La faute au manque de biodiversité
Rencontre avec Serge Morand, chercheur CNRS-Cirad. Ecologue de la santé et parasitologiste de terrain, il conduit de nombreuses missions notamment en Asie du Sud-Est. Il est l’auteur de "La prochaine peste" (Fayard), 2016.
Depuis le début du siècle, le nombre de personnes touchées par une maladie infectieuse diminue. ... grâce à nos systèmes de santé performants. La chute commence avant l’apparition des vaccins et des antibiotiques. Elle est surtout due à la santé publique et à l’hygiène. Par contre, le nombre d’épidémies augmente.
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Une maladie infectieuse se transmet, dans la plupart des cas, d’un animal sauvage à un animal domestique (y compris ceux d 'élevage) puis à l’être humain.L’animal domestique est un pont.Dans le cas du coranavirus, il y a 95% de chances que la cause de l’épidémie soit une chauve-souris et non un pangolin ni un rongeur. « Le pont » vers l’être humain n’a pas encore été identifié comme par exemple celui de la civette avec le Sras.
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Le monde sauvage se fait envahir par l’animal domestique ou par des vecteurs qui apprécient les humains comme les moustiques, transporteurs de la dengue, de zika ou chikungunya. Les liens s’intensifient entre le monde sauvage et le monde domestique. D’autres chercheurs ont montré que cette destruction de l’habitat du monde sauvage augmente le risque infectieux. Ils estiment qu'environ 20% du risque de paludisme dans les lieux de forte déforestation est dû au commerce international des produits d'exportation impliqués dans la déforestation, tels que le bois, le tabac, le cacao, le café ou le coton.
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En biomasse, les vaches pèsent plus que les êtres humain. Pour élever et nourrir ces animaux, nous avons besoin de terres qui empiètent sur le monde sauvage : 70% des terres agricoles sont consacrées à l’élevage et aux cultures pour produire des protéines animales. Ces animaux sont en plus à l’origine de plus de 22 milliards de tonnes d’excréments par an. Ces déjections peuvent propager des maladies notamment en contaminant l’eau et les sols.
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Les interactions des vivants perdent leur équilibre dynamique dans les écosystèmes perturbés et avec elle, la résilience des systèmes écologiques. Nous créons des « pathosystèmes ». L’homme détruit la résilience nécessaire à la nature et à notre santé.
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nous vivons, en ce moment, le dernier signal d’alerte de la faune sauvage. J’espère que nous serons assez forts pour réagir. Ces épidémies sont des alertes. Si nous ne préservons pas la biodiversité, les crises sanitaires vont se multiplier.