Valérie Masson-Delmotte ©AFP - FRANCK FIFE
Très investie dans la recherche fondamentale en sciences du climat et le partage des savoirs, Valérie Masson-Delmotte revient sur son parcours au sein du GIEC et insiste sur l'importance de porter la connaissance scientifique auprès de la société dans le cadre de la lutte pour le climat…
Valérie Masson-Delmotte est directrice de recherche CEA au Laboratoire des Sciences du Climat et de l'Environnement / Institut Pierre Simon Laplace (Université Paris Saclay).
Ses recherches portent sur la variabilité climatique, l'évolution des climats passés et leur impact sur le climat futur. Dans un petit livre intitulé Face au changement climatique publié aux éditions du CNRS, elle restitue notamment son expérience au sein du GIEC, en tant que co-présidente d’un des groupes de travail, de 2015 à 2023.
Tout au long de son parcours professionnel, elle a pris conscience de la nécessité de s’engager pour la démocratisation et l’appropriation des connaissances scientifiques vis-à-vis du changement climatique, et des leviers d’action permettant d’en limiter les risques.
Depuis, elle multiplie les prises de parole publiques, œuvre à la formation des décideurs, et mène des actions au quotidien.
Elle a ainsi co-présidé le groupe de travail sur les bases physiques du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat pendant 8 ans, et est toujours membre du Haut Conseil pour le Climat (2018-2024).
Elle est également membre du Comité Consultatif National d'Éthique (depuis 2022) et vient d’être nommée au Comité Éthique en commun INRAE–Cirad–Ifremer–IRD.
Elle vient d’être nommée au Comité Éthique en commun INRAE–Cirad–Ifremer–IRD.
À écouter : Le chaud et le froid du climat - Les Savanturiers 55 min
Continuer ses recherches sur le climat
La semaine dernière, on apprenait que la France avait enregistré en 2023 une baisse de 5,8 % de ses émissions de gaz à effet de serre par rapport à 2022. Un chiffre meilleur que celui qui était attendu, mais perçu comme conjoncturel par des associations environnementales en raison d'un hiver doux et du ralentissement économique. La semaine dernière, toujours, dans un appel lancé dans l'Obs, 70 personnalités réclamaient davantage de justice environnementale pour lutter contre les atteintes à la nature. Parmi les personnalités signataires du texte, Valérie Masson-Delmotte, climatologue qui, après huit ans passés au GIEC en tant que coprésidente du groupe un, a passé la main l'année dernière, sans pour autant cesser son engagement et ses recherches autour du climat. Valérie Masson-Delmotte vient de publier au CNRS éditions Face au changement climatique, un livre dans lequel elle raconte son parcours et l'importance des sciences du climat.
Une baisse remarquable des émissions de gaz à effets de serre
Valérie Masson-Delmotte note que cette baisse des émissions de gaz est remarquable, elle est encore en train d'être analysée en vue du prochain rapport du Haut Conseil pour le climat : « Par rapport aux anciens hivers doux et la pandémie, c'est le troisième épisode de baisse le plus fort, mais il y a encore des facteurs conjoncturels, comme les hivers doux, l'inflation, le pouvoir d'achat et la production industrielle. Mais il faut aussi se réjouir que cela s'inscrit dans le cadre d'une baisse des émissions de gaz à effet de serre dans une vingtaine de pays dans le monde. En France, les émissions de gaz à effet de serre ont permis d'éviter d'émettre dans le monde plusieurs milliards de tonnes de gaz à effet de serre, et les trajectoires de très fortes hausses à venir ou de très fort réchauffement sont considérées comme moins plausibles. Par contre, ce qui est aussi notable, c'est qu'on voit des résultats qui peuvent sembler encourageants, mais des tendances préoccupantes comme par exemple la forte hausse du transport aérien qui est de 15 %. »
Il reste encore beaucoup à faire pour baisser ces émissions à effets de serre
Malgré ces chiffres encourageants, Valérie Masson-Delmotte note qu'il reste encore beaucoup d'efforts à faire : « Il y a encore énormément à faire d'une part pour construire la décarbonation de nos activités économiques et aussi pour être mieux protégé face à un climat qui va continuer à changer. Nous sommes devant un bilan net des émissions de gaz à effet de serre qui pourrait ne pas tenir les objectifs que la France s'est fixés. Il y a ce qu'on émet, mais il y a aussi les forêts gérées ; on misait en partie sur l'accroissement des forêts pour contrebalancer une partie des émissions et ce puits de carbone des forêts a été divisé par deux sur dix décennies, ce qui montre l'importance de préserver les écosystèmes et leurs services et notamment le fait de pouvoir capter du carbone. »
À écouter : Vents et tempêtes, attention zone de turbulences à venir - La Terre au carré
52 min
2025, une année importante pour réaffirmer l'engagement de l'Europe face au climat
Le changement climatique souligne aussi la mise en œuvre du Green Deal européen qui est important dans tous les pays : « L'année 2025 sera essentielle pour réaffirmer quel sera l'engagement des pays européens dans le cadre de l'Accord de Paris. Ce sera aussi le moment pour préparer les caps qu'on se donnera collectivement, notamment entre 2030 et 2040. C'est une période qui va vraiment être critique en fonction de ce qui sera engagé pour aller vers la neutralité carbone ou non. »
Un risque de recul de l'ambition politique climatique ?
