Placer la réparation des préjudices au cœur de la réponse à la criminalité, c’est le principe de la justice restaurative, introduite en France dans la loi du 15 août 2014. Avec une trentaine de projets pour 2017 sur une vingtaine de cours d’appel contre cinq en 2016, elle est aujourd’hui en passe de connaître un développement exponentiel. En quoi consistent ces pratiques ? Que peut-on en attendre ? Sont-elles en adéquation avec la philosophie d’origine ?
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l’Institut français pour la justice restaurative (IFJR), association créée en 2013, affirme avoir formé plus de 580 professionnels de la justice et de l’aide aux victimes un peu partout en France depuis 2014, passant de trois sessions de formation à vingt-six en 2016. Trente-trois programmes de justice restaurative seraient en route sur vingt-deux cours d’appel, essentiellement des rencontres condamnés-victimes
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C’est à un agent de probation canadien que l’on devrait les premières expériences de justice restaurative – aussi appelée restauratrice ou réparatrice. À la suite d’un banal fait divers, ce dernier aurait eu l’idée, en mai 1974, d’amener les deux délinquants mineurs à rencontrer leurs victimes, réinterprétant ainsi les expériences de justice communautaire qui se développaient à la même époque en Amérique du nord. De cette expérience seraient nés, en Ontario, les premiers programmes de réconciliation victime-délinquant
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Les racines de la justice restaurative seraient également à chercher en Nouvelle- Zélande, où, à la même époque, l’on puisa dans les traditions indigènes « pour exhumer une réponse à la surpénalisation » des jeunes aborigènes, relate la chercheuse Sandrine Lefranc (1), avant que ce dispositif ne soit importé en Australie, au Canada puis aux Etats-Unis. « Mais la doxa restaurative oublie le plus souvent de mentionner qu’elle fut surtout la résultante des luttes politiques initiées dans les années 1960 aux États-Unis et qui traverseront les sociétés occidentales » (2), du combat pour les droits civiques des minorités aux revendications post-coloniales, en passant par les mouvements de soutien aux victimes d’actes criminels et par les courants de criminologie critique, qu’ils soient marxiste ou féministe… Quoiqu’il en soit, ce mouvement quasi mondial (3) n’aurait pas connu le même essor sans la contribution d’un expert américain, considéré comme le père fondateur de la pensée restaurative : Howard Zehr, pasteur responsable du développement de la médiation victime-auteur pour l’Amérique du nord.
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