Agriculture biologique et Alimentation
Pour l’heure, seulement 9 % des surfaces agricoles européennes sont cultivées. ©AdobeStock
La guerre en Ukraine nous rappelle douloureusement notre hyperdépendance alimentaire tandis que les épisodes climatiques extrêmes nous enjoignent à revoir notre système agricole pour protéger la planète. L’agriculture bio est sur toutes les lèvres, mais peut-elle seulement satisfaire les besoins alimentaires à l’échelle mondiale ?
L’échec du productivisme
Car jusqu’ici, le modèle productiviste a failli à bien des égards : déforestation, altération de la biodiversité, appauvrissement des sols, pollution de l’eau, émissions significatives de gaz à effet de serre – 22 % du total des émissions selon le dernier rapport du GIEC. « En ajoutant la fabrication des engrais à partir de gaz naturel, le stockage, le transport, le conditionnement et la transformation des aliments, on dépasse les 30 % », ajoute Olivier De Schutter, juriste belge, professeur de droit international et ancien rapporteur spécial pour le droit à l’alimentation de 2008 à 2014. Sans compter que le méthane issu du bétail a un pouvoir de réchauffement bien plus élevé que le CO2. Mais l’agriculture industrielle a également échoué à nourrir les populations : d’après l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), en 2017, 821 millions de personnes souffraient de sous-alimentation – alors même que les pertes alimentaires représenteraient 14 % de la production agricole mondiale. Quant au gaspillage alimentaire, il représenterait selon le Programme des Nations unies pour l’environnement (PNUE) 17 % de la production agricole mondiale.
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Xavier Poux, ingénieur agronome à l’Institut du développement durable et des relations internationales. Il faut sortir de cette logique selon laquelle il faut impérativement compenser la perte de rendement », estime-t-il. Il rappelle que ces pertes sont déjà à l’œuvre malgré nos modèles industriels, et qu’il faut s’y adapter.
Penser circulaire et sortir des logiques de marché
C’est chose faite dans une étude publiée dans Nature Communications en 2017 https://www.nature.com/articles/s41467-017-01410-w, qui assure qu’atteindre 100 % d’agriculture bio d’ici 2050 est possible à condition de réduire le gaspillage alimentaire et de modifier nos habitudes de consommation – moins de viande notamment, afin de libérer des terres cultivables pour l’alimentation humaine – et ainsi compenser une perte de rendement estimée à 30 %. « D’autant que certains pays pourraient être avantagés par le mode d’agriculture biologique, notamment en Asie ou en Afrique, particulièrement pauvres et affamés », ajoute Xavier Poux. Dès 2008, des chercheurs des Nations unies avaient démontré que des exploitations de vingt-quatre pays africains en conversion ou déjà converties au bio avaient vu leur productivité augmenter de 116 % après trois à dix ans de culture https://unctad.org/system/files/official-document/ditcted200715_en.pdf.
Pour l’heure, seulement 9 % des surfaces agricoles européennes sont cultivées en bio, avec un objectif de 25 % d’ici 2030 fixé par la Commission européenne dans sa stratégie « De la fourche à la fourchette » adoptée fin 2021
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les politiques publiques doivent sortir des logiques de marché. Et mettre en place un plan. C’est ce que propose le scénario Afterres2050 pour la France https://afterres2050.solagro.org/. Construit sur le modèle du scénario négaWatt par Solagro, entreprise associative qui réunit des agriculteurs et des citoyens, ce projet propose un plan pour maintenir la production agricole en divisant par trois l’ensemble des intrants et impacts, tout en garantissant le fait de bien nourrir les Français. Mais Xavier Poux pointe aussi les limites du bio : « Si le fumier est acheminé par camion depuis des pays étrangers – comme c’est le cas pour de nombreux agriculteurs en France –, on passe à du bio industriel. »
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Les nouvelles voies de l’agroécologie
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Xavier Poux propose un modèle d’agroécologie nommé TYFA qui permettrait de nourrir le continent européen – les données manquent à l’échelle mondiale – à surface agricole constante, tout en limitant le risque de rupture en approvisionnements. Pour cela, nous devons agir tant sur nos techniques agricoles que sur notre régime alimentaire
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Benoît Biteau, député EELV au Parlement européen et agriculteur en Charente-Maritime sur 210 hectares (céréales, légumineuses, bétail, prairies), ces « techniques culturales simplifiées » donnent « des résultats économiques très satisfaisants » ... alors que son père, qui travaillait ces mêmes champs en conventionnel, mobilisait 7 calories fossiles pour produire 1 calorie alimentaire, Benoît Biteau produit 2,4 calories alimentaires avec 1 calorie fossile [2].
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Philippe Pointereau, coauteur du scénario Afterres2050, confirme : « Il est temps de raisonner en termes de système alimentaire durable. Le changement de régime alimentaire – produits de qualité, moins de viande et de produits laitiers – est un puissant levier de transition, il est dans les mains de tous les consommateurs mais aussi des collectivités locales. »
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[1] Pierre-Marie Aubert et Xavier Poux, Demain, une Europe agroécologique, Actes Sud, 2021.
[2] Les calories fossiles représentent l’énergie fossile dépensée pour la production agricole ; les calories alimentaires l’énergie récupérée sous forme de nourriture. Cette comparaison vise à mesurer l’empreinte énergétique des différents modèles agricoles.
Connu / https://wegreen.fr/post/196684