Un avion abandonné en Islande. © Richard Gould
Alors que l’interdiction pure et simple des activités néfastes pour l’environnement comme les vols intra-continentaux ou l’usage des voitures en centre-ville, peut être une solution cohérente pour répondre aux enjeux écologiques et climatiques, il est pourtant difficilement concevable qu’un État y ait recours, car trop « liberticide ». Cette difficulté à interdire s’explique, d’après Augustin Fragnière, philosophe et environnementaliste à l’Université de Lausanne, par la conception dominante de la liberté individuelle héritée d’une certaine interprétation du libéralisme.*
- Cet entretien a été réalisé avant le confinement.
Dans vos recherches, vous vous êtes attaché à démontrer que les politiques visant à interdire pour des raisons écologiques n’étaient pas nécessairement liberticides. Pourquoi sommes-nous tentés de penser le contraire ?
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Augustin Fragnière est philosophe et environnementaliste à l’Université de Lausanne et auteur d’une thèse « Liberté et Écologie : libéralisme versus républicanisme ». Il est co-auteur du livre La pensée écologique, une anthologie, publié chez PUF en 2014.
À propos de l'auteur Hugues Wattebled
Professeur de philosophie, ancien rédacteur en chef de la revue « Opium philosophie ».
Le sujet du transport aérien est complexe : les effets de l’aérien sur le climat ne dépendant pas exclusivement du CO2 émis, mais s’additionnent à d’autres effets « réchauffants » ; les enjeux sont imbriqués et multiples : nationaux, européens, inter-nationaux, économiques, sociaux, climatiques, territoriaux, etc. Reste que le débat politique ne peut faire l’économie d’une information de qualité – information qui est difficile d’accès. C’est à cette difficulté que vise à répondre la présente note, dans le contexte de la Loi d’Orientation des Mobilités (LOM http://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/dossiers/alt/loi_orientation_mobilites) et des débats sur l’aérien.
Et justement, le débat fait rage à l’Assemblée nationale et en-dehors : plusieurs amendements à la LOM visent à taxer davantage le transport aérien ; une proposition de loi visant à limiter les vols substituables en train vient d’être présentée par des députés ; le Conseil de Paris s’est prononcé en faveur d’une plus juste taxation du secteur aérien ; le phénomène du “flygskam” (honte de prendre l’avion – en bon français, avionte ? avihonte ?) venu de Suède, trouve un certain écho médiatique.
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Au total, aujourd’hui, en tenant compte du facteur x2 à appliquer aux émissions de CO2 de l’aviation, mais aussi du fait que les émissions liées au mode de vie des Français doivent intégrer les produits importés (notion d’empreinte carbone), l’aviation représente, en 2016, un peu plus de 6 % de l’empreinte carbone des Français (21,9 MT x2 / 689 MT (chiffre de 689 MT en 2016 issu de la Stratégie Nationale Bas Carbone)). Ce chiffre est en augmentation, car la consommation de carburant par l’aviation croît, tandis que l’empreinte carbone est à peu près stabilisée.
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La convention de Chicago, en elle-même, n’interdit que de taxer le carburant se trouvant déjà dans les réservoirs de l’avion lors de son entrée dans le pays. C’est en fait par des résolutions et accords bilatéraux que les États s’engagent à appliquer des taux de taxation faibles ou nuls au carburant vendu sur leur territoire.
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« Notre mode de vie actuel est-il compatible avec la lutte contre le réchauffement climatique ? »
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Nous publions ici une tribune émanant de plusieurs chercheurs participant à un Atelier d’écologique politique, communauté pluridisciplinaire de scientifiques travaillant ou réfléchissant aux multiples aspects liés aux bouleversements écologiques. https://atecopol.hypotheses.org/
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Puisque nous partageons avec Extinction Rebellion cette envie de parler vrai, nous plaidons pour que, tous ensemble, nous ayons une discussion honnête et franche sur ce que nous souhaitons vraiment pour nous et pour le reste de l’humanité présente et future, à la lumière de ce qu’il est vraiment possible de faire. Souhaitons-nous maximiser notre bien-être présent sans trop nous soucier du long terme et de celui de nos descendants ? Quel degré d’inégalité à l’échelle d’un pays ou du monde sommes-nous capables de tolérer ? Que souhaitons-nous garder ? Notre espérance de vie ? Nos capacités à voyager loin et rapidement ? La société numérique ? L’alimentation carnée ? De vastes lieux d’habitation chauffés ? Les denrées exotiques ? Des piscines individuelles ? Vous le voyez, ces questions sont complexes car elles bousculent le confort qui nous semble avoir été acquis après des décennies de progrès. Elles sont en tout cas bien éloignées des questions faussement naïves auxquelles on nous propose de répondre dans le Grand Débat
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pour permettre à chaque Français.e de faire un voyage long-courrier par an en avion, il faudrait consacrer 16 départements français à la culture de l’agro-carburant !
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les avions ne sont pas près de s’arrêter de voler au kérosène, alors que c’est maintenant qu’il faut diminuer nos émissions. Prendre l’avion est donc un luxe incompatible avec la sauvegarde de la planète sur le long terme
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passer à un mode de production par autorisation des citoyens, en considérant tous les aspects que l’introduction d’un nouveau produit a sur l’ensemble de la société et sur les sociétés à venir. Le second principe est que tout produit ou service vendu au grand public doit impérativement pouvoir être acheté par le plus grand monde. Ce faisant, l’accumulation de richesses perdra tout son sens, puisque la richesse ne servira plus
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Ce sont les ennemis du vivant qui veulent faire croire que sobriété rime avec tristesse
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Signataires :
Frédéric Boone, astronome adjoint, Institut de Recherche en Astrophysique et Planétologie (IRAP), UMR CNRS – UT3.
Guillaume Carbou, maître de conférences en sciences de la communication, Laboratoire Sciences, Philosophie, Humanités (SPH), Université de Bordeaux ; associé au Laboratoire d’études et de Recherches Appliquées en Sciences Sociales (LéRASS), UT3.
Julian Carrey, professeur en physique, Laboratoire de Physique et Chimie des Nano- Objets (LPCNO), UMR CNRS – INSA – UT3.
Jean-Michel Hupé, CR CNRS en sciences cognitives, Centre de Recherche Cerveau et Cognition (CerCo), UMR CNRS – UT3.
Vanessa Léa, CR CNRS en archéologie, laboratoire TRACES, UMR CNRS – Université Toulouse Jean-Jaurès & Laboratoire d’écologie fonctionnelle et environnement (écoLab), UMR CNRS – INP – UT3.
Sébastien Rozeaux, maître de conférences en histoire contemporaine, laboratoire France, Amérique, Espagne – sociétés, pouvoirs, acteurs (FRAMESPA), UMR CNRS – UT2.