Corinne Le Quéré, présidente du Haut Conseil pour le climat, notait que ces 6 % de baisse étaient encourageants, mais qu'il allait falloir renouveler l'exploit chaque année et dans tous les secteurs. Alors que le Premier ministre affirme qu'il n'a de leçons à recevoir de personne en matière d'efficacité écologique et environnementale, le Haut Conseil pour le climat s’inquiète lui du risque de recul de l'ambition politique climatique : « On a besoin de garder le cap et le calendrier qui était prévu, notamment pour la programmation énergie climat, mais aussi la trajectoire pour l'adaptation. On voit bien que la France est touchée de plein fouet par les conséquences d'un climat qui se réchauffe. Dans le cadre du comité consultatif d'éthique, on travaille sur la préfiguration d'un avis sur les enjeux éthiques, santé et climat. Ce matin, la présidente de la Croix-Rouge faisait le point sur l'aide d'urgence aux 65 000 personnes déplacées lors des inondations dans le Pas-de-Calais. Il y a beaucoup de choses à apprendre des vulnérabilités qu'on voit déjà aujourd'hui. »
À écouter : Valérie Masson Delmotte, paléoclimatologue - Une semaine en France
41 min
Des pluies plus fréquentes et intenses en France dans le futur
Dans un climat qui se réchauffe, on s'attend à avoir des pluies extrêmes, plus fréquentes et plus intenses avec une tendance à l'augmentation des précipitations plutôt au nord de l'Europe : « Les récentes études d'attribution sur les tempêtes ont suggéré que les records de pluie ont été dopés dans un climat qui se réchauffe et comme on a construit en zone inondable et qu'en plus la mer monte, ce serait le moment pour évacuer l'excès d'eau sur le continent, mais c'est une fenêtre qui se réduit un peu chaque jour. Au moment des marées basses, on observe que c'est le début de configurations qui vont être plus compliquées à gérer dans le futur et qui concernent autant les habitants de la métropole, des Outre-mer et de toutes les régions du monde. »
La justice, un levier majeur pour la lutte climatique
... comme le rappelle Valérie Masson-Delmotte : « Par exemple, la semaine dernière, le Tribunal international qui porte sur le droit de la mer a posé un avis en rappelant l'obligation des États par rapport aux conséquences des émissions de gaz à effet de serre sur l'état de l'océan et son acidification qui fragilise les écosystèmes marins. Ce qui est intéressant, c'est qu'on voit que les enjeux du changement climatique percolent à travers les autres aspects du droit, de l'environnement, de la mer, et ce qui en ressort, c'est un rappel aux obligations des États. »
Pour en savoir plus, écoutez l'émission... Quel climat pour nos enfants ? La Terre au carré 52 min
Chroniques Camille passe au vert Conversation avec Michael E. Mann, le climatologue le plus célèbre du monde Leonardo DiCaprio dit s’être inspiré de lui pour le personnage de scientifique qu’il joue dans Don’t look up : Michael E. Mann, climatologue américain, alerte sur le réchauffement climatique depuis la fin des années 90, il vient de gagner un procès contre des climato-dénialistes …
5 min
Clés : Environnement Écologie Biodiversité Valérie Masson-Delmotte Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC) Écologie politique
Climat - Mis à jour le 30 juin 2023 à 16h07 - Durée de lecture : 7 minutes - Clés Climat Politique
Baisse non significative des émissions de gaz à effet de serre, absence d’une réelle politique fiscale pour l’écologie... L’État est mis à mal dans le dernier rapport du Haut Conseil pour le climat.
...
« On a dépassé la politique des petits pas, mais on n’est pas encore au pas de course. » La métaphore sportive choisie par Corinne Le Quéré, présidente du Haut Conseil pour le climat (HCC) depuis sa création en 2018, résume à elle seule les années qui viennent de s’écouler.
