Tribune de Hugues Ferreboeuf, Directeur du projet « sobriété numérique » au Shift Project, et votre serviteur, parue en ligne sur lemonde.fr le 9 janvier 2020
...
Parlons énergie, d’abord : pour un opérateur mobile, 65% de sa consommation énergétique directe vient du fonctionnement des équipements fournissant la couverture radio. Or, il y a aujourd’hui un consensus pour dire qu’un équipement 5G consomme 3 fois plus qu’un équipement 4G, et qu’ajouter des équipements 5G aux sites existants (2G, 3G, 4G) conduira à doubler la consommation du site. Par ailleurs, avec la 5G il faudra 3 fois plus de sites qu’avec la 4G pour assurer la même couverture, conformément aux souhaits du gouvernement. Au final, avec ce déploiement la consommation d’énergie des opérateurs mobiles serait multipliée par 2,5 à 3 dans les 5 ans à venir, ce qui est cohérent avec le constat des opérateurs chinois ayant déployé 80.000 sites 5G depuis un an.
Cet impact n’a rien d’anecdotique puisqu’il représenterait environ 10 TWh supplémentaires, soit une augmentation de 2% de la consommation d’électricité du pays. A cela il faudra rajouter l’énergie nécessaire à la fabrication des éléments de réseau, et surtout à la production des milliards de terminaux et d’objets connectés que nous souhaiterons relier via ce réseau (dans le monde, l’énergie de fabrication des terminaux, serveurs, et éléments de réseau représente 3 fois l’énergie de fonctionnement des réseaux, hors data centers). Alors qu’une augmentation de la durée d’utilisation des smartphones serait centrale pour réduire leur empreinte carbone, l’apparition de la 5G accélérerait leur remplacement, pour le plus grand bonheur des fabricants d’équipements, et le plus grand malheur de notre balance commerciale, puisque tout est importé.
Est-ce la bonne direction que de faire fortement augmenter l’empreinte énergétique – donc carbone – de notre système de communication quand les économies d’énergie sont à encourager au nom d’un autre objectif national, lui inscrit dans la loi, la neutralité carbone ? Et que cette explosion d’objets connectés soit bonne pour l’efficacité énergétique ailleurs reste à prouver…
...
En face, les revenus des opérateurs ne vont probablement pas suivre, puisque les services offerts lors de l’introduction des forfaits 5G seront…les mêmes qu’aujourd’hui ! Il sera compliqué de faire payer la seule réduction des temps de téléchargement, ou la moindre détérioration des débits dans les zones très fréquentées. Les espoirs des opérateurs reposent sur des solutions de type Industrie 4.0 à destination des entreprises, mais d’autres technologies (Wifi, Sigfox, LoRa, NB-IOT, LTE M etc..), moins coûteuses, et déjà en place depuis plusieurs années, constituent des alternatives crédibles pour un grand nombre d’usages à base d’objets connectés (IoT).