Chronique
Si notre chroniqueuse se réjouit de la victoire des écologistes aux municipales, elle considère qu’on ne peut pas parler de « vague verte », notamment du fait de l’abstention record. La bataille culturelle est loin d’être acquise.
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cela ne dit rien de définitif sur une victoire de l’écologie dans l’opinion. Il suffit de regarder les chiffres de l’abstention pour écarter l’idée de massification. Soit le sentiment d’urgence écologique et sociale ne se répand pas si largement — ce qui reste édifiant au regard des enjeux —, soit la désaffection pour les politiques se répand plus rapidement. Au croisement des deux, il y a la mobilisation d’un électorat restreint qui fait gagner des projets nouveaux. Cela ne veut pas dire qu’il y a une demande majoritaire d’écologie radicale, ni que les habitant-es et les acteurs économiques vont accepter demain sans broncher de municipaliser l’eau, d’accueillir dignement les migrants, de réduire la place de la voiture en ville, de renoncer aux grands stades ou aux partenariats publics-privés, de baisser significativement la consommation de ressources et la matière produite, de développer la sobriété dans tous ses aspects ni qu’on échappera à des phénomènes de gentrification.
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L’écologie est de plus en plus attendue, non à droite sur son réalisme économique, mais à gauche, sur son anticapitalisme et sa radicalité. Elle est devenue clivante. Partout, que cela ait été impulsé ou non par les listes concernées, on a assisté à des levées de boucliers d’intérêts économiques et particuliers, à Toulouse ou Lyon comme sur certains plateaux télé. Ça avait commencé avec Greta Thunberg, ça se poursuit avec certaines propositions de la Convention citoyenne pour le climat : la violence des attaques oblige chacun à se positionner et révèle des projets politiques opposés, qui touchent de plus en plus aux grands projets d’infrastructure et à l’économie, bien au-delà de la vision consensuelle d’une écologie bio–vélo. On rentre dans le dur.
L’accélération et la dégradation brutale de la précarité, du climat, des pollutions et de la biodiversité
Cette bataille culturelle, nous en avons été les artisans par la réflexion intellectuelle qui s’est ouverte sur le lien indissociable entre justice sociale et urgence écologique, sur l’Anthropocène et notre rapport aux écosystèmes, par sa traduction politique, qu’elle soit institutionnelle ou en marge du système, dans des éléments de programme sur la fiscalité ou les traités de libre-échange, dans des manières différentes d’être terrestres, de vivre et d’habiter un lieu, par des actions de terrain, de l’entraide et de la désobéissance, par des opérations coups de poing destinées à ouvrir notre fenêtre d’Overton [1]. En bref, de manière générale par le trépied de la transformation sociale : un réseau de résistances, la construction d’alternatives et de l’éducation populaire.
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Au-delà des analyses électorales et sociologiques, c’est probablement l’élément nouveau le plus décisif car c’est celui qui affecte nos vies et notre avenir bien plus sûrement que tous les scrutins passés et à venir.
Pour ces nouvelles équipes municipales, c’est maintenant que les difficultés commencent
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considérer le réel avec lucidité et vertébration politique certes, mais sans fausse polémique ... parce qu’il y a — au mieux — urgence, je crois qu’on ne peut pas faire la fine bouche sur tout ce qui peut permettre de préserver ne serait-ce que quelques grammes de vivant et de justice sociale ... Il est très dur de gérer une ville de manière réellement écolo et sociale, même avec les meilleures volontés, quand on est englué dans un système capitaliste et productiviste. Les mairies ne sont pas des baguettes magiques et ne disposent pas de tous les leviers, en particulier fiscaux ou législatifs. Il ne faut pas donc y placer trop d’espoirs qui seraient fatalement déçus ... le Capitalocène ou la résilience ... débitumisation
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que ce soit des élu-e-s citoyennes, Europe Écologie Les Verts, France insoumise ou je ne sais quoi, rien ne se passera de significatif sans mobilisation et réflexion du dehors, c’est-à-dire de nous. Une pression à la fois radicale car dégagée des tensions du pouvoir représentatif et amène, car l’objectif n’est pas d’affaiblir ni de braquer mais bien de pousser de potentiels alliés. Tout l’enjeu, selon moi, est désormais là. Et nous ne renoncerons à rien.
[1] Cette notion théorise un espace fluctuant, sous la forme d’une fenêtre dans laquelle se situe ce qui est politiquement acceptable par le public. Cela peut prendre la forme de ballons d’essai volontairement provocateurs pour voir comment l’opinion réagit ou de légitimisation de formes d’actions considérées comme violentes ou encore de rendre des choses jusqu’ici tacitement admises inacceptables.
[2] L’irénisme est l’attitude qui consiste à minimiser les désaccords et conflits pour parvenir à la concorde à tout prix.