Devant la presse, la climatologue a présenté avec ces mots le cinquième rapport annuel du HCC, publié dans la nuit du 28 juin, qui vise à évaluer l’action climatique du gouvernement français. Principale conclusion : après avoir traîné des pieds pendant cinq ans, Emmanuel Macron et ses ministres ont enfin commencé à se saisir de la question du climat. Sans toutefois être à la hauteur des enjeux. https://reporterre.net/IMG/pdf/hcc_ra_2023_-_27_06_vf.pdf
...
En France, en 2022, les émissions de gaz à effet de serre n’ont diminué que de 2,7 % — soit une baisse de 11 millions de tonnes équivalent CO2 (Mt éqCO2) pour les émissions brutes. Certes, cette réduction est supérieure à celle observée en moyenne sur la période 2019-2021 (8,1 Mt éqCO2). Mais lorsqu’on la rapporte à la période 2019-2022, cela donne, selon des chiffres provisoires, une baisse annuelle moyenne de 9,1 Mt éqCO2. Soit beaucoup moins que les 17 Mt éqCO2 attendues pour la période 2023-2030 afin d’atteindre les -55 % de l’UE. « Le rythme de réduction d’émissions brutes de la France doit presque doubler », résument les auteurs du rapport.
Des baisses trop lentes
...
augmentation des émissions dans les secteurs de l’énergie (+4,9 %, à cause d’un recours plus important au gaz pour compenser la réduction des productions nucléaire et hydroélectrique) et des transports (+2,3 %, dans la poursuite de son rebond post-Covid-19). ... les puits de carbone naturels, qui permettent de capturer du CO2 dans l’atmosphère et de le stocker (les forêts, les haies, les sols agricoles…), ont réduit leur absorption de 21,1 % en 2021, par rapport à 2020. Cette baisse s’explique principalement par la mortalité des arbres, le ralentissement de leur croissance, des prélèvements forestiers plus importants ou encore le stress hydrique (le manque d’eau) des écosystèmes. « Nous n’avons pas encore les chiffres pour 2022, mais il est vraisemblable que ce sera plus bas encore », prévoit Jean-François Soussana, membre du HCC, citant les feux de forêt et les sécheresses agricoles de l’année dernière. Sans plan de sauvegarde, ces puits de carbone pourraient avoir disparu en 2050.
De « fortes baisses » ... dans les secteurs du bâtiment (-14,7 %) et de l’industrie (-6,4 %) ... facteurs conjoncturels mesures de sobriété ... pas de politique économique claire ... devra être « juste »
...
L’urgence à agir est désormais palpable. Le HCC dresse un terrible bilan de l’année 2022 : elle a été « exceptionnellement chaude », avec une température moyenne à +2,9 °C par rapport à 1900-1930, selon les données de Météo-France, et très sèche (déficit de précipitations de 25 % par rapport à 1991-2020). Les vagues de chaleur estivales ont induit 2 816 décès en excès, plus de 2 000 communes ont connu de fortes tensions dans leur approvisionnement en eau potable, 72 000 hectares de forêts ont brûlé… Et la situation va empirer
...
Comme l’avaient révélé nos confrères du Monde et de Mediapart, « l’organisme a été désorganisé par son nouveau directeur exécutif, proche d’Emmanuel Macron et des sphères pro-business ». Le rapport publié en 2022 avait été édulcoré, des passages avaient été modifiés, voire supprimés, pour être plus complaisants envers le travail du gouvernement. Mais Corinne Le Quéré l’assure : les treize membres du HCC ont préparé ce nouveau rapport « en toute indépendance ». ... « on peut vraiment y arriver en 2030 ». Avant d’ajouter : « De toute façon, il le faut. C’est un point de passage nécessaire pour arriver à la neutralité carbone en 2050. Et ainsi réduire les risques climatiques qui pèsent sur nous. »
1 602 vues - 71 - 0 - 110 abonnés
Le Haut conseil pour le climat publie son second rapport Neutralité carbone 2020 « Redresser le cap, relancer la transition ».
Ce rapport fait le point sur l’évolution des émissions de gaz à effet de serre en France et sur les politiques climatiques mises en place. Il constate des progrès dans la gouvernance, un accroissement des annonces mais pas d’avancée structurelle quant au rythme de baisse des émissions.
Retrouvez les travaux du HCC sur: www.hautconseilclimat.fr @hc_climat 1 commentaire
Connue / https://twitter.com/JMJancovici/status/1283693462345457670
"
« Redresser le cap, relancer la transition » 17 Retweets 35 J'aime
"