Ce blog, consacré aux limites physiques à la croissance, a été laissé en sommeil depuis janvier 2017. Ayant pris la direction du Shift Project, une association qui cherche à fournir des clés pertinentes pour réussir la transition énergétique, il me semblait utile de me concentrer sur l’action : le diagnostic était clair, et les premiers jalons posés par la signature de l’accord de Paris sur le climat. Mais mes pires craintes sont en train de se réaliser. Inconséquence, incurie, naïveté : si l’urgence de la transition commence enfin à être comprise, la nécessité de dessiner une stratégie cohérente pour mener à bien cette transition, non seulement à travers une confrontation des opinions à son sujet, mais avant tout par une confrontation de ces opinions aux faits, continue d’être esquivée. C’est grave. C’est dangereux. Alors je recommence à écrire. J’espère que ça servira à quelque chose.]
Un point sur le pic pétrolier / Cohérence et incohérence des démences ambiantes / Que faire ?
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La demande mondiale de brut croît chaque année d’environ 1,5 Mb/j, l’équivalent de la production de l’Algérie.
Rentabilité économique incertaine et perspectives géologiques inconnues pour le shale oil américain, pic de production historique probablement en passe d’être franchi par un nombre croissant de producteurs importants découvertes de plus en plus faibles de pétrole conventionnel : pour continuer à alimenter le carburateur de la croissance économique mondiale, la situation n’est jamais apparue aussi incertaine. Sans parler de l’impact des nouvelles sanctions américaines à l’encontre d’un autre vieux pays producteur à l’avenir incertain : l’Iran…
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Bref, les limites physiques à la croissance économique, telle qu’elle est alimentée depuis 150 ans par le pétrole, me paraissent se dessiner de plus en plus nettement.
Il serait judicieux d’être prudent, et prévoyant, et consistant, mais non…
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Que faut-il opposer à cette triviale folie ?
Pas le « en même temps » consistant à poser en champion du climat tout en misant par exemple sur la croissance du trafic sur les routes et dans les aéroports de l’Hexagone. Il manque à cette démence-là la cohérence de celle de Donald Trump.
Des millions de Français commencent à pâtir sérieusement de l’augmentation du prix du gazole, et en particulier de la Contribution climat-énergie (la « taxe carbone »), qui va continuer à alourdir fortement dans les années qui viennent les taxes sur les carburants.
La TICPE devrait rapporter l’an prochain quelque 19 milliards à l’Etat, mais lorsqu’on met bout à bout les aides publiques pour acheter des véhicules moins polluants ou des vélos, ou encore pour réaliser chez soi des travaux d’isolation, on arrive aux alentours de 1,5 milliard, d’après le projet de loi de finance en cours d’examen au Parlement.
Où est la stratégie systémique cohérente de la France pour sortir des énergies fossiles ? Où est le débat démocratique pour y parvenir (débat que le think tank que je dirige, The Shift Project, réclame jour après jour depuis les promesses faites par le candidat Macron) ?
Où sont passées la raison et l’audace qui ont fondé la République française ?
La France n’est pas à la hauteur de l’accord de Paris sur le climat. Nous pouvons encore répondre au devoir moral et saisir l’opportunité historique d’ouvrir la voie vers un monde nouveau, débarrassé de l’emprise mortelle des énergies fossiles.
« La France est le pays des lumières, mais ça fait longtemps qu’on n’a pas changé l’ampoule », blague avec justesse je ne sais plus qui. Ce pays aurait tout à gagner en montrant qu’il est possible de sauver l’humanité du prix de son inconséquence. Et tout le monde perdra durant de nombreuses générations, si aucune société développée n’est capable de faire la démonstration qu’il est possible d’éviter le chaos climatique et les conséquences d’un monde en perpétuel manque de pétrole. C’est maintenant, ou jamais.
Nous avons résolu la crise de la dette de 2008 en accumulant davantage de dettes.
Pourquoi ne pas renverser la perspective ?
Une société plus sobre est une société plus économe, autrement dit une société plus riche, plus robuste, plus « résiliente » (et potentiellement plus juste, voire même, qui sait… plus chouette).
La sobriété dont je parle n’est pas juste une somme de choix individuels. Il est question de la sobriété des grands systèmes complexes qui nous permettent de vivre, d’une réorganisation favorisant systématiquement la simplicité et la robustesse de nos modes de production et de nos modes de vie. Ceci réclame une conversation collective historique, adulte et raisonnable. Nous sommes de plus en plus nombreux à percevoir clairement cela. Faisons-le savoir, et vite.
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Une chose encore : la Syrie et le Yemen, le Venezuela et peut-être même le Mexique démontrent aujourd’hui avec quelle soudaineté et quelle cruauté peuvent s’effondrer des nations à la suite (à cause ?) d’un déclin de leurs ressources énergétiques. A Dieu ne plaise que demain une chose similaire se produise, mettons, en Algérie, où la production d’hydrocarbures, et donc les ressources en devises, s’étiolent lentement mais sûrement depuis plusieurs années maintenant. Que dirait alors un Laurent Wauquiez ?…
Un historien russo-américain, Peter Turchin, a démontré de façon convaincante l’existence de cycles historiques de croissance et d’effondrement des sociétés liés à la capacité – ou à l’incapacité – des ressources naturelles à perpétuer le développement de ces sociétés. A travers les exemples de l’empire romain, de la France du Moyen Age, ou encore de la Russie impériale, on y voit les sociétés d’abord croître sans développement des inégalités entre le peuple et les élites, puis la population et les revenus des classes populaires passer par un maximum, permettant aux élites de proliférer grâce à la captation d’une rente abondante comme jamais.
Puis : les guerres, les famines, longtemps. Non.