Ndlr :
- espace d'Overton ~acceptabilité sociale ? ACT
- irénisme : acheter la "paix sociale" ? ACT
En ralentissant l’activité économique, la pandémie de coronavirus baisse aussi les émissions de gaz à effet de serre et la pollution atmosphérique. Mais le répit ne pourrait être que de courte durée... À moins que la situation ne provoque une prise de conscience inédite.
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Un chercheur de l’université Stanford, en Californie, Marshall Burke, a fait différents calculs. Il estime notamment que l’amélioration de la qualité de l’air en Chine a sauvé la vie de 4.000 enfants de moins de cinq ans et de 73.000 personnes âgées. « La réduction de la pollution en Chine a probablement sauvé vingt fois plus de vies que celles qui ont été perdues en raison du virus », écrit-il sur le site web G-Feed http://www.g-feed.com/2020/03/covid-19-reduces-economic-activity.html, un groupe de travail sur la société et l’environnement.
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Dans un communiqué publié vendredi 13 mars 2020, l’Agence spatiale européenne écrit que, « bien qu’il puisse y avoir de légères variations dans les données en raison de la couverture nuageuse et des changements météorologiques, nous pensons que la réduction des émissions coïncide avec la mise en confinement de l’Italie, la diminution du trafic et des activités industrielles ».
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« Il existe encore beaucoup d’incertitudes », juge, prudemment, le climatologue Hervé le Treut, avant d’affirmer qu’« il y aura un avant et un après coronavirus d’un point de vue climatique. L’épidémie et les mesures prises à son encontre vont créer un choc psychologique dans nos sociétés. L’épisode que nous allons vivre ne va pas nous laisser indemnes. Il aura des conséquences sur les politiques environnementales à venir, prévoit-il. Le déni envers le coronavirus et le changement climatique est finalement assez similaire, c’est toujours face à la catastrophe que nous réagissons en urgence. »
Langouët, Puy-Saint-André, Faux-la-montagne... Les petites communes sont de plus en plus nombreuses à se lancer dans la transition écologique. Souvent à l’origine de projets précurseurs, leurs maires font montre d’un optimisme sans faille... Mais pointent aussi les difficultés que peut rencontrer un village sur le long chemin de la transition.
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Daniel Cueff, maire de Langouët, dans le Finistère. Désormais connu pour son arrêté anti-pesticides, il a aussi impulsé dans sa commune de 600 habitants la première cantine totalement bio, une école basse consommation, la construction de maisons « zéro carbone, zéro déchet de chantier », etc. ... l’écologie au centre de sa politique ... une volonté politique forte », dit Nicolas Garnier, délégué général de l’association Amorce https://amorce.asso.fr/, qui accompagne les collectivités locales engagées dans la transition écologique sur les questions d’énergie, de gestion des déchets et de l’eau. « Il faut être courageux. Et convaincre l’adjoint aux finances... » ... village de 460 âmes, une société d’économie mixte pour produire de l’énergie renouvelable dont les habitants sont aussi actionnaires. ... Estelle Arnaud. « On a mis en place des assemblées d’habitants, le conseil municipal travaille avec elles pour que les projets ne soient pas portés que par les élus », dit Catherine Moulin, maire de Faux-la-Montagne https://reporterre.net/Faire-revivre-les-campagnes-en-Creuse-comme-ailleurs-c-est-possible (Creuse, 420 habitants) ... Daniel Cueff « Nous fixons un cadre, qui est d’avoir les performances les plus écologiques possibles, puis nous sélectionnons des architectes "citoyens" qui acceptent le projet politique que l’on a et qui expérimentent avec nous. » ... Michel Maya, fier du bâtiment à énergie positive ... « L’Ademe nous a financé à 80 % un poste de chargé de mission énergie », se félicite le maire de Muttersholtz ... « L’État est en train de passer d’une logique où il donne de manière égalitaire à tous, à une logique de projets, on donne là où c’est efficace », observe Patrick Barbier ... calcule Cédric Szabo, directeur de l’Association des maires ruraux de France (AMRF). « On nous dit que la baisse est finie, mais les dotations n’ont jamais été aussi faibles. » ... suppression de la taxe d’habitation, décidée par Emmanuel Macron ... Daniel Cueff en souligne l’impact démocratique : « On a supprimé le lien entre l’impôt et l’électeur. Nous sommes désormais sous dépendance de l’État. » « Le gouvernement nous dit que les collectivités locales sont les chevilles ouvrières de la transition écologique. S’il est sincère, il doit donc décentraliser la fiscalité », ajoute Nicolas Garnier d’Amorce.
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Catherine Moulin regrette ainsi amèrement le regroupement imposé par la loi NOTRe de 2015. « On avait une petite communauté de communes qui fonctionnait très bien. Puis on a été obligé de fusionner avec celle d’Aubusson. La ville est à 45 minutes de route et eux sont en plaine, nous en montagne. Ce ne sont pas du tout les mêmes problématiques ! » L’agrandissement des régions n’a pas davantage amélioré les choses : « Pour nous, le siège, à Bordeaux, est à quatre heures de route sans transports en commun, ce n’est pas très écologique... » ...
