert le méd
Clés : Environnement Écologie Biodiversité Idées Recyclage - Gestion des déchets
Les nuages, une incertitude au cœur des modèles climatiques ©Getty - the_burtons
Pourquoi et comment étudie-t-on les nuages ? L’une des grandes énigmes en climatologie porte sur le rôle des nuages dans l’amplitude du réchauffement climatique. Comment diminuer l'incertitude et améliorer la connaissance sur le sujet ?
Les nuages jouent un rôle crucial sur le climat. D’une part, ils refroidissent la Terre, en faisant de l’ombre au rayonnement solaire. D’autre part, les nuages hauts la réchauffent, en contribuant à l’effet de serre.
Les chercheurs tentent d’anticiper leur influence future, notamment sur la hausse des températures et sur l’intensification des évènements extrêmes. Selon les modèles climatiques, la réponse des nuages au réchauffement contrôle considérablement la sensibilité des températures de la Terre aux variations de concentrations en GES.
Mais les nuages, de nature très variables et soumis à la circulation atmosphérique, s’avèrent particulièrement difficiles à modéliser…. En quoi représentent-ils un défi pour les chercheurs ? Que sait-on aujourd’hui sur les nuages et leur rôle dans le climat ?
Avec
- Sandrine Bony, directrice de recherche au CNRS, Laboratoire de météorologie dynamique (LMD) équipe Étude et modélisation du climat et du changement climatique
- Julien Delanoë chercheur instrumentaliste sur l’étude des nuages, professeur à l'Université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines Paris Saclay rattaché au Laboratoire Atmosphères, Observations Spatiales (LATMOS-UVSQ/Sorbonne Université/CNRS)
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Chroniques Camille passe au vert Laisse béton Des actions des Soulèvements de la Terre ont eu lieu ce week-end partout en France contre l’industrie du béton, notamment le groupe Lafarge, et doivent se poursuivre jusqu’à mardi. Le secteur est accusé de détruire les sols et d’avoir une trop grande part dans les émissions de gaz à effet de serre.
Clés : Environnement Écologie Biodiversité Nature
Comment aller vers la sobriété dans un monde de surconsommation ? ©Getty - RapidEye
Série « « Je rêvais d’un autre monde » »
Depuis la rentrée, le mot sobriété est sur toutes les lèvres… Mais dans quelle mesure est-on vraiment prêt à la sobriété dans un monde où le fonctionnement même de la société et de l’économie est basé sur la consommation ?
Il y a 50 ans paraissait un rapport rédigé par Dennis et Donella Meadows : Les limites à la croissance. Ce livre, qui reste une référence encore aujourd'hui, mettait en évidence les risques d'effondrement de nos sociétés si ces dernières continuaient à afficher la poursuite de la croissance comme objectif.
À réécouter : 1972, le rapport Meadows : premier cri d’alarme pour la planète Affaires sensibles 54 min
Sauf que, 50 ans plus tard, force est de constater que ce rapport n'a pas entraîné de changements majeurs, changements qui auraient pu faire gagner un temps précieux dans la lutte contre le réchauffement climatique. Mais aujourd'hui, la crise écologique et économique que nous traversons pourrait être une opportunité finalement pour entrer dans une nouvelle ère.
À l'occasion de la journée spéciale Vous avez dit sobriété ?, "La Terre au Carré" reçoit Dominique Méda, professeure de sociologie à l'Université Paris-Dauphine, directrice de l’Institut de recherche interdisciplinaire en sciences sociales (université Paris-Dauphine-PSL) et Présidente de l’Institut Veblen.
Alors que les injonctions à la sobriété se multiplient, l'invitée rappelle qu’en matière d’écologie, le pouvoir des seuls individus demeure limité : comment diminuer nos consommations si nous continuons à vivre dans un contexte où tout nous pousse à la surconsommation ? Face aux crises écologiques en cours, nos indicateurs de richesse sont-ils encore pertinents ? Comment en finir avec le mythe de la croissance ?
Sobriété, est-ce le bon terme ?
