1 Histoire et sociologie des sciences, Centre Alexandre Koyré, 75013, Paris
Mots-clés : environnement ; changement climatique ; expertise ; GIEC ; modèle linéaire
Résumé –
Depuis vingt-cinq ans, le changement climatique anthropogénique est appréhendé comme une question d’environnement global. Les sciences du climat jouent un rôle primordial dans la construction du problème, qui se veut résumé par la formule « science speaks truth to power », science et politique étant supposées séparées et étanches. Ce cadrage jusqu’ici dominant est aujourd’hui ébranlé par l’échec des négociations internationales : il est devenu manifeste que le consensus scientifique ne suffit pas à engendrer des décisions politiques globales significatives. À l’heure de la COP de Paris, alors que se discute la nécessité de changer de paradigme dans la négociation, cet article veut s’interroger sur l’évolution des relations entre science et politique dans le régime climatique, en revenant sur la vision du rôle de la science et en évoquant les critiques, propositions et perspectives qui se dessinent à propos des modèles d’expertise.
...
Des sociologues des sciences ont également mis en évidence des éléments de coconstruction entre science et politique dans les pratiques mêmes de modélisation du climat, montrant par exemple que certains choix des climatologues – comme la technique dite des ajustements de flux intervenue au moment du couplage des modèles atmosphériques avec les océans – ont résulté d’une anticipation des attentes des politiques et d’une volonté de produire des connaissances directement utiles (Shackley et al., 1999).
...
Le seuil de 2 °C a été adopté d’abord par l’Union européenne qui en fait un pilier de sa politique climatique, puis consacré par la COP de Copenhague et les conférences ultérieures – sans jamais préciser à quel horizon temporel le chiffre se réfère, ce qui laisse la porte ouverte à une multitude de scénarios de réduction. Ainsi, si le seuil de 2 °C domine les négociations et jouit d’une grande autorité, c’est
parce qu’il résulte d’une coconstruction combinant légitimités politique et scientifique. Pourtant, dans le sillage des changements qui affectent le régime climatique, cet objectif est aujourd’hui débattu, parfois même remis en cause.
...
Conclusion
...
une chose nous semble devoir s’imposer : plutôt que rechercher un consensus fondé sur la seule science et son hégémonie, il faut admettre et encourager le débat politique et social sur les divers enjeux du changement climatique et les valeurs éthiques qui y sont associées.
ndlr : connu / http://koyre.ehess.fr/index.php?367