Clés : Thomas Piketty Alain Duhamel CRDS Coups de com'
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Pas un mot sur les profs. Et surtout, absence de totale de questions et de contradiction, comme le remarquait ce matin, sur France Inter, mon nouveau collègue Thomas Piketty, qui n'a fait qu'une bouchée du : ""il n'y aura pas d'augmentation d'impôt"". Pas d'augmentation ? Mais ils ont déjà augmenté, pardi, du fait du prolongement pour dix ans, acté le 22 mai dernier, de la CRDS (cet impôt de 0,5% sur tous les revenus devait s'éteindre en 2024, il est prolongé jusqu'en 2033). Par curiosité, faites une recherche "CRDS" sur votre moteur préféré, pour tenter de savoir quels médias ont évoqué ce premier "impôt coronavirus". Et comparez le bruit médiatique ainsi généré à la glose sur l'allocution d'hier soir.
Connu / https://twitter.com/MaximCombes/status/1272441939661664256
À propos de l'allocution présidentielle de la veille, Thomas Piketty est catégorique : "Il n'a vraiment pas dit grand chose, je suis fasciné par ce type de communication politique, même Trump a des journalistes en face".
"Ce qui m'embête ce sont les non-dit, il a déjà augmenté les impôts" poursuit-il.
"Quand il n'y a personne en face, aucun journaliste (...) l'absence de contradiction est problématique"
L'université sur le carreau
"On a besoin de redémarrer l'économie autrement que ce qu'on a l'a laissé, on a besoin d'un plan d'investissement sur l'éducation, la formation, il faut se rendre compte du gâchis accumulé sur notre jeunesse" estime l'économiste.
"Le lycée et l'université, c'est quelque chose de pas du tout important par rapport aux cafés" ironise-t-il.
"Il y a un gâchis par rapport a toute une génération, une année complètement blanche"
"On a besoin d'investissement matériel, de moyens (...) même du point de vue économique, la prospérité économique vient de cette avance éducative".
"L'ISF devrait rapporter une dizaine de milliards d'euros" affirme l'économiste, qui explique : "Le plan européen, c'est 500 milliards d'euros, a peine 3% du PIB européen sur 5 ans : en faire une immense avancée historique, sachant qu'on garde un grande opacité dans la prise de décision ….pour replacer les choses, 12 ans après la crise de 2008 on reste dans les demi mesures".
Accepter le "débat citoyen" sur le colonialisme
"Refuser la discussion comme semble le faire Emmanuel Macron, c'est compliqué(...) Haïti, pour avoir le droit d'arrêter d'être esclave, a payé à la France une dette considérable : je voudrais que chacun puisse se faire son idée" explique Thomas Piketty : "Il faut accepter de rentrer dans ce débat. On continue encore aujourd'hui de réparer des spoliations qui ont eu lieu pendant la première et seconde guerre mondiale".
"Il faut accepter la discussion démocratique sinon ne va pas pouvoir affronter le passé et passer à la suite" .
Connu / https://twitter.com/MaximCombes/status/1272441939661664256
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... La #CRDS, qui aurait du s'éteindre en 2024, a été prolongée jusqu'en 2033 minimum. Une alternative était possible : que l'Etat prenne en charge cette dette publique liée au #Covid19 plutôt que la refiler à la #SécuritéSociale : cela aurait été moins coûteux et plus juste.
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Texte initialement paru dans Le Monde le 26/05/2020
Pour faire face à la crise, la Sécurité sociale et l’UNEDIC ont été heureusement mobilisées par le gouvernement comme les instruments principaux de l’intervention d’urgence de l’Etat. Mais ce 25 mai le gouvernement présente dans les caisses d’assurances sociales un projet de loi organique et un projet de loi ordinaire visant à constituer les dépenses exceptionnelles de la Sécurité sociale en « dette sociale », via un transfert à la CADES. De même les dépenses exceptionnelles de l’assurance chômage serait conservées au passif de l’UNEDIC. Une telle décision hypothéquerait l’avenir de nos assurances sociales en leur faisant supporter inutilement cette « dette COVID » dont elles ne sont pas responsables et qui pourrait être plus habilement gérée par l’Etat.
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pour une décennie supplémentaire, des ressources sociales (issues notamment de la CSG et de la CRDS et des cotisations chômage) de l’ordre d’une dizaine de milliards devront être consacrées chaque année au remboursement de cette dette et non à répondre aux besoins sociaux. A l’inverse, si l’Etat prend en charge cette « dette COVID », il lui en coûtera de l’ordre d’1 Md par an (les intérêts seuls) et cette dette pourra être gérée comme une dette exceptionnelle, appuyé en cela par la politique monétaire non conventionnelle de la BCE.
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il serait à la fois logique et stratégique de confier cette dette à l’Etat.
Epilogue (04/06/2020): les déclarations récentes par M. Darmanin https://www.lefigaro.fr/conjoncture/le-deficit-de-la-secu-revu-a-52-2-milliards-d-euros-en-2020-20200602, ministre du Budget du déficit de la Sécurité sociale, loin d'être rassurante, s'inscrit typiquement dans les stratégies de dramatisation des déficit, pour justifier de futures mesures d'économie.
Michaël Zemmour enseignant-chercheur à l’Université Paris 1 (Centre d'Economie de la Sorbonne) et chercheur associé à Sciences Po (LIEPP). Je travaille sur l’économie politique de l’Etat social et ses transformations, avec intérêt particulier sur les questions de prélèvements obligatoires.
Mots-clés : Déficit et dette