Selon Dominique Méda, nos sociétés sont fondées sur la croissance – du PIB –, et sont quelque peu schizophrènes, dans le sens où les citoyens sont sans cesse sollicités, et excités par le fait de consommer, par le biais de publicités très peu régulées par exemple, mais il leur est aussi demandé de passer à la sobriété. La chercheuse travaille sur ces questions depuis plusieurs dizaines d'années et affirme que le constat des limites de la planète avait été fait il y a 50 ans sans que des actes ne suivent. C’est "un chantier monstrueux" qui s’annonce.
Alors que le gouvernement n’a de cesse en cette rentrée de parler de sobriété – qui signifie au départ une certaine tempérance dans le fait de boire et de manger – l’invitée s’interroge sur l’emploi de ce mot, dont la connotation "punitive et liberticide" selon elle, peut être questionnable. Elle préfère le mot de post-croissance et parle de l'ère d'une nouvelle abondance. Elle souhaite une société qui n'aurait plus de rapports d'exploitation et de conquête avec la nature, une sorte de ré-encastrement des humains dans la nature. On aurait alors des tas de bénéfices.
Sur le répondeur de "La terre au carré", une grande réflexion sur la terminologie a été menée et les auditeurs et auditrices ont proposé des mots pour décrire le grand défi à venir : "croissance adaptative", "prospérité", "partage équitable des ressources", "consommation éclairée", "pérennité", "harmonie"... Tous ces termes sont alors analysés par l'invitée.
Comment pourrait-on, concrètement, changer les choses ?
Dominique Méda l’annonce d'emblée, il faut des politiques radicales, avec un investissement massif. Les chercheurs disent qu'il faudra consacrer à ces transformations entre 30 à 60 milliards d'euros par an. Elle donne des exemples concrets de chantiers à mener :
- Rénover les bâtiments. "Après, on consommera moins de chauffage. Mais ça coûte hyper cher. Si on veut en faire suffisamment, il faut au moins 15 milliards par an."
- S’occuper des transports. "Ce sont 30% des gaz à effet de serre. Tous les gens qui sont dans la périphérie urbaine, qui ont besoin de leur voiture, il faut remplacer leurs véhicules. Et puis il faut leur donner des moyens alternatifs pour se déplacer. Alors pas nécessairement le vélo, parce que tout le monde ne peut pas se déplacer à vélo mais il faut certainement construire des tramways, des trains, des lignes secondaires, etc. Donc ça, c'est des investissements massifs qui nous permettront en effet de moins consommer d'énergie et de vivre autrement."
- Réformer le monde professionnel. "Créer de nouveaux types d'emplois. On pourrait rompre avec la division internationale du travail. Un produit fait quatre fois le tour du monde avant d'arriver chez nous. On pourrait par exemple avoir des entreprises de taille plus petite, mieux installées, mieux ancrées dans leur territoire, avec des circuits courts. Mais aussi démocratiser le travail, c'est-à-dire avoir des gens qui font d'abord un métier beaucoup plus utile. Et ça, on sait que les gens demandent beaucoup ça aujourd'hui. Un sens dans leur travail. [...]" La chercheuse parle notamment d'augmenter de façon conséquente le nombre d'agriculteurs.
- Selon Dominique Méda, il faut faire comprendre aux plus riches qu’ils doivent faire des efforts et arrêter la consommation ostentatoire. Pour elle, l'on ne peut prôner la sobriété que si on arrive à une sorte de justice dans les efforts. Ceux qui doivent faire les efforts les plus importants, ce sont les plus aisés, parce que les classes les plus modestes, elles, sont déjà à peu près au niveau.
La suite est à écouter...
Dominique Méda publie Faut-il attendre la croissance ? avec Florence Jany-Catrice, qui est paru le 20 septembre à la Documentation française dans une version actualisée.
2030 c’est demain, collectif de l’Institut Veblen, éditions Les petits matins, mai 2022.
À réécouter : Décroissance : solution ou contrainte ? La Terre au carré 53 min
Chroniques Camille passe au vert Que se cache-t-il derrière le mot "sobriété" répété par nos dirigeants ? Face à la menace de pénurie d'énergie, nos dirigeants n'ont plus qu'un mot à la bouche : sobriété. Il faut réduire notre consommation, faire des petits gestes, mais pas question pour autant de produire moins. Pas facile de tout comprendre en se plongeant dans leurs discours. 5 min
Clés : Environnement Économie Consommation Écologie Dominique Méda