... Si les communes et les intercommunalités n’ont pas tous les leviers pour agir en faveur de la transition écologique, elles sont cependant bien outillées. Dans ce dossier fouillé, Reporterre propose un « kit » de ce que peuvent – ou pas – les communes en matière écolo. Maires, candidats, citoyens, c’est à vous d’agir, maintenant !
POUR ACCÉDER AUX FICHES (transport, agriculture et alimentation, étalement urbain, énergie, déchets, autres actions) DE NOTRE KIT
À la question « que peut un maire pour l’écologie ? », Mohamed Gnabaly, maire sans étiquette de l’Île-Saint-Denis répond sans ambages : « Énormément ! » Également vice-président à la transition écologique au sein de l’Association des maires de France, il est intarissable quant aux réalisations vertes des communes. Consommation énergétique, mobilité, restauration scolaire, espaces verts, mobilité… À l’écouter, les édiles seraient des superhéros de la transition écologique. D’autres communes — de Grande-Synthe, dans le Nord, à Muttersholtz, dans le Bas-Rhin — qui ont fait de l’écologie leur cheval de bataille depuis plusieurs années, semblent lui donner raison.
En recourant à une procédure méconnue du Code rural, le maire de Moëlan a permis de mettre en culture des parcelles agricoles privées laissées à l’abandon. Une trentaine d’emplois doivent être créés d’ici deux ans et l’autonomie alimentaire de la commune sera renforcée.
Moëlan-sur-Mer (7.000 habitants, Finistère), reportage
...Objectif : stimuler l’économie locale via l’agriculture biologique, tout en luttant contre la forte spéculation foncière et l’artificialisation des sols. ... procédure méconnue du Code rural, jamais employée à une telle échelle : la mise en valeur de terres incultes ... le maire, Marcel Le Pennec ... « reconstruire la mosaïque paysagère d’autrefois » et favoriser le retour de la biodiversité ... Lysiane Jarno, animatrice-coordinatrice de Terre de liens en Bretagne ... Erwan Gourlaouen, conseiller municipal et ingénieur agronome, a proposé « un truc qui n’a jamais été fait mais qui existe dans le Code rural » : les articles L125-1 et suivants prévoient « que les friches agricoles ne doivent pas exister » https://www.legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do?idArticle=LEGIARTI000027573259&cidTexte=LEGITEXT000006071367&dateTexte=20150322
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le conseil départemental du Finistère a chargé une commission d’aménagement foncier https://www.finistere.fr/Actualites/Mise-en-valeur-de-friches-littorales-a-Moelan-sur-Mer de recenser les zones dans lesquelles il serait d’intérêt général de remettre en valeur les parcelles incultes (en friche) ou manifestement sous-exploitées (sans véritable valorisation agricole).
Résultat : 120,4 hectares correspondant à plus de 1.200 parcelles ont été choisis. Soit un gros tiers des 350 hectares de terres agricoles inoccupées de la commune. Le reste a été laissé à la nature. ...
À propos de l’association
Reporterre est le quotidien de l’écologie en ligne. Tous les jours, il publie des articles pour parler d’écologie dans toutes ses dimensions : agriculture, alimentation, transport, climat, alternatives…
Résumé du projet
Dans son idée que l’information doit être accessible à toutes et tous, Reporterre a lancé, en 2015, le projet “Écologie et quartiers populaires” (intitulé dans un premier temps “Climat et quartiers populaires”). En articulant reportages, ateliers médias et rencontres publiques, l’idée en est de donner la parole aux habitants des quartiers populaires, pour qu’ils disent quel regard ils portent sur le dérèglement climatique et sur les questions écologiques. L’objectif à moyen et long terme est de multiplier les reportages, les ateliers médias et les rencontres dans ces quartiers, en prêtant une attention particulière aux initiatives portées par les jeunes, dans la lignée de ce que, par exemple, Reporterre a fait à Villetaneuse, en Seine-Saint-Denis, où des jeunes condamnés à des travaux d’intérêt général reprennent leur vie en main dans une ferme. En résumé, “Écologie et quartiers populaires” accompagne des personnes de quartiers sensibles dans la réalisation d’objets journalistiques diffusés par Reporterre.
Lieu
Toute la France, et particulièrement Paris et la région Ile-de-France, l’Aisne, les Bouches- du-Rhône, et l’Occitanie.
Montant demandé
12 000 €
Utilisation prévue de ce montant
L’organisation d’ateliers par les journalistes de Reporterre, aide à la rédaction d’objets journalistiques, édition et publication des articles, frais de déplacement.
200 personnes ont soutenu ce projet
esnault@reporterre.net
Organisme : Reporterre
60 rue des Vignoles, 75020 Paris
www.reporterre.net
Transcription :
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poursuivre en 2018 le projet notamment sur "les quartiers populaires en milieu rural" ++