La justice Restaurative :
vecteur d'épanouissement du Système de Justice Pénale
par Robert Cario, Professeur de criminologie
Codirecteur du Master de criminologie
Université de Pau et des Pays de l’Adour (UJP/CRAJ)
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les impératifs du procès équitable ont conduit à offrir à la victime la place qui n'aurait jamais dû cesser d'être la sienne, es qualités d'acteur aux côtés de l'infracteur et du procureur. Il ne peut y avoir de vérité judicaire (co-construite par obligation) sans celle de la victime. Une telle posture ne va pas de soi et nombreuses sont les critiques relatives à la poussée "victimaire" actuelle, source "prétendue" de l'aggravation de la sévérité de la réponse socio-pénale à l'égard des condamnés.
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Inscrite dans un processus dynamique, la Justice Restaurative suppose la participation volontaire de tou(te)s celles et ceux qui s'estiment concerné(e)s par le conflit de nature criminelle, afin de négocier, ensemble, par une participation active, en la présence et sous le contrôle d'un "tiers justice" et avec l'accompagnement éventuel d'un "tiers psychologique et/ou social", les solutions les meilleures pour chacun, de nature à conduire, par la responsabilisation des acteurs, à la réparation de tous afin de restaurer, plus globalement, l'Harmonie Sociale.
L'opérationnalisation des mesures de Justice Restaurative provoque de réelles ruptures épistémiques au bénéfice incontestable du Système de Justice pénale, en totale complémentarité. Dans le modèle de justice pénale actuel, le crime est considéré comme un acte portant atteinte à l'Etat. La justice met exclusivement l'accent sur la responsabilité abstraite de l'infracteur, sur le passé de la faute, dans le but de lui appliquer la peine prévue par la loi. La justice est vue au travers d'une procédure d'opposition entre adversaires, infracteurs et victimes demeurant passifs, voire ignorés. Le droit positif réduit ainsi "la procédure à une question technique". La peine prévue par la loi est juste en elle-même, le respect des règles l'emportant sur les résultats.
Selon la philosophie restaurative, le crime est davantage une atteinte aux personnes et aux relations interpersonnelles. La justice a, par conséquent, pour but d'identifier les besoins et les obligations de chacun des protagonistes. La justice se conçoit comme un processus impliquant, de manière active, toutes les personnes intéressées. Par le dialogue, on encourage réciprocité et partage des émotions. La responsabilisation concrète de tous conduit à la recherche de solutions consensuelles, tournées vers l'avenir et destinées à réparer tous les préjudices. Les résultats, tout autant que le processus, apparaissent ici essentiels, comme l'indiquent les différentes mesures disponibles.
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- Mise en œuvre des mesures de Justice Restaurative
Ces principales mesures sont : la médiation victime - infracteur, la conférence du groupe familial, le cercle de détermination de la peine (ou cercle de sentence). D'autres mesures s'en rapprochent, comme les Commissions vérité-réconciliation (CVR) ou les Cercles de soutien et de responsabilité (CSR). La plupart de ces mesures sont mises en œuvre "en face à face", à tous les stades de la procédure. La gravité des actes importe peu, dès lors que les conditions énoncées plus haut dans la définition sont remplies. Les Rencontres détenus-victimes y occupent une place particulière en ce qu'elles offrent, après condamnation, un dialogue entre un "groupe" de condamnés et de victimes, anonymes.
Elles se déroulent selon un protocole assez proche, à deux conditions préalables près : que l'ensemble du processus soit maîtrisé par un authentique professionnel, dans le cadre d'une préparation très aboutie. Quatre phases sont généralement identifiées : l'éligibilité (du cas, des personnes), la rencontre, la négociation, le suivi de l'accord, avec des variantes parfois importantes selon que la mesure est retenue dans le pré- ou le post-sententiel notamment.
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Les questions du "pourquoi" et du "comment" sont essentielles pour les victimes et leurs proches, mais d'une certaine manière pour les proches de l'infracteur et l'infracteur aussi (en termes de prise en compte des réalités concrètes des victimisations consécutives à son acte).
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Magistrats et acteurs socio-judiciaires considèrent que la complémentarité entre les mesures de Justice restauratrice et celle de la Justice est parfaitement viable, vecteur d'humanisation, facteur de gain de temps pour tous. Ainsi socialisé, le désir de "vengeance vindicative et destructrice" s'estompe pour laisser place au partage, à la réciprocité, à l'intercompréhension, à la vengeance vindicatoire qui rend à nouveau actif, qui permet de reprendre le pouvoir sur sa vie. La peur du crime, comme expérience vécue, s'estompe à l'écoute des infracteurs, de la sincérité de leurs regrets et de leurs engagements pour l'avenir. Si des coûts judiciaires, sanitaires et sociaux sont ainsi épargnés, il convient encore de remarquer, et ce n'est pas le moins important, que le taux de récidive est bien moins élevé, grâce à la responsabilisation subséquente du condamné. Prenant conscience qu'il appartient à la communauté, prête à l'accueillir de nouveau après s'être acquitté de ses obligations, il mesure clairement que c'est l'acte qu'il a commis qui est stigmatisé comme inacceptable, alors que lui-même demeure une personne, ayant toute sa place parmi les autres êtres humains.
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Car mises à part la médiation pénale (à l'égard des adultes et au seul stade des poursuites) et la réparation pénale à l'égard des mineurs (plus heureusement susceptible d'être prononcée à tous les stades de la procédure), l'arsenal restauratif français est bien pauvre. D'autant plus que ces mesures sont davantage destinées à "mordre" sur les classements sans suite que sur les poursuites mêmes (y compris en ce qui concerne les mineurs, puisque 90 % des mesures sont prononcées par le parquet), s'apparentant par là à des ajouts punitifs de nature à élargir, abusivement, le filet pénal tendu par les organes de contrôle social contemporains. L'optimisme de l'action doit néanmoins ne pas céder devant le pessimisme de l'intelligence . En effet la Session de Rencontre détenus-victimes qui a été mise en place au sein de la Maison centrale de Poissy en 2010 augure de perspectives remarquables si le législateur veut bien lui donner force de loi. Dans le même esprit, quelques sanctions "à visée" restaurative, en associant pleinement la victime à leur déroulement, pourraient être de nature à épanouir l'œuvre de Justice.