Max Weber (1864-1920)
En janvier 1919, Max Weber, le célèbre sociologue allemand, donne une conférence sur « la profession et la vocation de politique », dans un contexte qui est bien évidemment fort différent du nôtre, celui des troubles provoqués par la fin de la Première Guerre mondiale, mais où sont déjà présents un certain nombre de problèmes contemporains : la force des affirmations identitaires, la perte de sens liée à la modernité, la mise en cause de la politique… et son analyse peut nous aider à comprendre le choix que vient de faire Nicolas Hulot de se retirer du gouvernement.
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la distinction qu’il introduit entre éthique de la conviction et éthique de la responsabilité est essentielle.
L’éthique de la conviction est une éthique absolue qui impose d’agir dans le respect des valeurs (le refus de la violence, l’obligation de dire la vérité…), quelles que soient les conditions dans lesquelles l’on se trouve et les conséquences de ces choix. Seule importe la proclamation de celles-ci. C’est l’éthique du Sermon sur la Montagne.
À l’inverse, l’éthique de la responsabilité, bien que fondée elle aussi sur l’adhésion à des valeurs, implique que l’on prenne en compte les conséquences prévisibles de nos actions, que l’on soit souvent obligé, pour atteindre des fins conformes aux valeurs, de mettre en œuvre des moyens qui rentrent en contradiction avec celles-ci et que les résultats de nos actions puissent être en contradiction avec nos intentions. Faire de la politique, c’est donc renoncer à la pureté, qui, comme le disait Péguy à propos de Kant, est celle de l’homme qui n’a pas de mains.
Nicolas Hulot. N4than!el/VisualHunt, CC BY-NC-SA
Nicolas Hulot : un ministre responsable
Une démission qui doit nous sortir de notre indifférence
Il n’a pas démissionné, comme cela se fait d’ordinaire, parce qu’il rejette le gouvernement auquel il a appartenu et pour lequel il garde « une immense amitié ». Il va même jusqu’à reconnaître que la France en matière d’environnement fait beaucoup plus que beaucoup de pays. La raison est infiniment plus grave. C’est que personne ne prend réellement au sérieux la tragédie écologique qui s’annonce, ni les politiques, ni la société civile et, qu’en restant au gouvernement, il pouvait donner l’illusion par sa seule présence que les choses n’allaient si mal que cela.
Une démission qui renvoie donc chacun d’entre nous à notre responsabilité sociale et politique, mais qui laisse en suspens la question centrale. Sommes-nous capables de sortir de « ce modèle économique qui est la cause de tous ces désordres » et d’en payer le prix nécessairement élevé en termes de niveau de vie et d’emploi ? L’irréalisme, souvent alimenté par les commentateurs politiques, qui consiste à faire croire que les contraintes auxquels sont confrontés les hommes politiques n’existent que parce qu’ils en tirent bénéfice, est aussi dangereux que l’indifférence, car il risque de mettre en péril notre capacité collective à améliorer, si peu que cela soit, notre situation.
clés : éthique écologie environnement politique gouvernement
Nicolas Hulot